Avoir une vie stylée

Modérateurs: animal, Léo

By ZullTrasson
#175081 « Il y a trois choses, dans la vie, que je ne supporte pas : le café brûlant, le champagne tiède et les femmes froides. »
- Orson Welles

[img]http://36.media.tumblr.com/tumblr_ma1dizQRZ71qzamnro1_1280.jpg[/img]


Suite à la sélection de machine à café individuelle disponible sur Econ et la lecture de certains sujets traitant de cette boisson Ethio-Yéménite sur le forum, j'ai souhaité relancer les discussions. Ce sujet traitera globalement du café, de la pousse jusqu’à la tasse ; pour vous faire découvrir ce qui a détruit beaucoup de mes journées et hanté mes nuits. Les séminaires de Stéphane commençant toujours par quelques claques de réalité, il est de bonne mesure, pour faire plaisir au patron, de procéder de la même façon : la première partie sera donc consacrée à la démolition de certains mythes.


Commençons par le plus facile et que tout le monde connaît déjà sûrement : depuis la nuit des temps le café est considéré comme une boisson chaude, noir et amer. Il est maintenant, grâce aux Starbucks, Nespresso, Italiens et consorts, accepté qu'il puisse être tout autre. Effectivement, peu importe la méthode d'extraction utilisée, l'amertume est synonyme de défaut. Le résultat obtenu se doit d'avoir plus ou moins de corps, des arômes perceptibles et à l'instar du thé, une température appropriée.

Il a été, et est toujours, question d'une certaine « crema » dans les espressos. Cette partie volatile et étrange d'une couleur oscillant entre le jaune et le foncé a gagné de l'importance avec la troisième vague de cafés/baristas/torréfacteurs, forçant même les grands groupes à suivre le mouvement. Il s'avère en réalité que celle-ci n'a pas d'importance. Cette « crema » est issu du CO2 que dégage le café, plus le café est « frais » - c'est à dire plus la torréfaction est récente- plus l'espresso en contiendra. Sa couleur, elle aussi, n'a aucune importance, qu'elle soit tigrée, foncée ou claire.
Il est à noter que pour déguster un espresso, il est indiqué de « casser » cette « crema » avant d'en prendre une gorgée.

Beaucoup de personnes ne comprennent pas bien comment fonctionne la caféine et préfère souvent prendre un filtre, pensant à tort -et à raison- qu'il en contiendra moins. Il faut en fait distinguer deux choses. Pour faire simple la caféine se dissout dans l'eau alors plus nous faisons passer d'eau sur du café, plus notre boisson obtenue comportera de cette substance. Par conséquent on en consomme plus dans un filtre (Papier, Piston, Infusion, Aeropress) que dans un espresso. Là où la proportion s'inverse est pour le taux de concentration, qui est supérieur pour l'espresso à cause de sa méthode d'extraction. Cela signifie qu'à volume égal, l'espresso contient effectivement plus de caféine mais on ne boit jamais un filtre de la taille d'un espresso, ni ce dernier de la taille du premier.

Cette comparaison me pousse à vous parler des filtres qui, depuis quelques années, subissent d'un regain d'intérêt très mal placé. Cet intérêt soutiendrait qu'ils sont le fleuron de ce produit, que tout y est meilleur et que les arômes y sont bien plus perceptibles et fins. Il est important de clarifier une chose : s'il est vrai que les arômes se développent plus que dans un espresso, ils ne sont pas forcement plus perceptible. Cela vient du fait que 95 % des espressos que nous buvons, qu'ils soient servi par un barista ou non, sont mauvais. Très mauvais. C'est aussi le cas pour les filtres, mais leur avantage est que les défauts s'y cachent plus facilement.

Je souhaiterais aussi vous parler d'un phénomène qui commence, en France, à prendre son envol (à juste titre). Il s'agit de la torréfaction et de la vente en sachet, et je ne saurais dissocier les deux. Si vous achet(i)ez des paquets de café chez des torréfacteurs, peut-être avez vous remarqué qu'il est de plus en plus question de la fraîcheur de la torréfaction. C'est bon signe car au bout d'un mois après torréfaction, vos grains seront oxydés et vous n'en sortirez pas grand-chose. Pour ceux qui vous indique la date de récolte des grains, vérifiez bien qu'elle ne dépasse pas un an sinon vos grains sont déjà passés.
Mais surtout, n'achetez jamais votre café moulu. Nous n'avons pas encore trouvé de solutions autre que vous conseillez d'acheter un moulin, alors nous vous le vendons moulu, sachant très bien qu'une fois arrivé chez vous il sera déjà trop tard.


Je tiens à préciser que tout ceci n'est valable que pour aujourd’hui et que, comme disent certains, nous savons que 50 % de ce que nous faisons est correct, nous ne sommes juste pas sûr desquels.
Mais à la fin, la vérité est au fond de la tasse.




S'il reste des personnes vivantes et intéressées après ce long texte, le second chapitre traitera de la culture et récolte du café !
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By Rafaël
#175102 Excellente idée de topic. J'avais lancé un [url=https://www.spikeseduction.com/forum/bacchi-espresso-vt11417.html?hilit=bacchi]thread[/url] sur certaines machines à espresso ; celui-ci manquait tout logiquement.

Je rebondis sur la crema :
[quote="ZullTrasson"]Il a été, et est toujours, question d'une certaine « crema » dans les espressos. Cette partie volatile et étrange d'une couleur oscillant entre le jaune et le foncé a gagné de l'importance avec la troisième vague de cafés/baristas/torréfacteurs, forçant même les grands groupes à suivre le mouvement. Il s'avère en réalité que celle-ci n'a pas d'importance. Cette « crema » est issu du CO2 que dégage le café, plus le café est « frais » - c'est à dire plus la torréfaction est récente- plus l'espresso en contiendra. Sa couleur, elle aussi, n'a aucune importance, qu'elle soit tigrée, foncée ou claire.
Il est à noter que pour déguster un espresso, il est indiqué de « casser » cette « crema » avant d'en prendre une gorgée.

Il faut distinguer la crema de la "mousse" que produisent les cafés Nespresso et compagnie. Celle-ci est obtenue par pressurisation : processus qui consiste à faire passer l'extraction par un seul trou et qui produit, dès lors, cette mousse un peu dégueulasse. Sur certaines machines manuelles munies de porte-filtres acceptant du café moulu, le même principe est utilisé, étant donné que, comme tu le dis, le café que l'on achète déjà moulu n'a plus la capacité de produire de crema ; celle-ci ne pouvant sortir que d'un café frais. Donc lorsqu'un vendeur vous propose un filtre pressurisé, sachez à quoi vous en tenir. Si vous avez décidé de pousser l'art de l'espresso à son comble et d'acheter le moulin sine qua non à sa réalisation, vous n'en aurez pas besoin et devrez vous contenter d'un filtre normal (perforé sur l'ensemble de sa surface).

Mais une image parlera mieux que de longues explications. Voici un porte-filtre bothomless permettant de voir l'extraction que les porte-filtres traditionels qui la délivrent par un bec (ou double-bec) cachent. Ici, le café s'écoule tout seul, tel du sirop, au sortir du filtre (perforé sur toute sa surface) :
[img]https://s-media-cache-ak0.pinimg.com/236x/36/37/bb/3637bb6b1854c7bd8dd6419d48ea8d23.jpg[/img]

Et je n'irai pas jusqu'à dire, avec toi, que la crema n'a pas d'importance. Elle est le témoin de la fraîcheur du café (des fois que votre torréfacteur vous prendrait pour un con en vous vendant du café "torréfié hier") ainsi que de la qualité de l'extraction. Crema trop claire = espresso sous-extrait. Ce qui peut venir d'une eau pas assez chaude ou d'un café moulu pas suffisamment fin. À l'inverse, crema trop foncée = café cramé. Ainsi, suivant un goût prononcé tantôt pour une légère acidité (crema claire), tantôt pour de l'amertume (crema foncée), celle-ci vous aidera à ajuster les choses.

En attendant la suite :wink:
By ZullTrasson
#175807 Effectivement j'en étais resté sur le côté gustatif et visuel. C'est une bonne remarque vis à vis du torréfacteur, tant que le café vert n'a pas passez 11-12 mois. Cela permet au moins de vérifier si la date de torréfaction inscrite est réaliste ou non.

Quant à l'extraction, il n'est plus possible de se fier a la crema pour différencier une bonne d'une mauvaise. Trop de variables rentre en compte, que ce soit la torréfaction, la variété, le moulin utilisé, la pression, l'eauu, etc... Une crema très claire peut être une excellente extraction tout comme une créma tachetée ou très sombre peut être un très bon ristretto ( par exemple) -et donc sous extrait -.


La suite ce soir si j'arrive à quitter les lieux rapidement !
By ZullTrasson
#175888 Bientôt le temps des cerises

[img]http://p1.storage.canalblog.com/11/07/740081/58421827.jpg[/img]

Aujourd'hui, le café est cultivé dans tout le monde tropical, jusqu'en Nouvelle Guinée et Nouvelle Calédonie. En quelques siècles, il est devenu la première denrée agricole et la deuxième matière première commercialisée dans le monde.


Le caféier compte plus de 80 espèces, mais les deux particulièrement cultivées sont bien évidemment : le Robusta et l'Arabica. Il est depuis peu reconnu, que ce dernier serait finalement issu du premier et non deux espèces totalement distinctes. Le Robusta tient surtout son nom d'après ses attributs : il peut se cultiver à basse altitude, à température plus chaude et a une plus grande résistance aux maladies. On a tendance à le dénigrer dû à sa grande utilisation dans les produits de masse et capsules, oubliant que ce même produit, utilisé proprement par les italiens, a aussi des lettres de noblesse et permis de lancer les nouvelles générations. Il existe aussi de très bon Robusta, très rare certes, mais suffisamment pour oser clamer qu'il vaut mieux un bon Robusta qu'un mauvais Arabica.

L'Arabica, qui représente plus ou moins 75 % de la production mondiale, apprécie les haute altitudes (1200-2000m) aux sols profonds (racines) et riches en minéraux (volcaniques, par exemple) avec un climat relativement chaud. Un peu timide il préfère toutefois rester à l'ombre d'immeubles verts. Il existe beaucoup, vraiment beaucoup, de variétés d'Arabica mais toutes viennent pratiquement de deux « originelles » : le Typica et le Bourbon, lui même étant une mutation naturelle du Typica.

[img]http://i.telegraph.co.uk/multimedia/archive/03196/coffee-sprouts_3196108c.jpg[/img]

Avant de devenir un arbuste à tronc fin mais très touffu, il est une graine connue dans le monde entier puisqu'il s'agit d'un grain de café. La plupart des fermes reconnues ont un emplacement spécial qu'elles réservent pour les nouveaux plants, leur permettant de se développer tranquillement avant de les transférer dans la zone de production. Ces grains de cafés plantés sortent petit à petit du sol poussés par une petite tige verte ; ils sont souvent désigné par le doux nom de « soldiers ». Peu de temps après, les grains éclatent pour laisser apparaître les premières feuilles. Ils continueront à grandir pendant un an avant d'être transféré. Et il se passera entre 3 et 5 ans avant l'apparition des premiers fruits.

[img]http://farm1.static.flickr.com/72/169092459_bb91a727e9.jpg[/img]

Ces fruits passeront d'un vert tendre à un rouge profond quand ils sont mûrs. Chaque cerise contient deux grains de café, tourné l'un vers l'autre, leur donnant par la même cette forme bombée. Il s'avère parfois qu'une cerise ne contienne qu'un seul grain de café : appelé « peaberry », ces grains sont facilement reconnaissable à leur forme pratiquement ronde.
Ramassés à la main et à maturation (en plusieurs passages) pour les cafés de spécialité, s'ensuit une période de traitement qui joue un rôle important sur les futures caractéristiques d'un café. Il existe différentes méthodes mais je ne parlerais que des deux principales : la méthode sèche/naturel(le) et la lavée.

La voie sèche consiste simplement a sécher les cerises de caféier en couche peu épaisse au soleil et les retourner souvent afin d'éviter un surplus de fermentation. Une fois satisfait le restant de pulpe est enlevée et les grains de café sont laissé à reposer un mois ou deux avant exportation.

La voie humide/lavée demandera des étapes supplémentaires en amont de la phase de séchage. Les cerises sont ainsi passées dans une « dépulpeuse » qui enlèvera une grande partie de leur chair. Une phase de fermentation en cuve d'eau et un lavage complet s'enchaîneront afin de retirer les résidus de chair éventuels. Les grains, enfin à nu, seront étaler au soleil comme pour la méthode sèche.


A moins que la torréfaction intéresse beaucoup, je pense que la prochaine partie traitera plus de la pratique "à la maison" ! J'espère que vous avez du matos!