- Ven Aoû 02, 2013 2:29 pm
#136479
[quote="ILM"][quote]L’âme de la France, créatrice de chefs-d’œuvre, resplendit parmi cette floraison auguste de pierre. L’Italie, l’Allemagne, les Flandres, si fières à juste titre de leur héritage artistique, ne possèdent rien qui soit comparable au nôtre, et de tous les coins de l’univers Paris attire les curiosités et les admirations. Allons-nous donc laisser profaner tout cela ?
[url=http://fr.wikisource.org/wiki/Protestation_des_artistes_contre_la_tour_de_M._Eiffel_du_14_f%C3%A9vrier_1887]Protestation des artistes contre la tour de M. Eiffel, 14 février 1887[/url]
Dans un siècle, peut-être, les touristes et esthètes viendront s'esbaudir devant l'audace squelettique de Beaubourg ou les parenthèses monolithiques de la BNF (peut-être pas devant les barres HLM du 13e par contre, il y a des limites à tout). Peut-être que l'on aura entretenu et conservé les parois vitrées qui longent l'Avenue de France, et que la Défense sera un musée. Peut-être pas. Il ne reste aujourd'hui du Paris d'hier que ce qu'au fil des années on a choisi de garder plutôt que de raser, et ce biais du survivant colore notre vision de Paris: l'ancien, beau, et le nouveau, moche à quelques exceptions près. Lorsque dans quelques décennies on aura rasé (ou laissé s'écrouler) toutes les âneries architecturales du XXe siècle, en conservant les quelques pièces qui le méritent, des gens comme toi s'écrieront sur l'hypernet de 2113 que quand même, il y a cent ans on savait encore construire des beaux bâtiments mais que de nos jours, vraiment, tout est trop laid.
Certainement pas, ce serait comme regretter la faillite de Mc Do et leur fermeture après, au nom de la gastronomie.
Qui choisit de raser ? Qui choisit de garder ? Sur quels critères ? Moi, je voulais garder les façades de la Samaritaine côté rue de Rivoli, bâtiments Louis Philippe en pierre de taille, pas si fréquent que ça. Au lieu de ça, un type qui a sensiblement plus d'argent que moi se paye les services d'un obscur pseudo-architecte japonais pour une énième crotte de verre, d'acier et de béton.
Dans les années 30, un sinistre projet sous la houlette du terrible et très perturbé mentalement Le Corbusier voulait raser la moitié de Paris. Exit le Marais dans son entier, à titre d'exemple. Je crois que la Seconde Guerre Mondiale a empêché cette folie de se faire.
[img]http://www.mheu.org/expos/ressources/imageBank/4/830,L2-14-46.jpg[/img]
La Tour Eiffel n'est certainement pas un symbole de réussite architecturale, mais avec ce qui s'est construit ensuite, eh bien, on se contente de cette semie-beauté ou de ce semi-laideron.
"Audace squelettique"... l'anorexie n'est pas un critère du Beau, et il convient de fuir tout ce qui est anorexique comme source de problème, avec ou sans audace. "Parenthèse monolithique" : effectivement, c'est faire régresser l'architecture au niveau des menhirs de Carnac - sans le charme de la campagne environnante. Personnellemet, j'y vois 4 cercueils entrouverts, mais passons. Ce Perrault n'a jamais dépassé le stade mental du joueur de Lego.
C'est pourtant simple, les Anciens nous ont légué le secret des proportions, des matériaux, offrant une possibilité infinie de variations sur un même thème, thème foisonnant, vivant, parfois sobre, parfois exhubérant, parfois les deux à la fois (je pense au château de Versailles)... De ce tableau, il convient de ne pas oublier le joyeux désordre vivant induit par l'architecture et l'urbanisme populaire : ce qui fait que les gens vont plutôt visiter Montmartre que l'effroyable Avenue de France. Mais comme l'industrie a tué l'artisanat dans ce domaine et que les gogos ont suivi... Il faut trouver quelques urbanistes et architectes éclairés qui se comptent sur les doigts d'une main en Europe pour réussir à retrouver un peu de raison dans le n'importe quoi géométrique et sans âme, sans identité, actuel.
2500 ans de tradition architectural où le Beau est inscrit dans le programme, 100 ans de n'importe quoi où le Beau est perçu comme une quasi-insulte. Et pas plus que Mc Do et consorts, Bouygues et consort ne réussiront à me faire croire que leurs produits c'est de la gastronomie pour l'un et de l'architecture pour l'autre.
Souvenir d'un prof d'architecture, attrape-gogos de première, personnage influent dans cette espèce de secte ingéniéro-financière à psychopathes : "les monuments les plus intéressants de Paris sont dans l'ordre : la fac de Jussieu et le boulevard périphérique". Tout est dit.