Arrêtez votre petit blog que personne ne lit, bénéficiez des milliers de visiteurs quotidiens de SpikeSeduction pour votre journal

Modérateurs: animal, Léo

By Cairn
#168059 [size=150]Prologue[/size]

La neige fraîche étincelait, et nous, nous transpirions à grosses gouttes. A mesure que j'avançais sur le chemin qui serpentait à présent entre quelques épicéas, la distance qui me séparait de Sylvie augmentait rapidement. Elle ne l'avait certainement même pas remarqué et se moquait d'ailleurs fort bien d'avancer à pas de fourmis. La connaissant depuis quelques semaines, je l'imaginait, le visage souriant, bien plus occupée à capter, avec un soin extrême, chacun des rayons de soleil, qu'à se demander quand j'allais me décider à l'attendre.

Finalement je fis une petite pause pour me désaltérer lorsque, soudainement, tous mes sens s'évanouirent. Tous sauf un. Perdu dans les montagnes, là où poussent les derniers arbres, un parfum particulier, envoûtant mélange sucré de jasmin et de santal, avait pris, par effraction, possession de mon âme. Je connaissais intimement la sensation qu'il me procurait. Il m'évoquait le corps de cette femme qui avait partagé quelques jours de ma vie, l'odeur de son oreiller au réveil et celle de cette écharpe en laine bariolée qu'elle emmenait partout avec elle.

[img]https://41.media.tumblr.com/d927b03b899ef5d268c518e16eb213cd/tumblr_n23wvwsD461r1xa89o1_500.jpg[/img]

Lorsque finalement Sylvie me rejoignit, je lui fis part de la sensation que j'éprouvais, dissertant longuement sur les rapports entre l'odorat et la mémoire, tout en omettant de lui parler de celle dont j'avais oublié le nom, mais non le parfum. Je finis par me convaincre que mon esprit s'était rappelé de cette fille, et que j'avais cru ressentir cette odeur si caractéristique.par un procédé psychosomatique inconnu.

Arrivés à quelques mètres de la cabane marquant la fin de notre étape du jour, nous jouissions pleinement du panorama silencieux et de la chaleur prodiguée par l'astre diurne. Alors que nos papilles frémissaient déjà à l'idée partager un ou deux verres de ce délicieux vin blanc dont les producteurs de la région ont le secret , je la vis. C'était la femme-au-parfum. Oui, c'était elle, cela ne faisait maintenant plus aucun doute. Elle approchait à grand pas dans notre direction. Que faisait-elle là, si haut, si loin de chez elle, accompagnée de son copain ?

Nous échangeâmes poliment un sourire discret et deux syllabes. Sylvie ne dit rien, mais je sus instantanément qu'elle avait tout compris. Les femmes ont du flair pour ces choses là, c'est certain . La femme-au-parfum s'en alla, disséminant ses exhalaisons en direction de la vallée, au bon souvenir des hommes qui l'avaient connue.


------------------------------
Cela fait quelque temps déjà que l'idée d'écrire un journal m'était apparue, mais j'ignorais alors le but, et la manière. Le souvenir de cette petite anecdote m'a donner envie, à moi aussi, de laisser une trace vivante de mon cheminement pour pouvoir au détour d'un sentier la retrouver, la suivre, et prendre de la hauteur.
By Cairn
#169776 Je ne sais plus où j'en suis.

Jeudi, j'ai bu toute la soirée. Sans raisons apparentes, sans limites. Je ne sais pas ce qu'il m'a pris. Je déteste être ivre, perdre la maîtrise. La musique était joyeuse, mes amis aussi. Je me sentais serein, prêt à profiter des congés de l'Ascension. Victoria, une petite brune aux yeux verts que j'avais invitée la veille, nous avait même rejoint. Elle voulait que je la ramène à son nouvel appartement, plus tard. C'était un bon début mais rien n'était gagné d'avance. La suite fut une longue descente aux enfers.

Un verre puis deux, trois… je n'ai pas compté, j'aurai du. Soudain, l'ivresse s'empara du gouvernail, cherchant à me faire sauter par dessus bord. Me voilà seul sur le pont, au bord de l'abîme, à lutter contre ma stupidité et mon dégoût. Mon esprit errait hors de l'espace-temps social à la recherche d'une bouée. En vain. Je demeurais absent aux autres, comme à moi-même.

Les lumières s'éteignirent. Sans réactions de ma part, mes amis et Victoria étaient déjà partis. Je cherchai mes clefs puis me souvins que je leur avais confié ma voiture. Ouf. J'imagine la scène, moi face à eux, essayant de sauver les apparences, feignant le mec cool et généreux qui assure. Finalement, je m’enfuis avec le premier train après une longue attente à la gare avec d'autres échoués, compagnons d'infortune.

Aujourd'hui je ne comprends toujours pas. Étais-ce le besoin inconscient de me mettre en danger ou ma propension à « l'auto-sabordage » qui se sont soudainement manifestés? Io non so. Quelque chose cloche et cette soirée en est le symptôme.

Je ne sais plus où j'en suis. Au printemps 2014 c'était pourtant évident : J'étais au fond. Il m'avait fallu quelques mois supplémentaires après une rupture difficile pour parvenir à ce seuil où il ne reste plus que le sursaut d'orgueil pour vous mettre d'aplomb.
J'avais fixé des objectifs SMART, en bon élève travailleur et surtout chanceux, et même un garde-fou à mon ambition : ne faire ce que je sais faire, mais en mieux. Le succès fut au rendez-vous : j'appris à prendre davantage soin de moi, de mon corps, de mon apparence, on m'offrit un job à la hauteur de mes compétences, je retrouvais des activités saines qui me permettent d'évoluer, un nouveau logement et un sourire sur le visage de mon banquier. Durant ces 9 mois, je voyais régulièrement (mais pas si fréquemment) Sabrina et Iris. Elles n'en savaient rien. Leurs profils étaient presque identiques : brunes élancées, de taille moyenne, un air BCBG, de longs cheveux lissés et des seins menus. Les deux avaient le même âge (25 ans), étudiaient encore, et possédaient une folle envie de s'amuser. Des filles normales, banales qui étaient venues me parler et m'avaient offert un verre*, puis leur corps. J'ai arrêté de voir Sabrina le jour où elle m'a demandé de la rejoindre chez des amis à elle. Iris s'était quant à elle s'est mise en couple à mon retour de voyage. Cela ne m'importait que peu. Elles m'avaient apporté cet air de fraîcheur mêlé de liberté d'audace et d'innocence que je cherchais alors.

Finalement je décidai à la fin de l'automne que mes efforts méritaient une récompense. Je pris le risque de demander à mon chef deux mois de congés sans solde afin de voyager seul en Asie. Il accepta. Ce contact avec l'inconnu me fit le plus grand bien. Pour faire court et sans retranscrire l'intégral des cahiers noircis à mon retour, je me suis révéler. J'ai aussi découvert combien les jeunes anglaises se donnent facilement et comment les yeux des allemandes s'illuminent dès qu'un homme vient leur parler.

Cela fait maintenant trois mois que je suis de retour et je tourne en rond. Peu de rencontres intéressantes qui me donnent l'envie de lutter. Je me contente de faire ce que je sais faire, mais à l'identique. L'ambition me ronge et m'épuise. Je n'avance plus et le navire sombre. La routine habituelle quoi ! La voilà de retour, encore, et encore sans même crier garde.
----------------------

*Animal, je ne te remercierai jamais assez pour ceci : Sauf cas exceptionnel, j'ai toujours eu une ouverture avec une fille qui m'a offert de l'alcool 
Avatar de l’utilisateur
By animal
#169819 [quote="Cairn"]*Animal, je ne te remercierai jamais assez pour ceci : Sauf cas exceptionnel, j'ai toujours eu une ouverture avec une fille qui m'a offert de l'alcool 
Remercie Stéphane, c'est lui qui me l'a mis en pleine poire alors que je lui racontais qu'une fille m'avait offert de l'alcool, et que je n'en avais rien fait :-)
By Cairn
#169921 Alors merci à vous deux. Les idées, mêmes les meilleures, ont toujours besoin d'une voix, d'un corps ou d'une plume.
By Cairn
#169922 Suite au message précédent j'ai recontacté Sabrina après 6 mois sans échanges. J'aimerai pouvoir dire que je l'ai fait par curiosité, mais ce serait mentir. Elle m'a répondu quasi instantanément.

[size=150]Comme une bulle de savon (1)[/size]

[url=http://www.hostingpics.net/viewer.php?id=630870Zaglavnaea2.jpg][img]http://img11.hostingpics.net/pics/630870Zaglavnaea2.jpg[/img][/url]

J'ai rencontré Sabrina lors d'un concert. Je l'avais vue devant la scène avec sa silhouette allongée ses lunettes et sa peau de pêche « danser » sur une reprise de « Smells Like Teen Spirit » ; mais pas comme les autres, c'est-à-dire sans excès. Elle me fit l'impression de posséder le don peu commun de s'amuser, de se fondre dans la masse bruyante, tout en canalisant une énergie interne qui semblait pourtant débordante.
Et puis à la fin du concert, je l'ai vue s'avancer dans ma direction au milieu d'une foule dense. Les mots m'avaient alors échappés et ce qui ne devait être qu'une pensée s'était transformé en paroles.

[quote]M (la fixant du regard):Mon dieu, cette fille à vraiment une énergie in-croy-able !
E : Merci :-)
E : Tu saurai pas où je peux trouver des cigarettes ?
Je lui indique le chemin vers un des derniers bars encore ouverts à 200m d’où nous nous trouvions
[quote]E : Tu m'accompagnes ?

Quand je pense au nombre de fois ou je n'ai pas trouvé les mots pour aborder une fille qui me plaisait alors que quelques paroles irréfléchies et un peu d'énergie auraient peut-être suffi, j'ai envie de me pendre.

Dans l'instant, je lui saisi fermement la main et l'entraîne dans la rue bondée, sourire aux lèvres, sachant pertinemment ce qu'une telle proposition signifiait. La connexion s'installe rapidement sur le trajet, ça y est, nous sommes dans la même bulle, un seul souffle avait suffit. Sabrina a l'esprit vif, taquin, et les discussions sentent bon l'insouciance et la légerté. Et puis elle commande deux bières au bar, alors je l'embrasse sur les lèvres en guise de remerciement. Sourires. Elle se serre contre moi, recommence, mais cette fois-ci en enfonçant sa langue aussi profondément que possible de ma cavité buccale. Diable que cherche-t-elle à faire ? Je n'apprécie que moyennement. Ce n'est ni grave ni le moment pour lui apprendre, et puis sa poitrine ferme appuyée contre mon thorax et mes mains explorant la courbure de ses reins rendent de toutes manière ce moment plus que supportable.

J'observe Sabrina qui termine son verre à quelques centimètres de moi. Nous sommes toujours dans le même bar. Nous avions dansé, ri, échangé à plusieurs reprises notre salive et parlé à l'ensemble des personnes à notre portée dont certaines avaient trouvé que nous formions un beaucoup couple. Ce n'était pas surprenant, vu la connexion émotionnelle et la tension sexuelle grandissantes, que notre bulle, s'élevant inexorablement, réjouisse même des inconnus. C'est au milieu de ce tumulte, mes yeux plongé dans les siens, que le silence me saisit. Non pas un silence embarrassant, non. Il n'avait duré qu'un court instant et sans doute Sabrina ne s'en était pas aperçu. Celui-ci entrait dans la catégorie de ces silences presque omnipotents capables de taire n'importe quel bruit, de dilater le temps et de vous extraire du monde.

Et puis alors que la musique infâme violait à nouveau mes tympans tout est devenu clair: c'était à moi dorénavant de conduire ce jeu d'enfants qu'elle avait initié vers des plaisirs réservés aux grands. Il valait mieux partir, pensai-je, et nous isoler car à ce stade je n'imaginais que deux suites possibles cette nuit-là, dans ce bar :soit nous passerions la nuit au poste pour outrage aux bonnes mœurs, soit la tension finirait par décroître aussi rapidement qu'elle s'était installée.
By Cairn
#179716 [size=150]Éloge de la lenteur
[/size]
Je vis une période étrange. J'ai quitté mon emploi un jeudi soir de mars soit un mois à peine après le départ de Sabrina. Pour une fois, j'ai eu le sentiment de m'être vraiment écouté.
Bien évidemment tout le monde semble chercher à comprendre pourquoi. Dans ces cas-là, si d'aventure vous deviez, un jour, vous positionner, je vous déconseille l'utilisation de mots surannés tels qu'intégrité, éthique, vertu. Aujourd'hui, ces idées, trop denses pour l'air du temps, ne parviennent que difficilement jusqu'à l'oreille de vos auditeurs; et presque jamais jusqu'à leur esprit. L'écoute est un art qui n'a plus beaucoup de fidèles, semble-t-il. (Trop) nombreux sont ceux qui lui préfèrent, sans même s'en apercevoir, l'écho de leurs propres peurs.

Contre toute attente, je me suis retiré à la montagne. Mon temps libre est consacré à la nature, à la lecture, parfois à l'écriture. Une phrase par-ci, une pensée par là. Au début cela ne devait être que pour quelques semaines. Finalement, j'ai prévu d'y rester jusqu'à fin août. La solitude choisie n'est ni une fuite ni un abandon mais un détachement. Elle opère sur vous une sorte de magnétisme et finalement les visites se multiplient, parfois trop.

Et puis, cela m'a sauté aux yeux. Ce rapport biaisé que j’entretenais jusqu'alors avec le rythme de ma vie. Quand je ne prostituais pas vaniteusement mon temps, j'en étais devenu l'esclave. Entre les deux rien, rien qui ne justifie d'aller si vite. Cette découverte, je la dois à deux femmes qui, tour à tour, m'ont permis de prendre conscience de l'empressement avec lequel nous avons tendance à vouloir jouir de la vie; comme si l'instant d'après c’était toujours trop tard, et qu'il arrivait, par conséquent, toujours trop tôt.

[img]https://s-media-cache-ak0.pinimg.com/564x/93/87/ff/9387ff91c26ef81e10176008bcc4d0cf.jpg[/img]

Je devais accueillir Sara deux nuits chez moi, dans mon refuge. Elle venait pour un mariage. On ne lui avait pas trouvé de logement et je m'étais proposé pour l'accueillir. Lorsqu'elle arrive le courant passe naturellement bien. Elle ne s'en étonne pas, elle qui cache sous ses allures de garçon manqué et sa longue chevelure brune une féminité assumée, un peu à l'italienne. D'ailleurs, nous avons préparé des gnocchi. Et puis, avant même d'avoir pris le dessert, alors que le soleil descendait à peine derrière l'horizon, je l'ai vue, allongée devant le feu de la cheminée, avec son verre de vin à la main, feignant de m'ignorer, alors que tout son corps m'invitait à imiter sa position et à entrer dans la danse. J'éprouvais un décalage horaire dans le désir et je ne l'ai pas verbaliser. Elle s'est sentie rejetée et s'en alla le lendemain, froidement. Peut-être qu'à 25 ans n'était-elle pas accoutumée à souffrir ce type de frustration? Pourquoi vouloir jouir si vite m'étais-je demandé?

Quant à Catherine, je l'ai rencontrée il y a une semaine sur un site de rencontre. Qui aurait cru que du haut de ma montagne, à plus de 30 ans, je me décide à m'inscrire à un de ces supermarchés de l'amour. Autant vous l'avouez, je n'ai pas été très actif: Un abonnement d'un mois, un profil sans photo, mais avec un annonce subtile, authentique et travaillée. Et puis un message léger et original destiné à la belle Catherine, l'unique personne contactée, chez qui j'avais discerné, entre les lignes de son profil, des qualités rares ainsi que de précieuses valeurs. Elle y répond avec amusement et non sans intérêt. La grande distance géographique qui nous sépare fait office de garde-fou. Je décide de placer d'emblée la barre très haut. Je veux éprouver son âme, la confronter à ses limites et à ses prétentions. Enfin, aussi haut qu'il m'est possible, c'est à dire bien au-delà de ce qu'il est raisonnable, selon moi, d'attendre d'une inconnue en terme d'élévation intellectuelle, de finesse dans les sentiments, de compréhension et de générosité dans le partage. Sa réponse augmenta mon optimisme. Nous échangeons un message par jour, durant deux jours. Elle a une belle plume et je goûte avec délice à cette brève relation épistolaire. Je joue un peu en lui imposant de ralentir encore la cadence de nos échanges, ne lui parle jamais directement de moi, d'elle ou de nous. Et puis le drame… son clavier s'emballe et me noie sous une avalanche de messages. Elle veut tout savoir de moi, ne contient plus ses mots et relâche son écriture. Seulement, je discerne très rapidement dans les silences qu'encadrent son discours, qu' elle cherche non seulement à provoquer une rencontre légitime, mais qu'elle envisage déjà de s'installer dans ma région, d'y trouver un emploi. Il ne faut pas être devin ni avoir décapité un poulailler entier pour identifier que cet empressement ne présage rien de bon. Quand j'étais plus jeune, c'était moi qui étais trop pressé, et, à présent ce sont elles.

Seule la patience permet de jouir de tout son temps.