- Dim Sep 30, 2007 5:48 pm
#18094
Cet article est directement tiré du Figaro du 10 novembre 2006. Il a trait au 1er article.
[quote]James Bond, l'espion qui aimait les montres
DOSSIER RÉALISÉ PAR FRANK DECLERCK, AVEC MARIE-ANGE HORLAVILLE ET FRÉDÉRIC LIEVAIN
2006, retour aux sources pour l'agent 007 avec «Casino Royale». Daniel Craig incarne James Bond pour la première fois, mais il porte l'Omega Seamaster pour la cinquième.
Bien sûr, grâce à l'homme lui-même, le succès mondial et légendaire des James Bond est dû à une «enveloppe», un «tout» composé d'ingrédients bien spécifiques dont la magie opère sans faille depuis quarante-quatre ans. Décors magnifiques, lieux superbes, femmes fatales et méchants emblématiques font partie de la vie de ce guide du savoir-vivre, du raffinement et de l'élégance britanniques.
Les montres portées par ce héros des temps modernes font partie intégrante du personnage et sont même parfois les vedettes mécaniques de scènes devenues mythiques. Trop souvent, il importe de le souligner, les montres du maître espion ont été assimilées aux gadgets de Mister Q, ces derniers étant pris à la légère, parfois même tournés en dérision. Pourtant, la montre est pour James Bond un accessoire très important et récurrent qui mérite respect et observation. Faisons donc un petit voyage en arrière dans le temps.
LES ANNÉES 60 AVEC ROLEX 1962 : «James Bond contre Dr No»
Dans le premier film de la série de vingt et une aventures, James Bond (Sean Connery) porte la fameuse Rolex Submariner sans date, lancée dans les années 50, sans protection de remontoir, avec un verre bombé en Plexiglas et un bracelet en tissu. Sportive, étanche à 100 mètres, robuste et élégante, cette montre pose déjà la personnalité de celui qui la porte, l'agent 007 au permis de tuer. Dans ce film, la Submariner n'a d'autre fonction que celle d'indiquer l'heure. Elle doit surtout résister à tous les traitements hautement physiques imposés par un espion qui, des eaux chaudes au sable jamaïcain en passant par les combats au corps à corps et les menottes coupantes, lui infligent des sévices peu communs. Une belle image pour la maison Rolex qui peut se targuer de la fameuse «résistance aux éléments et au temps», point fort de la manufacture suisse.
A noter qu'à cette époque, la Submariner existait déjà depuis 1959 avec une protection de remontoir et une étanchéité à 200 mètres. Bond était-il quelque peu conservateur en portant le modèle de 1953 ? Possible. Il eut aussi du mal à changer son pistolet Beretta pour le Walter PPK et sa vieille Rolls-Royce pour l'Aston Martin DB5. Ou alors, 007 était-il déjà en avance sur son temps ? Il est vrai que, en 2006, posséder une Submariner aussi ancienne que possible est un signe de distinction et de bon goût.
1963 : «Bons baisers de Russie»
Bond continue d'arborer, mais occasionnellement, sa Rolex Submariner. Un gros plan est fait sur l'objet lorsqu'il attend l'explosion de l'ambassade d'URSS en remettant en cause la précision de l'horloge murale soviétique. Petite particularité à noter dans ce film : 007 est victime de la montre d'un membre de Spectre, celle du psychopathe Robert Shaw, qui tente de l'étrangler dans un train à l'aide d'un câble en acier dissimulé dans le boîtier. Il tue d'ailleurs un faux Bond dans le prologue du film.
1964 : «Goldfinger»
L'agent porte toujours sa Rolex Submariner, qui est davantage mise en valeur, notamment pour le contrôle de la mise en place d'un explosif au début du film. Dans ce troisième volet de la série, Pussy Galore, la principale James Bond girl (plus âgée que lui !), alliée d'Auric Goldfinger et pilote d'avion, arbore quant à elle la Rolex GMT Master lunette rouge et bleue avec bracelet acier, créée en 1954. Cette cousine germaine de la Submariner est destinée aux grands voyageurs et aux pilotes, car elle est dotée d'un deuxième fuseau horaire. Mais le plus intéressant est qu'une femme porte une montre d'homme, ce qui est une petite révolution pour l'époque. Tandis qu'aujourd'hui, rien n'est plus tendance qu'une Rolex d'homme sur un poignet féminin.
1965 : «Opération Tonnerre»
Bond reste fidèle à sa Rolex Submariner et à son bracelet tissu, comme l'attestent de nombreux gros plans. Elle l'accompagne fidèlement sur terre, dans les airs et en mer. Mais parallèlement, Algernon, chef de la Section Q, lui fournit une massive Breitling qui va lui servir de détecteur de radioactivité pour découvrir les missiles nucléaires dérobés par Spectre. Bond voit aussi passer entre ses mains une authentique Breitling Oldnavitimer (convoitée de nos jours) ayant appartenu à un pilote victime de Spectre.
Dans ce quatrième opus s'achève donc l'hégémonie de la mythique Rolex Submariner, parfois rebaptisée «Submariner James Bond». Ce modèle reste de nos jours le plus recherché et certainement le plus coté. A noter qu'en 1967, pour son premier départ dans On ne vit que deux fois, Sean Connery ne porte plus de montre et dit au public en quittant le rôle qui fit de lui une star internationale : «Plus jamais !» On sait aujourd'hui qu'il se trompait... Pour autant, la marque à la couronne ne quittera pas l'agent 007.
1969 : «Au service secret de Sa Majesté»
George Lazenby est choisi pour son look très proche de celui de 007 et remplace Sean Connery au pied levé ! Ancien mannequin australien à la carrière fulgurante en Angleterre, il est fan de Sean Connery et veut lui ressembler le plus possible. Il s'achète une Aston Martin, s'habille à Saville Road et acquiert une Rolex Submariner nouveau modèle sur bracelet acier (avec protection de remontoir), qu'il met en évidence lors d'une visite surprise au producteur Albert R. Broccoli. Ce dernier lui reconnaît une telle ressemblance avec son modèle qu'il lui donne le rôle en dépit de son manque d'expérience et de ses 29 ans.
Bien qu'il n'y ait pas de gros plan sur la Submariner, les amateurs la remarqueront facilement. En particulier lorsque Bond s'assoit tranquillement pour attendre l'ouverture d'un coffre-fort et qu'il la pose bien en évidence pour contrôler le temps écoulé en lisant un numéro de Playboy. Dans ce sixième James Bond, notre héros porte deux Rolex. Outre la Submariner, la deuxième s'avère être un chronographe. Il s'agit en fait d'un modèle tout acier produit entre 1962 et 1967 qu'il utilise pour chronométrer les allées et venues d'une télécabine.
L'AVÈNEMENT DE LA MONTRE DIGITALE à QUARTZ George Lazenby quitte le rôle, persuadé que Bond est démodé, trop classique et voué à l'échec, à une époque où le film Easy Rider fait fureur. A l'aube des années 70, on souhaite être «moderne». Lazenby est remplacé en 1971 par un revenant, semble-t-il plus motivé par le cachet que par le rôle : Sean Connery rempile pour Les diamants sont éternels. Dans ce film, pas de montre ! Il abandonne à nouveau le rôle en disant : «Plus jamais !» Il est ensuite remplacé en 1973 par Roger Moore, alias le «Saint». Connu pour son flegme et son élégance naturelle, l'ancien lord Brett Sinclair (Amicalement vôtre) tournera sept James Bond d'affilée.
1973 : «Vivre et laisser mourir»
Dès le début du film, l'accent est mis sur ce qui est novateur. Bond est réveillé par M en pleine nuit. Il regarde l'heure sur sa Pulsar à quartz à affichage par diodes rouges, précurseur des cristaux liquides. Il presse deux fois le bouton pour constater ce réveil bien matinal. Très vite, cependant, Bond récupère sa fidèle Submariner Rolex. Elle est sans date, avec protection de couronne, un cadran muni de gros index blancs en tritium très phosphorescents qui lui donnent une allure imposante et superbe. Mais cette fois, la montre dispose de fonctions peu courantes : émission d'un champ magnétique surpuissant et lunette tournante se transformant en scie rotative, très utile pour se délivrer de situations délicates. Le méchant, Kananga, dira même à 007 : «Vous avez une très belle montre Mr Bond !»
1974 : «l'homme au pistolet d'or»
Bond porte toujours la même Rolex - un gros plan a lieu à Hongkong -, mais la montre n'a aucune fonction particulière, même si elle ne passe pas inaperçue.
1977 : «L'espion qui m'aimait»
Le meilleur James Bond de Roger Moore voit arriver en force Seiko, le fabricant japonais spécialisé dans la montre haut de gamme à cristaux liquides. Bond doit donc délaisser sa Rolex au profit de la précision du quartz, de la lisibilité parfaite du cadran et de l'avant-gardisme d'une pièce dotée de fonctions particulières. Un modèle lui servira même de télex au début du film, quand il est convoqué par le MI-6. Il est important de noter qu'à cette époque, l'horlogerie suisse traverse une crise profonde liée à l'arrivée de la montre à quartz japonaise et asiatique en général. James Bond suit le mouvement.
1979 : «Moonraker»
Dans ce film, Seiko est toujours d'actualité avec la montre Memory Bank Calendar au design épuré et qui dispose... d'un détonateur de charge relié par câble qui sauvera 007 des flammes des réacteurs d'une navette spatiale ! A noter que le bracelet utilisé pour le film n'est pas celui d'origine. A l'intention des puristes, il faut préciser que, pour ces deux films, James Bond immerge sa Seiko dans l'eau alors qu'à l'origine ces modèles ne sont pas étanches. En revanche, dès 1980, la plupart des modèles Seiko LCD résistent à une pression de 10 ATM (100 mètres) pour répondre à tous les retours de montres détruites par immersion.
1981 : «Rien que pour vos yeux»
Bond dispose cette fois d'une Seiko à double affichage - analogique aiguilles et cristaux liquides en haut du cadran - pour recevoir des messages de son QG. Le retour à la montre à aiguilles est entamé, mais équipée d'un dispositif LCD complémentaire. Bond arbore aussi dans ce film une autre Seiko bicolore de plongée à aiguilles, que l'on distingue pendant une expédition en sous-marin de poche avec Carole Bouquet.
1983 : «Octopussy»
Ici, notre espion utilise deux Seiko LCD pour le moins particulières. La première dispose d'un récepteur relié à un émetteur placé dans un objet recherché - tel l'oeuf de Fabergé - pour le localiser. La seconde n'est autre qu'une montre-télévision à écran cristaux liquides. Cette dernière lui permet de localiser visuellement une personne éloignée à condition qu'elle soit suivie par une caméra vidéo. A notre connaissance, c'est la seule montre télévision NTSC fabriquée à ce jour. Un vrai collector, qui date de 1982 !
Cette même année 1983 sonne le retour parallèle d'un autre James Bond : Sean Connery, dans son septième et dernier opus de 007, Jamais plus jamais. On peut apercevoir dans le film - de façon fugitive - une montre à la marque non identifiable, mais dans un style qui évoque ce que faisait Porsche en matière de montres à aiguilles en acier noir. Elle dispose d'un faisceau laser lui permettant de rompre les chaînes d'acier de la prison de Spectre.
1985 : Le grand retour de la montre suisse à aiguilles
En 1983, Swatch, avec sa montre à 250 francs de l'époque, brandit le drapeau suisse. Ebel explose littéralement, tandis que Casio semble prendre des parts de marché à Seiko dans la montre à cristaux liquides. Voilà de bonnes excuses pour que James Bond ne mette pas de montre en avant dans le dernier 007 tourné en 1985 par Roger Moore, Dangereusement vôtre. On devine tout de même une montre à aiguilles à son poignet lorsqu'il se trouve dans un petit vaisseau sur la banquise. Il s'agit visiblement d'une Seiko à quartz, mais à aiguilles cette fois. Une fois n'est pas coutume, en 1987, dans Tuer n'est pas jouer, le nouveau venu, Timothy Dalton, ne porte pas de montre.
OMEGA ENTRE EN JEU En 1989, dans son deuxième et dernier 007, Timothy Dalton arbore, très peu distinctement, une Rolex Submariner, date, glace saphir, étanche à 300 mètres. Cela semble annoncer le retour du modèle légendaire mais, pour la première fois, pas de James Bond pendant six ans ! Donc tout le temps, pour les scénaristes, de revoir la panoplie du célèbre agent secret. En 1995, GoldenEye marque l'arrivée de Pierce Brosnan dans le smoking de 007. A son poignet, une Omega, qui, du même coup, devient partenaire officiel avec la Seamaster. Après une longue traversée du désert, Omega tente ainsi de retrouver ses lettres de noblesse, dans un contexte qui semble favorable à l'horlogerie suisse et au retour d'un certain classicisme. Pour la première fois, une véritable politique marketing et une vaste campagne de publicité accompagnent la sortie du film. Les marques profitent de l'événement, tout comme BMW avec le lancement de la Z3.
Mais il faudra encore du temps à cette nouvelle montre pour marquer les esprits et s'imposer comme celle de l'agent secret. Dans l'esprit de tous, la montre de James Bond est une Rolex. Pourtant, l'Omega Seamaster ne manque pas d'atouts et dispose dans ce film d'une fonction laser capable de couper des métaux.
En 1997, dans Demain ne meurt jamais, la Seamaster est de nouveau sur le devant de la scène, dotée cette fois d'un détonateur de charge explosive. La campagne de publicité est de plus grande envergure, et le modèle commence à s'imposer dans le film comme dans les vitrines des boutiques du monde entier. Omega utilise dans le même temps Pierce Brosnan comme ambassadeur de la marque, parfois avec d'autres modèles de montres, mais toujours à travers le prisme de 007.
En 1999, Le monde ne suffit pas marque la troisième participation de Pierce Brosnan et d'Omega. La marque met plus que jamais l'accent sur la publicité. L'un fait la promotion de l'autre, et la synergie initiée par ce «co-branding» est parfaite. Deux fonctions supplémentaires équipent cette Seamaster : un filin en acier capable de supporter le poids de l'agent secret et un éclairage surpuissant dont il se sert lorsqu'il est bloqué par une avalanche avec Sophie Marceau.
En 2002, dans Meurs un autre jour, Omega est encore au rendez-vous pour fêter les 40 ans de James Bond. Bond et la Seamaster sont devenus inséparables, même si, dans le film, il lui arrive de ne pas la porter. La Seamaster semble s'imposer après sept ans de mariage avec l'espion.
Ces sept années bien orchestrées avec quatre films ont coïncidé avec des faits marquants dont la Seamaster a indirectement bénéficié : le retour de 007 après six ans d'absence, la fin de la guerre froide avec la chute du mur de Berlin et l'arrivée de Pierce Brosnan comme vrai successeur de Connery et de Moore.
On est donc en droit de se demander si cette Omega va s'imposer comme la digne héritière de la Rolex Submariner portée dans huit James Bond. Car, en définitive, elles sont génétiquement très proches : le prix mis à part, le reste est une question de goût et d'affinité avec la marque.
Avec Casino Royale (sortie le 22 novembre), James Bond change à nouveau de visage et prend les traits de Daniel Craig (Les Sentiers de la perdition, Munich), mais il conserve son Omega. Ce qui est certain, c'est que depuis Dr No en 1962, James Bond porte ses montres avec élégance, même quand il s'agit d'un écran à cristaux liquides. Sa montre lui ayant sauvé la vie à plusieurs reprises, la marque est en tout cas forcément... au service secret de Sa Très Gracieuse Majesté.