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Modérateurs: animal, Léo

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By roland
#129304 Il y a un bon moment que je n'avais pas posté de récit. Les prénoms sont masqués, par respect.

[size=150]La Parisienne qui venait du froid[/size]


En trois temps, une petite rencontre. Finalement, pourquoi se donner la peine de crapahuter à l’autre bout de la planète ? Les aventures peuvent nous attendre au coin de la rue.

Puisqu’on vous dit que la musique adoucit les moeurs
Il y a, tapis dans la fourmilière turbulente du métro parisien, des bienfaiteurs anonymes, ingratement méconnus : les musiciens assermentés qui diffusent un peu de bonne humeur aux passants qui prennent le temps de les écouter. Et accessoirement, mettent indirectement de l’huile dans les relations humaines.
Ce samedi de novembre, je revenais donc de mon cours de salsa cubaine, dans une rame de la ligne 1. A ma gauche, une blonde vêtue en "chaperon rouge" qui tirait la tronche, et à ma droite, une petite brune en blouson cuir qui tirait encore plus la tronche. A trop hésiter entre l’une et l’autre, je n’en accostais finalement aucune, mais ce n’est pas trop grave. Le hasard, malicieux, allait me filer un petit coup de pouce, pour une rencontre qui s’avèrerait en sucré… salé.
Arrivant à Châtelet, un couloir mène à une rambarde sur la gauche (pas de clodo dans le photomaton cette fois-ci, tant mieux même si je n’ai rien contre lui), et l’escalier qui descend sur la droite. Au milieu, sagement accoudée, et regardant vers le bas le groupe de musique traditionnelle ukrainienne, une mignonne blondinette, au regard un peu mélancolique. Plus rien ne semblait exister autour d’elle hormis ces musiciens, même son sac était posé par terre pour lui permettre de mieux apprécier le petit concert. Je regarde d’abord un moment le groupe de musiciens, et le flot rapide de passants indifférents qui ne regardent jamais rien, si ce n’est leur smartPhone, iPhone, autitstePhone…
Alors que le trac commence à monter comme le lait sur le feu, j’aperçois le fantôme de Jack Dawson, le charmeur du Titanic, accoudé à ma gauche, qui me lance avec un petit sourire mutin : "Alors, mon pote, tu te décides ? Je ne vais tout de même pas y aller à ta place !"
Il me donne une petite tape sur l’épaule, et c’est parti :
_ Il n’y a pas qu’à Bercy que l’on peut écouter de la bonne musique !
_ :D
_ Vous ne trouvez pas que c’est dommage que presque personne n’écoute ? Tout le monde est pressé, même le samedi !
_ Oui, (avec un petit accent mignon) mais ce que je me demandais, c’est de quel pays viennent ces musiciens. Je reconnais le russe et le polonais, mais ce n’en est pas.
_ Je crois que c’est un groupe ukrainien. Vous avez un petit accent mignon, il vient d’où ?
_ Je viens de la république tchèque (elle sourit, puis se tourne vers moi).
_ Une voisine de l’est !
_ :D Europe centrale en fait, mais c’est vrai que par rapport à Paris, on est à l’Est.
_ Vous avez pu goûter à la bonne humeur parisienne…
(Petite discussion comme quoi la plupart des gens n’ont pas encore compris que la Tchécoslovaquie n’existe plus depuis 20 ans), puis :
_ Ça fait 30 secondes ½ qu’on discute, et je ne me suis pas présenté. Moi, c’est Roland.
_ Je m’appelle H..., avec un "H" qui se prononce.
Puis, après une ou deux répliques où j’apprends, entre autres, qu’elle est étudiante, je lui dis :
_ Ce qui est marrant, c’est qu’il arrive que des étudiants arrivés en France y prennent goût, puis y restent.
_ Oui ! J’avais des amis, mais ils sont éparpillés en France, en Bretagne. (Elle insinue carrément qu’elle est disponible ?)
_ Heureusement, me voilà !
_ :D
_ Je ne peux pas rester trop longtemps, alors, vous savez ce qu’on devrait faire ? On échange nos numéros de téléphone, et je vous rappellerai pour qu’on fasse connaissance autour d’un verre.
_ On peut se tutoyer ^^ (C’est la première et dernière fois qu’on me le dit, je tutoie systématiquement maintenant, puisque je ne fais pas mon âge).
Elle me donne son numéro, je la bippe, histoire aussi de vérifier que ce n’est pas un fake ; on échange une ou deux répliques, puis :
_ Je dois vraiment filer : je reviens de mon cours de salsa, je dois aller ensuite au ciné, et je n’ai pas mangé ! (c’était une réelle contrainte de temps).
_ Moi non plus, je n’ai pas mangé, j’ai même cours le samedi matin ! :D
Une bise, et je file, gonflé à bloc, avec cette temporaire sensation illusoire, mais agréable, que je pourrais renverser un rhinocéros. Je checke la main de Jack Dawson au passage, et hors de vue, je sautille dans tous les sens.

J’avais déjà abordé pas mal de filles dans la rue, métro, mais oubliant mon objectif – prendre le numéro de portable - j’avais loupé de belles possibilités… sans comprendre vraiment où ça grippait. Puis, un exemple inattendu de mimétisme s’est pointé par la magie d’internet : une vidéo où l’on voit un certain Vincent qui cueillait numéro sur numéro.
Cet exemple in vivo m’a montré ce qui me manquait, un fil rouge : quelque soit les propos, garder des points de repère. On y voit le fameux Vincent saluer la fille, lui balancer une intro qui rappelle Jibril comme quoi il l’a croisée et qu’il souhaite lui parler, et après avoir calé une contrainte de temps, lui demande parfois carrément de but en blanc qu’ils s’échangent leurs numéros !
Bien sûr, j’utilise quand à moi mes propres mots.
Ah oui, la description : joli visage ovale avec les cheveux longs légèrement bouclés tombant en cascade de chaque côté, des yeux bleus et une petite bouche aux lèvres fines. Un peu "la Joconde" version blonde, petit manteau sombre avec un petit badge "Brest" au revers (elle me dira plus tard qu’elle rêvait de s’installer en Bretagne, pays des lutins, farfadets et crêpes au beurre salé) et 1m64 tout au plus (un peu plus grande que moi donc, je mesure 1m62). Une expression de petite fille sage, au sourire charmeur. Tout ce que j’aime, quoi.

Et le lundi suivant, j’appelle donc la Parisienne venue du froid pour un rendez-vous au Fumoir. Comme elle n’est pas disponible le jeudi, après un petit silence, je lui demande quel jour est possible. Elle me propose le vendredi ou samedi après-midi. Bon, j’opte pour le vendredi. Salutations, et je raccroche.
Je lui envoie plus tard, dans la soirée, l’adresse par sms, et elle se fend d’une réponse, dans un délai rapide, qu’elle y sera en citant l’heure et la date. Hmm… mais comme il m’a fallu tout de même insister un petit poil pour qu’elle propose un créneau, je suppose que je suis tout au plus en ballottage. Mmouais… Alors, suspense jusqu’à vendredi.

Interlude : entre-temps, le mercredi, au retour d’un rendez-vous professionnel, je croise dans le rer une jolie petite blonde avec un bonnet rigolo. La voyant démêler les cordons de son mp3 qui vont lui permettre de se couper du monde, je lui dis que ça fait un sac de nœuds, et que ce serait plus commode si c’était des oreillettes en Wi-Fi – elle me dit que ça existe, d’ailleurs – l’inconvénient, c’est qu’on les perdrait tout le temps. Et bien sûr, elle se met à écouter de la musique tout en pianotant sur son portable.
Bon… On va insister un chouïa, d’une façon marrante. Je pianote moi aussi sur mon portable antédiluvien :
_ Et tu t’appelles comment ? (réponds par sms)
Elle sourit, puis joue le jeu :
_ A... Et toi ?
_ Roland.
_ Enchantée !
_ Ok !
Puis :
_ Et ton numéro de portable ?
_ 06……
J’apprends verbalement que son prénom, A..., est d’origine polonaise. Europe centrale encore, décidément. La semaine d’après, n’ayant pu la joindre et ayant laissé, pour la forme, un message, je n’ai jamais eu de nouvelles.
Bah, de toute façon, c’est surtout notre petite étudiante tchèque qui m’intéressait.

La valse dans la semoule
Et le vendredi donc, c’est avec le ventre passablement noué par le trac, que j’ouvre la porte du Fumoir. Je m’installe sur l’une des banquettes le long du mur de gauche, pour réaliser, trop tard, qu’une table plus dans l’axe de l’entrée aurait été plus avisé. Je ne suis pas venu là pour me cacher ! Quoiqu’il en soit, elle me repère. Elle vient à l’heure, c’est un bon point. Et elle semble bien apprécier le lieu, autre bon point. Je lui fais remarquer qu’il n’y a pas de groupe de musique ukrainien, et on s’installe. Elle est vêtue tout en bleu : un jean bleu, un maillot fin bleu et par-dessus, une sorte de dessus en dentelle de motifs bleus à manches longues, transparent. On voit la peau de ses bras et de ses épaules entre les motifs. Attirante sans que ce soit provocant. Et plus ou moins cachées par ses cheveux, des petites boucles d’oreille avec des perles.
Par un petit jeu de badinage, j’apprends, entre autres, qu’elle fait des études pour devenir traductrice et qu’elle s’est même essayé au persan. Mais aussi, qu’on ne se rend pas compte que tant qu’on n’est pas sorti de notre propre pays, à quel point les usages, habitudes, qu’on les approuve ou pas, nous conditionnent à notre insu… quand elle est arrivée en France – après avoir appris notre langue durant deux années – elle a évidemment ouvert un compte bancaire, et refusé dans un premier temps de prendre un chéquier. En république tchèque, on utilise que les espèces et la carte bleue, alors, pourquoi s’encombrer ? Mais la bonne blague, c’est qu’au moment de devoir payer une caution et tout le reste pour un appart… adaptation dare-dare.
Autre chose : arrivée depuis 2011 donc, H... a assisté, médusée, à plusieurs meetings lors de la campagne de François Hollande. Médusée, car chez elle, tout le monde s’en fout des hommes politiques. Le taux d’abstention est énorme, et presque personne n’y croit plus. Les campagnes électorales se déroulent dans une indifférence générale. Et ici, en voyant la fougue de la foule, cette débauche d’énergie, elle n’en croyait pas ses mirettes : "les gens y croient ?!"
Elle a aussi été copilote de rallye, ce qui demande en fait beaucoup de concentration. Malgré l’action, il faut guider consciencieusement le pilote pour ne pas finir la tronche encastrée dans un arbre à 180 km/h ou se paumer et débouler à fond de train dans un village inconnu. Je découvre aussi qu’elle aime les musées, décidément elle me plait, je lui suggère qu’on pourrait en visiter, à l’avenir (j’ai lu ensuite que ça s’appelle faire un "pont temporel").

Bon, bon, bon. Tout ça, c’est rigolo, mais, un problème (encore un) se posait, et que je n’avais pas vu venir. Et englué dans la gadoue, je patinais sans avancer. Le badinage pour faire connaissance et voir si un deuxième rendez-vous est souhaitable, c’est bien, y mettre un peu de jeu, sexuer (hélas pas assez), tout cela, c’est bien, mais… j’avais perdu de vue mon objectif principal, mon envie (et normalement, l’envie d’une fille intéressée) : l’embrasser. J’en avais même l’image mentale : la saisir délicatement par les épaules – les tables du Fumoir ayant le bon goût d’être toutes petites – et échanger un peu de salive et de bactéries.
Mais je n’ai pas osé cette fois-ci, et continué de piétiner dans la semoule. Entre-temps, je constate qu’elle partage certains de mes points de vue, peu flatteurs, sur une partie de l’art moderne, c’est à dire la rubrique "foutage de gueule", mais je persistais malgré tout à m’embourber, avec un sentiment de déprime, sans bien réaliser qu’elle se penchait parfois vers moi, me lançait de beaux sourires en me regardant dans les yeux puis les détournait, puis revenait sur moi. Elle semblait dire oui silencieusement, mais avec une petite retenue, comme si un élastique la retenait... Et moi, aveugle, remarquais sans réaction qu’à un moment, elle est entrée dans ma bulle en plaçant son bras le long du mien, sa main droite assez proche pour toucher mon coude. Avant de la retirer. Mais je suis obstinément resté en mode "tourne-disque rayé".
H... n’a à aucun moment cherché à écourter l’entretien. Quelque peu navré, je lui propose de s’en aller, ce qu’elle accepte avec un petit "oui" timide. Sur le chemin du retour, j’ai un sentiment déprimant d’inachevé. Comme un chewing-gum qu’on a trop mâchouillé et qui n’a plus aucun goût… A Châtelet, ligne 1, c’était cette fois-ci des musiciens équatoriens qui distillaient un peu de joie, j’y ai croisé le fantôme de Jack Dawson, visiblement déçu.

Chez moi, débriefing… avec un soupçon d’inquiétude. Ça faisait le deuxième rendez-vous avec une fille, à priori intéressante selon mes goûts, et qui finissait dans le fossé (le rendez-vous, pas la fille). Et puis, une chose m’est apparue brutalement, c’était tellement énorme que je ne l’avais pas vu alors que c’était juste sous mon nez : je partais à chaque fois en rendez-vous sans fil rouge, sans aucun plan…
Badiner au début, c’est bien, mais ensuite, pour ne plus m’engluer dedans comme une mouche dans la confiture, il faut passer aux "choses sérieuses". Sexuer progressivement, ce qui permet aussi de rappeler qu’on n’est pas là pour parler de la pluie et du beau temps. Aborder le thème des relations hommes/femmes peut être, dans mon cas, une piste.
Je me suis donc promis que ce serait le dernier rendez-vous où je n’avais pas vu cette foutue peau de banane : le badinage chronique… Je me suis juré qu’au prochain entretien (avec elle ou une autre), je prendrai le risque d’oser embrasser, quitte à me payer la pire honte de ma vie (ce qui n’a pas été le cas. D’ailleurs, on pourrait se faire égorger en pleine rue que tout le monde s’en foutrait royalement).

Finalement, à tort ou à raison, je décidais de passer outre la loi du "faut embrasser dès le premier rendez-vous", pour en envisager un deuxième : le Musée du Carnavalet, puisque je lui en avais parlé. Je voulais, bizarrement, me confirmer que c’était bien mort et carbonisé : soit pas de réponse, soit une excuse foireuse.
Aussi le jeudi suivant, le 29/11, quand sans grande conviction –au point que j’ai envoyé un sms le matin plutôt que d’appeler le soir, c’est malin – je lui proposais une sortie culturelle au Musée du Carnavalet pour la semaine d’après, j’eus la surprise surprenante de recevoir une réponse positive. Ça l’intéressait beaucoup (vrai, puisqu’elle aime les musées, comme j’allais le voir) et elle m’indique les jours où elle est libre l’après-midi (les vendredis ainsi que les samedis).
Bref, le mercredi soir suivant, je l’appelle. Pas là. Je laisse donc un message pour lui proposer le vendredi 07/12 à 14h30. Le lendemain matin, pouf, un sms (de la veille au soir) : comme ses cours finissent tard le mercredi, elle n’avait pas pu me répondre, mais me confirme la date et demande si on peut décaler l’heure, à 15h car elle finit à 14h30.
Donc, que du factuel. Donc, je confirme la nouvelle heure. Et donc, suspense à nouveau. Pour moi en tout cas.

Par delà le mur des sourires, la tristesse
Comme l’a dit Blusher : "Mieux vaut essuyer un refus que passer pour un pleutre, et s’en vouloir pendant des semaines. A vous de voir."
Et cette fois-ci, j’étais bien décidé à ne pas devoir m’en vouloir jusqu’à la Saint glin-glin. J’arrive donc, sous un ciel maussade, au métro Saint-Paul. H... est arrivée en avance, et m’a prévenu par plusieurs sms de son avancée : "je sors du métro, j’y serai dans 5, 10 minutes, et toi ?" ; "je suis devant le vestiaire, tu es où ?" ; je réponds que j’arrive.
Il faudra que je prenne l’habitude d’arriver toujours un petit peu en retard aux rendez-vous, tiens :D . Puis peu après, je traverse la cour du musée et aboutis dans le hall chauffé. H... me voit, et vient vers moi pour me faire la bise avec un joli sourire. Cette fois-ci, elle porte un pantalon bleu foncé, une chemise cintrée rose rayée de pourpre, à travers l’échancrure on voit un maillot rose, aux pieds des bottines couleur caramel. Dissimulées par ses cheveux, des boucles d’oreilles dorées à facettes Et toujours son petit accent mignon.
Un hôte du vestiaire, débordant d’autant d’enthousiasme qu’un employé des pompes funèbres, archive nos blousons, manteau et parapluie, et la visite commence. J’aperçois d’ailleurs les fantômes de Jack Dawson et de Rose qui me saluent de la main en souriant, et plus loin, ce connard de Cal qui tire la tronche.

D’abord la grande salle, avec les maquettes de plusieurs quartiers de Paris, dont certains ont été rasés pour insalubrité au 20ème siècle. On s’est même fait éconduire, à notre grande surprise, par une guide irascible qui trouvait gênant qu’on s’incruste dans le groupe pour regarder de près une maquette. Le troupeau parti, on a pris notre temps, nous, pour apprécier les petits rideaux ménagés dans les minuscules fenêtres, les enseignes miniatures, et pour la première fois – alors que je suis déjà venu, j’adore cette salle – je remarque, amusé, qu’il y a des petits personnages dans certaines des maquettes. En tout cas, c’est un endroit idéal pour faire visualiser, travailler l’imagination d’une charmante invitée, et pour le moins, lui laisser des souvenirs positifs.
Plutôt que de prendre tout de suite l’escalier, j’opte pour un couloir latéral que je ne me rappelle pas avoir vu. Pour cause, on se rendra compte plus tard que c’est une expo temporaire, et donc payante. Bah, personne ne nous a vus, par contre, nous on a vu toute une série de tableaux religieux français du 16ème siècle : essentiellement Jésus, sa moman Marie, sa copine Madeleine – une prostituée, comme quoi, rien n’est perdu – et des angelots bizarres, c'est-à-dire des têtes de bambins ailés, mais sans corps. Il y avait une mise en scène théâtrale quelque peu outrancière, ce qui est rigolo, et des couleurs intenses. Une pâte épaisse aussi, pour certains reflets. Après m’être assuré qu’on a tout bien vu, retour vers l’escalier, et un œil tout de même sur l’heure, car à 18h, fermeture (ce qui étonne d’ailleurs H..., chez elle, les musées ferment plus tardivement).

A l’étage, le choix : un couloir rouge avec des tableaux des 19ème-20ème siècles, à l’opposé, les couloirs lambrissés présentent plein de petits salons 18ème. J’opte pour les couloirs lambrissés. On croise des étudiants venus en grappe prendre consciencieusement des notes sur leur cahier ou leur ordinateur portable. A plusieurs reprises, H... prend l’initiative de la discussion, des relances, et petit à petit, je me mets à sexuer. Pour constater, pour la énième fois, que les filles réagissent TOUJOURS, positivement ou non. Son rire n’est pas le même.
Avisant le lit de je ne sais plus qui, sa petite taille me fait dire que "ça ne devait pas être très confortable d’y dormir. Quand à y faire l’amour, ça devait faire "Blom ! Blom ! Blom !" tout en se cognant la tête. Peut-être qu’en s’y prenant dans l’autre sens ?.." A en juger par le rire de H..., je me dis que, décidément, il ne faut jamais se fier aux faux airs de petite fille toute sage que certaines adoptent.
Dans une salle, on accède à une vitrine recouverte d’un tissu. On y voit des objets ayant appartenu à Louis 16 et sa famille. En l’occurrence, des lettres manuscrites du dauphin, traduites en français intelligible. Des étudiants sont assis par terre et prennent des notes, leur guide ne ronchonne pas, lui :D . Et dans une autre salle, quelque chose que je voulais montrer à H... : une vitrine dévoilant sous son tissu des objets personnels. Le bonnet de nuit – en dentelle ! – du dauphin, des pantoufles toutes petites de Marie-Antoinette, des ciseaux en or, un gros éventail. Les objets personnels ont toujours un côté fascinant car on les imagine en main de gens disparus, c’est plus direct qu’un tableau ou qu’un édifice.

Mais l’heure tourne. Revenus à la bifurcation, on retrouve le couloir rouge. Je montre à H... le tableau d’un caricaturiste, Albert Guillaume, intitulé Les retardataires ([url]http://www.cbx41.com/article-24690255.html[/url]). Elle a le bon goût d’en apprécier l’humour, et constate que l’un des personnages est le même que dans le tableau au-dessus, Les admiratrices. Elle m’a dit plus tôt qu’elle aime bien peindre elle aussi, des paysages, avec beaucoup de minutie (décidément, elle semble correspondre à celle que je cherche), ce qui faisait que sa productivité était moindre que ses collègues à l’école, 5 ou 6, alors que d’autres en pondaient 30. Une de ses profs avait fait preuve d’une certaine bêtise en affirmant que peindre ne servait plus à rien puisque maintenant, on a la photographie…
Après quelques remarques de H... sur les vertus exclusivement médicales de l’eau-de-vie de prune concoctée par son père, pour guérir les rhumes et les maux d’estomac, le haut-parleur annonce "l’extinction des feux". Au-dehors, un ciel clair remplace les nuages, et retour vers le métro Saint-Paul (et son manège).

D’anecdote en anecdote, je continue de sexuer par petites touches. Après lui avoir fait remarquer que quand un beau gosse sympathique l’invite, elle se doute bien que ce n’est pas pour passer les 3 ou 4 rendez-vous suivants à parler de la pluie et du beau temps, j’enchaîne durant son sourire, en lui demandant de qui des Français ou des Tchèques embrassent le mieux.
Et là, elle élude en répondant qu’elle ne sait pas (ben voyons) et qu’elle a croisé une fois des étudiants français dans sa ville natale, et blabla hors sujet.


Depuis presque le début, mon petit doigt me dit qu’il y a un truc qui bloque. Une mine flottante tout près de la surface, juste sous l’écume. Cependant :
Elle vient à l’heure aux rendez-vous, confirme toujours par sms.
Elle a de la conversation, ce n’est pas "Hmm, moui… Chais pas… Hmmbll…"
Elle sourit, relance ou initie la conversation.
Par son attitude, elle ne semble pas importunée par ma compagnie. Alors, qu’est-ce qui patine…
Peut-être qu’elle vient pour ne pas affronter le silence assourdissant de son appartement ?
Je me suis même vaguement demandé si ça pouvait être une forme bizarre de timidité : le mardi de la semaine, j’avais été invité par une amie à une expo steampunk (beaucoup de gens habillés en style 19ème siècle, ambiance marrante), et une fille m’expliquait qu’elle avait rendez-vous vendredi avec un garçon qui la faisait craquer, mais… elle avait tellement le trac, qu’elle envisageait sérieusement de tout annuler, malgré son attirance !
Hmm… gare à la rationalisation, je ne suis pas dans sa tête.


A un moment, j’ai droit à un compliment spontané de H... : elle m’explique que quand je suis venu lui parler le fameux samedi, elle s’est dit "Voilà quelqu’un de normal". Par les temps qui courent…
Arrivés au manège, on discute – trop longtemps d’ailleurs – sans qu’elle ne cherche à écourter. Elle s’approche parfois de moi, ses gestes du bras me frôlent. Selon les ping pong de la conversation, allusions sexuées pour maintenir le soufflé : "j’espère que quand tu embrasses, tu ne mets pas la langue".
Par jeu, je lui fais traduire en tchèque divers mots ; par exemple, "manège" se dit "kolotoč" (ça se prononce ‚"kolotchoï"), "embrasse-moi" existe en deux versions, selon que c’est un baiser ou un enlacement, de même, le terme "Ho hou" (j‘ai francisé l’orthographe) veut dire "mon ami" en version exclusivement masculine. Comme à l’école d’ingénieurs, ses camarades mâles l’appelaient comme ça (ils ne la différenciaient plus des autres garçons), on peut se poser quelques questions... Et dans le manège, j’aperçois Jack Dawson vautré dans une voiture trop petite, et avec un petit sourire goguenard, il me lance "alors mon pote, tu comptes passer la nuit sur place?".

Profitant d’un de ces petits silences qui agrémentent toute conversation, je lui dis : "tu sais ce qu’on devrait faire maintenant ?", et comme je l’embrasse, elle répond par un petit smac légèrement humide. Mais alors que je récidive, voilà qu’elle détourne légèrement la tête, ce qui fait que ça atterrit sur le coin de sa bouche, comme une mouche qui s’écrase la tronche contre une vitre.
Avec une pointe d’agacement, je me recule :
_ Bon. Quel est le problème ?
_ Je suis seule, mais j’ai connu quelqu’un que je porte toujours dans mon cœur.
_ (silence)
_ C’est compliqué, tu me prendrais pour une folle.


Ce serait donc une grosse peine de cœur qu’elle endure, et du lourd. Si c’est cela, ça explique certaines de ses attitudes. Si c’est cela, je compatis, car je connais plusieurs personnes qui ont eu un chagrin d’amour et ne s’en sont jamais remis.
Qu’est-ce qui se partage le plus dans le monde ? La souffrance. Riches ou pauvres, malades ou bien portants, même les plus épanouis et heureux d’entre nous, tous sans exception ont droit à leur dose, et dans certains pays, il y en a même qui sont particulièrement gâtés. J’ai sorti une phrase mal formulée comme quoi les gens se compliquent trop la vie, pour réaliser que j’aurais été nettement plus avisé, pour une fois, de me taire. Pas tout le monde n’arrive à chasser les fantômes du placard.
A Châtelet, cette fois-ci, c’était un groupe de jazz. Les musiciens avaient en guise de chapeaux des têtes de loup en peluche. Dans un coin, Jack Dawson a l’air un peu triste. Mais, comme dirait Edith, je ne regrette rien. D’ailleurs, il ne faut jamais regretter.



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Alors, petit débriefing de tout cela ? Cette fois-ci, je ne me suis pas dégonflé, et j’ai tenté d’aller aussi loin que je pouvais ; j’ai même osé des choses que je ne croyais pas réalisables. Hélas, de monstrueuses erreurs, notamment en timing. Et aussi, quand je suis face à une fille qui me plait vraiment, il ne m’est pas toujours évident de bien scruter les faits, que les faits, rien que les faits. ‘’Oui, mais non’’, ça veut surtout dire non. Mais, que celui d’entre vous qui n’a jamais dérapé face à une fille me lance la première bouse :mrgreen:.

Certaines choses – et les corrections à y apporter - ne s’apprennent que-sur-le-terrain, pas en lisant trente fois les mêmes articles pour ne finalement pas agir.
A une époque pas si lointaine, aborder une très belle fille dans le métro, en plein jour, et obtenir son numéro de portable (sans même parler d’un rendez-vous) me paraissait inconcevable. Il faut croire que, centimètre après centimètre, j’avance.


Mais qu’elle est longue, la route…
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By BelAmant
#129318 Merci Roland pour ce récit!

[quote="roland"]Hélas, de monstrueuses erreurs, notamment en timing.
Je ne vois pas personnellement d'erreurs monstrueuses lors de cette rencontre.

Tu ne l'as pas embrassée au premier rendez-vous... Et alors? Tu as pris ta revanche au deuxième.

A mon sens, la seule erreur serait d'abandonner le combat pour ce petit rejet négligeable en comparaison de tout ce qu'elle t'a montré jusque là. Je dirai même que ce rejet était nécessaire.

[quote="roland"]Je suis seule, mais j’ai connu quelqu’un que je porte toujours dans mon cœur.
Traduction: Je suis disponible, mais c'est un peu la merde dans ma tête.

Elle te préviens de son fantôme du passé. Soit. Reste juste à éviter de ne pas finir rebound guy, ou alors de l'assumer dès le départ.

Maintenant, vu le nombre de signes d'intérêts qu'elle t'envoie et l'intérêt que tu lui porte aujourd'hui, à un moment, je me demande si ça ne vaudrait pas le coups d'insister un tout petit poil.

Comme tu le dis toi-même:
[quote="roland"]Certaines choses – et les corrections à y apporter - ne s’apprennent que-sur-le-terrain, pas en lisant trente fois les mêmes articles pour ne finalement pas agir.
De la nécessité d'insister, parfois...

[quote="roland"]A une époque pas si lointaine, aborder une très belle fille dans le métro, en plein jour, et obtenir son numéro de portable (sans même parler d’un rendez-vous) me paraissait inconcevable.
Et pourquoi pas coucher avec? Relis ma signature.
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By roland
#129321 [quote="BelAmant"]A mon sens, la seule erreur serait d'abandonner le combat pour ce petit rejet négligeable en comparaison de tout ce qu'elle t'a montré jusque là. Je dirai même que ce rejet était nécessaire.

[quote="roland"]Je suis seule, mais j’ai connu quelqu’un que je porte toujours dans mon cœur.
Traduction: Je suis disponible, mais c'est un peu la merde dans ma tête.

Elle te préviens de son fantôme du passé. Soit. Reste juste à éviter de ne pas finir rebound guy, ou alors de l'assumer dès le départ.

Maintenant, vu le nombre de signes d'intérêts qu'elle t'envoie et l'intérêt que tu lui porte aujourd'hui, à un moment, je me demande si ça ne vaudrait pas le coups d'insister un tout petit poil.

Possible, je ne sais pas. Mais un troisième rendez-vous, il est vrai que j'y ai pense.
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By animal
#129322 Je pense, entre nous, que son excuse c'est du flan, le séminaire qui arrive tombe à point nommé pour toi et va t'aider à remettre un peu d'ordre dans tes idées.

Là, trois solutions:

- elle a perdu son intérêt en cours de route, mais je ne vois pas d'erreur monstrueuse dans ce que tu nous racontes, même si tu n'as pas beaucoup sexué,
- elle n'a jamais eu d'intérêt sexué pour toi et a juste vu une occasion de sortir, difficile à juger sur ce que tu nous racontes (mais elle vient de l'Est et a l'air seule, donc je n'écarte pas l'hypothèse),
- ou elle te prévient que si tu insistes, elle va céder mais te retourner la tête ensuite, et que ça ne sera pas sa faute mais la tienne.

Dans les trois cas, ne te projette pas trop loin avec elle, ça peut faire très mal.

C'est basé sur une lecture assez rapide de ton post et je ne peux pas le relire tout de suite pour approfondir l'analyse, donc je laisse mes camarades s'en charger.

[quote]je partais à chaque fois en rendez-vous sans fil rouge, sans aucun plan…
Pas de plan, meilleur moyen de se planter, mais une idée précise de tes objectifs. Si tu y vas "pour voir", tu ne feras que voir, si tu y vas avec un plan, rien ne se passera comme prévu, si tu y vas pour l'embrasser, tu adapteras ton attitude pour l'embrasser... Sois souple mais déterminé.
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By roland
#130847 [size=150](Pas de) Suite et fin[/size]
Et maintenant, le petit épilogue. Après ce deuxième rendez-vous culturel, en rester là me semblait finalement insuffisant, et j’envisageais au moins une troisième sortie. Cette fois-ci, le Musée du Moyen-Âge serait le nouveau décor, pour le 21 décembre, pile poil avant la fin du monde !
Quelques jours après mon appel, elle m’explique par sms que comme prévu, elle partait en république Tchèque revoir sa famille, tout à fait normal bien sûr, et "qu’on se reverrait en janvier ?" Et qu’elle me rapporterait un cadeau de là-bas (la fameuse eau-de-vie de prune dont elle m’a vanté les qualités médicales ? Ça m’intéresserait, bien sûr).

Le point d’interrogation, surtout, m’a sauté aux yeux. Jusque-là, elle m’envoyait toujours des créneaux horaires, ou des dates, précises. Hmm, pas bon, ça… Puis, Noël, quelques gâteaux et boîtes de chocolat plus tard, elle m’envoie par sms ses vœux de bonne année le jour de l’an. Ok, c’est une fille bien élevée.
La rentrée arrive, et là, ça se complique un peu plus. Et quand ça se complique, c’est que le mur est tout proche. Je lui laisse un message sur son répondeur pour lui proposer le Musée du Moyen-Âge… et quelques temps après, un sms me parvient comme quoi elle vient d’arriver sur Paris (le 08/01) et qu’elle a des examens. Mais pas créneau proposé. Hmm, je lui demande donc par sms combien de temps ça dure, ces examens.
Réponse : une dizaine de jours, puis salutations. Et pas de créneaux horaires proposés.

Pour la forme, j’envoie quelques jours plus tard un message pour lui proposer la sortie musée (pour le samedi 19 donc) et… aucune réponse. Surprenant, n’est-ce pas ?


Donc, la petite parisienne venue du froid n’est finalement pas chaude pour me revoir ; je suis cependant allé aussi loin que possible. Petite expérience instructive, toutefois, pour les prochaines rencontres, et quelques moments sympathiques. Son petit accent me manquera.
Et à propos, où est mon cadeau promis ?! C’est malin, j’ai soif…