- Sam Déc 21, 2013 1:45 am
#143064
[quote="Eick"] Un lycéen qui regarde des clips de Hip hop hyper sensuel sur YouTube et qui peut avoir accès à une bibliothèque de vidéos pornographiques en deux clics se met facilement à bailler lorsqu'il tombe sur le lyrisme de Félix de Vandenesse. Ça lui paraît désuet, de l'ordre du conte très chaste, et surtout très ennuyeux. (...)
En somme, je ne peux que conclure qu'à notre époque, pour ma génération à moi (et non pas celle de Maurice), le lyrisme littéraire du 19e a mal vieilli.
Outre que l'un n'empêche pas l'autre, il s'avère que si cette personne
n'est que rap et porno et si cette génération se qualifie par ce genre de déchets, bah... euh... c'est que c'est une génération déjà désuète et bonne pour la poubelle, non ?...
Mais bon, punk is dead et pourtant ceux qui en écoutaient sont pour la plupart vivants, donc il y a de l'espoir.
La grande mystification, l'énorme mystification de notre époque, c'est de mettre en avant les petits cons qui ne connaissent rien à rien en avant, et qui pour ne rien arranger à leur affaire se bousillent le cerveau à l'usage de n'importe quelle drogue : un des sommets avaient été atteints en son temps par un type qui s'appelait Doc Gynéco. Le problème, c'est que ces types stagnent, mais pas leurs artères, le résultat aboutissant immanquablement au spectacle grotesque du Doc bouffi en invité vedette des meetings de Sarkozy en 2007...
[quote="Eick"] Le rap n'est jamais qu'une transformation de la poésie. Tous les jeunes sont profondément lyriques.
Le rap est une dégénérescence du jazz, son cancer, son stade terminal. De la connerie à l'état brute : des slogans indigestes (et souvent profondément racistes) et de la non-musique appelé "son". (Je ne dis pas que je n'ai pas un peu donné moi aussi dans cette incroyable manipulation artistique).
[quote] 1945 a été un tourment qui a sensiblement obligé les hommes à penser autrement. Je n'ai pas dit qu'il a épuisé le lyrisme. Il l'a changé et a rendu tout ce qui a été fait avant plus niais et innocent.
Ah bon ? Vraiment ?
Pour ma part, je trouverais bien plutôt que les niais et innocents, on les trouve bien plutôt chez ces rappeurs...
[quote]Mais un bon écrivain doit aussi savoir maîtriser sa catharsis et ne pas tomber dans la rêverie contemplative, l'érudition jubilatoire ou l'expression culcul d'un ressenti totalement inutile à exprimer dans une histoire (les livres mal traduits de romans américains en sont la preuve écrite que le lyrisme peut être vraiment de mauvais goût). Sinon, il n'innove rien. Il imite ce qui est fait depuis que les Grecs ont inventé les muses.
Donc, le lyrisme niais qui a disparu depuis 1945, on le retrouve chez les auteurs américains mal traduits d'aujourd'hui ?
Pour la catharsis, l'hstoire de ce mot est très intéressante, puisque tout part d'une mystification à la Renaissance et une falsification des propos d'Aristote via une traduction erronnée (le propos d'Aristote, dans la Poétique, n'est jamais de parler du spectateur, mais de définir ce qu'est une tragédie et ses règles de fonctionnement). La catharsis telle qu'on la comprend depuis la Renaissance, jusqu'à la pypynanalyse, c'est du formidable n'importe quoi !
[quote]Au fond, Maurice, si j'avais le pouvoir de m'exprimer devant un cercle de romanciers, je leur dirais : arrêtons les volutes, les arabesques, les ornements, les broderies et les enjolivures ! Arrêtons d'embellir le steak avec un kilo de gras ! Créons plutôt des livres, des romans qui vont à l'essentiel, qui se rapproche un maximum de la vérité et qui ne tourne pas autour du pot ! Cherchons à dévoiler des passions, des sentiments par les champs de force que les actions et les situations narratives se chargent de nous offrir au cours de nos rédactions ! En étant brefs, décrivons le lyrisme dans les gestes et les agissements de nos personnages ! Celui-ci doit vivre dans les faits et non pas dans le ressenti du narrateur ! Ayons l'audace de Sade et la vigilance de Rabelais ! Faisons 200 pages au lieu de 500 ; ainsi, nous pourrons nous concentrer sur un récit authentique et sans garnitures ! 200 pages où tout aura été clair depuis le début ! Ainsi, par pitié, essayez de ne pas saturer vos lecteurs avec vos rêveries, vos utopies et vos visions ! Soyez des ingénieurs formels, appliqués, qui veulent analyser l'humain avec rigueur !
Ce que je trouve amusant, c'est de donner à fond dans le lyrisme pour le dénoncer de la sorte : que de points d'exclamations pour une personne qui ne se prétend pas lyrique !
Pour ma part, j'ai l'impression que tu cherches à inventer le fil à couper le beurre : dois-je te rappeler que nombre de romans bien cotés par la coterie font dans les 120 pages écrits gros (ça fera 14,99€, merci!) ?
Je crois que tu confonds lyrisme avec expression de son petit moi et de ses petits malheurs. Mais ce sont là deux choses différentes.
"Soyez des ingénieurs formels, appliqués, qui veulent analyser l'humain avec rigueur !"
Si j'avais un conseils à te donner, moi qui n'ai pas vocation à écrire, ce serait de commencer par bâtir des phrases qui tiennent la route. L'ingénieur est bien plutôt technicien que scientifique cherchant à comprendre un phénomène. L'ingénieur est bien plutôt quelqu'un qui invente ou cherche à perfectionner une machine existante. Le problème de l'ingénieur est qu'il est souvent tellement spécialisé que j'espère pour lui qu'il a une vie spirituelle un peu riche à côté - mais j'ai le souvenir de beuveries d'ingénieurs qui me fait parfois douter d'eux...
L'ingéniérie a tué l'architecture, et pour ma part, je compte bien que cette chose là reste le plus loin possible de la littérature !
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[quote]les volutes, les arabesques, les ornements, les broderies et les enjolivures !
On peut très bien "enjoliver" sans être lyrique : ce sont là deux choses bien différentes. Encore une fois, le lyrisme est l'expression des sentiments... allô, allô, allô !
[quote]Dans ce cas, tu serais le critique que je craindrais le plus si j'avais un manuscrit à proposer à un public.
Je n'ai certainement pas vocation à être critique littéraire, je te parle de mes goûts et de comment je place certaines valeurs au dessus d'autres dans une sorte de hiérarchie qui m'est personnelle. J'essaye d'être un peu cohérent là dedans, je ne sais pas si j'y réussis, mais si j'avais un seul conseil à te donner, ça serait d'essayer d'être un peu moins baroque et un peu plus cohérent toi-même, y compris avec toi-même.
[quote]À titre d'exemple, Warhol qui vendait ses sérigraphies des milliers voire des millions de dollars n'avait certainement pas le talent de Van Gogh ou le génie de Michel Ange. Pourtant, on vend encore ses œuvres 15 millions de dollars.
Il se vend si cher, car il a imposé une patte qui incarnait l'esprit Warhol, une tendance, une mode, un culte aux dollars, à la dépense inutile, et à la surévaluation d'une œuvre. Mais pour comprendre ça, il faut voir l'art au dessus de sa sphère du talent et de l'expression.
C'est ça qui rend certains auteurs contemporains surévalués.
Mais il faut comprendre toute la subtilité derrière.
La subtilité derrière tout ça, elle s'appelle bulle spéculative. Effectivement, l'art n'est plus talent ou savoir-faire, mais communication et mise en valeur de fausses valeurs par une pseudo-élite complètement à l'ouest (trop de cocaïne nuit à l'intégrité psychique et fait prendre des vessies pour des lanternes), absolument pas intéressée par le Beau, mais par le Placement : alors évidemment, il n'est pas dans leur intérêt financier que l'on dise trop que c'est de la Merde (et pourtant, il y avait des Zartistes qui leur proposaient de la vraie merde en boite...)
Si j'avais un peu d'argent, j'irais vite m'acheter quelques toiles de maîtres de second rang du XIXème siècle ou même j'essaierais de me passionner à trouver un vrai artiste-peintre totalement sous coté du XXème siècle, dont personne n'a jamais entendu parler, et qui peint seul dans son coin, en amateur pense-t-il, de vraies merveilles totalement méconnues.
Pour le reste, tu confonds lyrisme avec l'expression naïve d'un adolescent sensible pour qui le monde tourne autour de sa petite personne.
Je vais te dire un truc : tu es ce que tu dénonces. Tu es une personne très sensible (ce qui n'est pas du tout un reproche, car je le suis aussi) et tu t'acharnes à lutter contre cet aspect de ta personnalité, et même quelque chose de plus que ta personnalité, puisque le monde t'apparaît naturellement plus riche qu'à d'autres, jusqu'à l'insupportable parfois ausssi. Et tu luttes contre ça tandis que cette sensibilité te pousse à réaliser quelque chose dans le domaine de l'écriture.
Celui qui a raison dans l'histoire, ce n'est pas toi. C'est ton ami qui écrit ses trucs adolescents et qui peut-être, se forge un style de cette manière au lieu de venir faire de la théorie fumeuse ici.
Dompte ta sensibilité, mais ne joue pas à chercher la quadrature du cercle, ce que tu me sembles faire : le seul résultat, c'est qu'en cherchant à être créatif de cette manière tu n'en viennes à tuer toute possibilité de création par cela même.
Si j'avais trois conseils : lis aussi des choses moins bonnes que de la grande littérature et varie tes auteurs. Forge-toi un goût plus sûr et surtout moins contradictoire (condamner le lyrisme et tresser des couronnes à Victor Hugo, on appelle ça faire le troll sur d'autres sujets). Lis des auteurs à succès superficiels et des auteurs confidentiels profonds.
L'autre conseil : vis.
Le dernier conseil : ne cesse pas d'améliorer ton expression, et pour commencer, simplifie un peu tout ça en réduisant les contradictions...
Ceci étant, en toutes hypothèses, bien entendu.