Modérateurs: animal, Léo

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By isador
#117939 Un récent article du journal "Le Monde" traite d'un trait culturel ancré dans notre culture et nos arts littéraires. Il s'agit de la règle grammaticale "sexiste" que porte le français : lorsqu'il faut accorder (pas une guitare, bande de zicos) et que la phrase contient les deux genres, on accorde au masculin. Comme le dit le vieil adage, on fait avec ce qu’on a, et le fait est que l’on n’a pas de genre "neutre" en français.

L'article : [url]http://www.lemonde.fr/culture/article/2012/01/14/genre-le-desaccord_1629145_3246.html[/url]

[size=150]Un peu de théorie pour mieux comprendre :[/size]

Les sciences du langage nous apprennent à ce propos une chose essentielle : La langue, comme le mentionne l'article, est la manière la plus courante de dire le réel. La plus courante car il existe de nombreux langages, que nous utilisons chaque jour sans véritablement s'en rendre compte.
A ce titre, la langue orale, écrite, les arts, ainsi que les signes (notre cher doigt d'honneur, le fait de lever la main en classe) sont des signes interprétables dans une culture et dans un contexte donné. Ils sont donc des langages. Et l’interprétation sera différente selon le contexte. Pour donner l’exemple de ce cher Wikipédia, lever la main n’aura pas la même signification selon si l’on est dans une salle de classe, ou si c’est pour faire signe au chauffeur de bus de s’arrêter.

Les langages précédemment cités ne décrivent cependant jamais le réel dans son exactitude: ils mentent. En effet, tout langage est une sublimation (ou une représentation inexacte) du réel. En effet, comme le précisait Rousseau (Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les Hommes), lorsque quelqu'un nous parle d'un arbre précis, la représentation (l'image) qui nous viendra à l'esprit sera inexacte, puisque la description sera forcément empreinte de défauts. De la même manière, Aragon écrivait (pas du nom du livre) que lorsqu'il peignait un arbre (car il peignait aussi le bougre), il ne le représentait pas tel qu'il était, mais tel qu'il le voyait. Il exprimait donc sa subjectivité dans sa peinture.

En fait, il y a plusieurs déformations de la réalité :
-Celle par laquelle l’émetteur déforme la réalité (il a été influencé par sa subjectivité en la percevant, et il ne représente pas la réalité de manière véritable).
-L’interprétation du récepteur : on s’écarte encore de la réalité, puisque ce dernier va encore interpréter et déformer ce que l’émetteur lui transmet.

[size=150]Revenons à nos moutons : [/size]

C'est donc sur ce principe de la sublimation du réel que se basent de nombreuses linguistes (oui, il s'agit souvent de femmes). Elles affirment qu’enseigner la règle de l’accord masculin à l’école crée une symbolique qui empreint notre culture : celle de l’homme dominant la femme.
Cette règle grammaticale vieille comme le monde n’a pas empêché l’évolution des mentalités au 19ème siècle, l’indépendance des femmes, le droit de vote… et n’empêche pas non plus les femmes de nous recaler dans la rue (le voilà le rapport avec SpikeSeduction).


C’est la première fois que je fais un article sur le forum, et j’espère recueillir vos avis. Vos avis quant au sujet sont aussi les bienvenus.
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By kero
#117941 Dans l'ensemble, nous sommes d'accord et ta réflexion intéressante.

Si ce n'est que je remplacerais "représentation inexacte" par "représentation symbolique" (ou en tout cas, ça me semble important à préciser). En effet, le langage traduit des représentations qui sont certes inexactes, mais qui sont inexactes en ce qu'elles renvoient à un référentiel commun, adaptable à la réalité qui par définition n'est jamais pareille. En somme, le langage est une abstraction de la réalité, et en cela est "inexact", mais son inexactitude rend la communication possible, en ce que celle-ci doit nécessairement se servir de symboles (et les mots sont des symboles), d'images/représentations en quantités limitées qui renvoient à la variété infinie du réel.
By Piano
#118062 Celles qui ont oeuvré pour le droit de vote des femmes et les autres droits des femmes bafoués à l'époque, en gros les féministes qui se sont battues pour une cause juste, sont catastrophées des dérives actuelles. Elles ne nous en veulent pas, bien au contraire. Il n'y a qu'à parler un peu avec des femmes de 50-60 ans pour s'en rendre compte. Evidemment nos générations tu en as une sur 2 ou 3 qui voit plus loin que le bout de son nez.

Je dis ça par rapport au titre de ton article, pour l'article du Monde, moi ça ne me dérange pas les évolutions de la grammaire, c'est vivant une langue :)
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By Weib
#118095 Un commentaire de l'article sur Le Monde est très juste a ce sujet:
[quote]Les mots n'ont pas de sexe, ils ont un genre. On dit un pénis, une verge, un vagin... Ceux ou celles qui se battent pour le genre féminin, en voulant défendre le sexe féminin, se trompent de cible.
Dans l'article je vois des commentaires parlant de changer la dominance du masculin sur le féminin provenant partiellement d'une règle de grammaire apprise a l'école et qui manipule l'esprit des enfants... Franchement !
ByThe Man Outside
#118099 [quote="Weib"]Un commentaire de l'article sur Le Monde est très juste a ce sujet:
[quote]Les mots n'ont pas de sexe, ils ont un genre. On dit un pénis, une verge, un vagin... Ceux ou celles qui se battent pour le genre féminin, en voulant défendre le sexe féminin, se trompent de cible.
Dans l'article je vois des commentaires parlant de changer la dominance du masculin sur le féminin provenant partiellement d'une règle de grammaire apprise a l'école et qui manipule l'esprit des enfants... Franchement !


+1

Ne négligeons pas néanmoins l'influence du langage sur la représentation du monde. Sans oublier, bien sûr, l'influence de la représentation du monde sur le langage... :wink:
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By isador
#118101 [quote]Dans l'article je vois des commentaires parlant de changer la dominance du masculin sur le féminin provenant partiellement d'une règle de grammaire apprise a l'école et qui manipule l'esprit des enfants... Franchement !

C'est une idée qui pourtant a du sens. Mais c'est sans doute exagérer le problème. La tendance à la domination des hommes sur les femmes est aujourd'hui moindre, voire inversée (on va finir par se faire marcher sur les pieds).

[quote]Je dis ça par rapport au titre de ton article, pour l'article du Monde, moi ça ne me dérange pas les évolutions de la grammaire, c'est vivant une langue

Titre accrocheur : coupable :wink:
L'évolution de la langue, bien sur. Reste à savoir pourquoi. En général, l'évolution du dictionnaire est faite en fonction des usages (de l'évolution orale du langage). Mais ici, il ne s'agit pas vraiment d'un usage, plutôt d'un fantasme féminin.

J'aimerais vous conseiller de regarder sur youtube quelques vidéos sur le féminisme. Son avis est intéressant, mais à nuancer, édulcorer, diluer... (il est un peu brut le mec).
Par exemple
[url]http://www.youtube.com/watch?v=1aOSFj5qof8&feature=related[/url]
[url]http://www.youtube.com/watch?v=fdOY_ZAXXEk[/url]
By Lise
#120695 Le débat n'est pas nouveau, la présidente des chiennes de garde a même exploité cette idée jusqu'à la corde dans son "Roman à l'eau de bleu" (date de sortie 2003) dont je copie-colle ci-dessous le résumé "officiel" de leur mouvement :

[quote] Dans la société imaginaire inventée par Isabelle Alonso, les femmes ont toujours dominé, c’est comme ça, c’est dans l’ordre naturel des choses : elles ont accès au pouvoir, aux responsabilités, au respect, et les hommes grapillent les miettes.

Cet univers est-il meilleur que le nôtre ? Bien sûr que non. Il discrimine, il viole, il méprise autant. Le véritable coupable du sexisme n’est ni la paire de chromosomes XX, ni la paire XY, c’est l’abus de pouvoir. Sur un ton toujours léger et avec son humour habituel (on est dans un roman à l’eau de bleu, pas dans une tragédie !), Isabelle Alonso démonte les mécanismes de la domination à la fois sur le fond et sur la forme. Kim, l’un des héros, voit son hominisme (l’équivalent du féminisme de notre monde à nous) enthousiaste et naïf et son amour fou pour la belle députée Philomène bien malmenés par la réalité matriarcale environnante. Son père, Gil, essaie de conserver sa dignité malgré les frasques conjugales de sa femme Bernardine. Celle-ci, brillante chèfe d’entreprise à l’affût constant des « émouvantes protubérances » des jeans de ses employés, a jeté son dévolu sur Loup. Mais celui-ci a d’autres priorités à gérer.

Le sexisme se glisse partout, y compris dans le langage. Donc, dans cet univers, c’est le genre féminin qui l’emporte sur le genre masculin. Par exemple, on emploie le pronom « elles » lorsqu’on parle d’un homme et d’une femme en même temps. On fait des bébées, on s’asseoit en tailleuse, on assiste à des concerts donnés en publique. Le retournement de situation, un peu perturbant pendant les quarante premières pages, devient, cinquante chapitres plus loin, un vrai plaisir, un véritable jeu, même, mais aussi une prise de conscience sur la facon dont le langage nous conditionne.

Allez, pour jouer et pour rire, imaginons que la critique du livre d’Isabelle paraisse dans les journaux de son univers à elle... Voici le texte de cette critique imaginaire. Saurez-vous « traduire » les expressions féminisées ?

« Ce mois-ci sort dans toutes les bonnes librairies le nouveau roman d’Isabelle Alonso, une saga réjouissante pour les petites et les grandes. Les lectrices y feront la connaissance des héroïnes Kim, Loup, Gil ou Bernardine, et s’embarqueront avec elles pour de savoureuses aventures, riches en rebondissements. Quelques scènes croustillantes et des hommes en tenue légère ne manqueront pas de tenir tout le monde en haleine. Pour nos lectrices de l’autre sexe, Isabelle Alonso fait même allusion aux dernières revendications hoministes et pose la question de l’éternelle égalité des sexes : à quand des hommes au Parlement, la masculinisation des titres ou encore une véritable lutte efficace contre la marchandisation des corps et la virilité à tout prix ?

Romanesque, drôle, ce livre devrait fédérer autour de lui une large publique. »

Je l'ai lu, par curiosité. C'est grotesque et non "drôle".
Et franchement, vouloir changer cette règle de grammaire est comme supprimer le "mademoiselle" des formulaires officiels : c'est se tromper de débat.