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Modérateurs: animal, Léo

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By Pierre de Feu
#129136 Avec votre permission, je vous propose de m'accompagner dans ma lecture des Caractères ou les Moeurs de ce siècle de La Bruyère dont je recopierai* certaines anecdotes et certaines maximes pour peu qu'elles soient en rapport avec le thème du site, dans l'ordre du livre et donc, de ma relecture. Le rythme que je souhaite est d'une maxime ou d'une anecdote par jour. Cela me permettra de mieux fixer dans ma mémoire certains extraits dignes d'intérêt et d'enrichir notre réflexion tout en suscitant à n'en pas douter votre intérêt pour ce moraliste, dont l'oeuvre a connu un succès phénoménal en son temps (9 éditions de 1688 à 1696) digne de Stéphane Edouard et de son Homme idéal à notre époque !

Bien sûr, il se peut que j'arrête en cours de chemin, que ma lecture soit interrompue et reprise plus tard, et qui sait, par quelqu'un d'autre!

[img]http://www.images-chapitre.com/ima2/original/526/40676526_8425012.jpg[/img]
Il est amusant de constater, par cette page de 1700, que l'ouvrage est présenté comme étant une traduction d'un auteur grec, ceci permettant un semi anonymat tout en garantissant une caution antique (Nous sommes en pleine querelle des Anciens contre les Modernes). Mais évidemment, personne n'a été dupe.
(* Evidemment, il n'y a pas de droit d'auteurs pour cet ouvrage.)
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By Pierre de Feu
#129144 [quote]Quand une lecture vous élève l'esprit, et qu'elle vous inspire des sentiments nobles et courageux, ne cherchez pas une autre règle pour juger l'ouvrage; il est bon, et fait de main d'ouvrier. (Des ouvrages de l'esprit, 31 (VIII)
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By Pierre de Feu
#129170 Ce n'est pas un hasard si la maxime précédente vient à la suite d'un long éloge du Cid.
D'ailleurs, cela me fait penser à cette lecture maintenant ancienne, et combien après avoir les développements des uns et des autres, ma lecture du Cid est en quelque sorte changée.

Ce Corneille a quelque chose à voir avec l'esprit de ce site. Je repense par exemple aux développements sur le fait de savoir rompre avec celle qui ne vous mérite plus pour ne pas souffrir de ne plus se mériter à ses propres yeux et de ne plus mériter aux yeux de celle que l'on aime.
Savoir rompre alors que l'on aime pour être digné d'être aimé, quel dilemme !

Je ne vous fais pas l'affront de resituer la scène qui suit dans son contexte. Simplement repréciser que le vieux père de Rodrigue a été soufflé par le père de Chimène et que son père lui demande de venger de son sang, annonciateur d'un duel contre le père de Chimène.

Retenez ceci si vous ne voulez pas relire les stances en entier :
[quote]J’attire en me vengeant sa haine et sa colère ;
J’attire ses mépris en ne me vengeant pas.

[quote]Acte I - Scène VI – Don Rodrigue

Percé jusques au fond du cœur
D’une atteinte imprévue aussi bien que mortelle,
Misérable vengeur d’une juste querelle,
Et malheureux objet d’une injuste rigueur,
Je demeure immobile, et mon âme abattue
Cède au coup qui me tue.
Si près de voir mon feu récompensé,
Ô Dieu, l’étrange peine !
En cet affront mon père est l’offensé,
Et l’offenseur le père de Chimène !

Que je sens de rudes combats !
Contre mon propre honneur mon amour s’intéresse :
Il faut venger un père, et perdre une maîtresse :
L’un m’anime le cœur, l’autre retient mon bras.
Réduit au triste choix ou de trahir ma flamme,
Ou de vivre en infâme,
Des deux côtés mon mal est infini.
Ô Dieu, l’étrange peine !
Faut-il laisser un affront impuni ?
Faut-il punir le père de Chimène ?

Père, maîtresse, honneur, amour,
Noble et dure contrainte, aimable tyrannie,
Tous mes plaisirs sont morts, ou ma gloire ternie.
L’un me rend malheureux, l’autre indigne du jour.
Cher et cruel espoir d’une âme généreuse,
Mais ensemble amoureuse,
Digne ennemi de mon plus grand bonheur,
Fer qui causes ma peine,

M’es-tu donné pour venger mon honneur ?
M’es-tu donné pour perdre ma Chimène ?

Il vaut mieux courir au trépas.
Je dois à ma maîtresse aussi bien qu’à mon père :
J’attire en me vengeant sa haine et sa colère ;
J’attire ses mépris en ne me vengeant pas.
À mon plus doux espoir l’un me rend infidèle,
Et l’autre indigne d’elle.
Mon mal augmente à le vouloir guérir ;
Tout redouble ma peine.
Allons, mon âme ; et puisqu’il faut mourir,
Mourons du moins sans offenser Chimène.

Mourir sans tirer ma raison !
Rechercher un trépas si mortel à ma gloire !
Endurer que l’Espagne impute à ma mémoire
D’avoir mal soutenu l’honneur de ma maison !
Respecter un amour dont mon âme égarée
Voit la perte assurée !
N’écoutons plus ce penser suborneur,
Qui ne sert qu’à ma peine.
Allons, mon bras, sauvons du moins l’honneur,
Puisqu’après tout il faut perdre Chimène.

Oui, mon esprit s’était déçu.
Je dois tout à mon père avant qu’à ma maîtresse :
Que je meure au combat, ou meure de tristesse,
Je rendrai mon sang pur comme je l’ai reçu.
Je m’accuse déjà de trop de négligence :
Courons à la vengeance ;
Et tout honteux d’avoir tant balancé,
Ne soyons plus en peine,
Puisqu’aujourd’hui mon père est l’offensé,
Si l’offenseur est père de Chimène.



Tout lecteur assidu de Spike Seduction, devrait se mettre dans un coin de son esprit qu'il convient de relire le Cid au plus vite.

Et dire qu'on ne fait plus étudier ce genre d'oeuvre que dans une perspective simplement formaliste... Alors que la perfection de la forme sert aussi un propos qui cherche à édifier : c'est cela le style bien compris, un style qui ne sonne pas creux.

***

J'ai tendance à considérer que le Grand Siècle, siècle de puissance de notre pays, siècle de lutte aussi entre le Monarque et les Grands, est à mon sens une source d'inspiration à ne pas dédaigner. Lire une biographie de Louis XIV qui ne soit pas trop républicaniste - afin de ne pas encore sombrer dans les mystifications habituelles du genre "ils ne se lavaient pas" alors qu'ils se lavaient en se frottant avec des tissus imbibés d'alcool et d'eau parfumée - est aussi à ce titre très enrichissant.

***

Tout n'est pas à prendre bien entendu pour nous du Grand Siècle, nous avons le nôtre. C'est pourquoi tout n'est certainement pas à prendre des Caractères de La Bruyère, mais on y trouve à prendre plus qu'on n'y trouve de premier abord.

Le siècle de Louis XIV, c'est le siècle du Style.

(Et il y était évidemment hors de question de s'exprimer en franglais car nous étions la Puissance - je considère tout emprunt non justifié à l'anglais comme une soumission à plus puissant que nous. Or quoi ! Il me semble que ce site cherche justement à apprendre aux Hommes à ne plus se comporter en soumuis.

D'ailleurs, Louis XIV avait appris l'italien et l'espagnol, pas l'englais. Je préfère provoquer en essayant de m'exprimer dans un français le plus exempt possible de tous ces anglicismes, et ce d'autant plus que je pense me défendre en anglais, plutôt que de piquer tel ou tel mot, qui semblant apporter du style à la phrase, ne lui apporte que le ridicule de ne pas avoir su trouver l'équivalent en français - et nous fait d'ailleurs parfois passer pour ridicules et quelque peu méprisables pour n'importe quel(le) anglophone sachant s'exprimer en français.)

Il me semble donc qu'il y a comme un manque à ne pas convoquer parmi nous ce siècle, nous qui nous souhaitons avoir du style. Notre siècle a néanmoins son propre style, qu'on est certes en droit de trouver plus décadent, et il n'est évidemment pas question de sombrer dans l'imitation du style Louis XIV en remettant au goût du jour les perruques de l'époque, mais il me semble que nous avons là une époque qui s'est énormément posé la question du style, et qu'à ce titre, un ouvrage comme Les Caractères ou les moeurs de ce siècle nous apprend énormément de choses sur le style et sur la réflexion que nous pouvons mener.

A ce titre, je n'aurais peut-être pas dû négliger la première réflexion qui ouvre le livre, dans la première partie, des Ouvrages de l'Esprit et qui constituera ma citation du jour :
[quote]1 (I)
Tout est dit, et l'on vient trop tard depuis plus de sept mille ans qu'il y a des hommes et qui pensent. Sur ce qui concerne les moeurs, le plus beau et le meilleur est enlevé ; l'on ne fait que glaner après les anciens et les habiles d'entre les modernes.

Si tout est déjà dit, alors, il n'y a plus qu'à essayer de le dire autrement, mais cela n'a d'intéressant que si on le dit mieux, c'est-à-dire, de manière plus conforme à ce qui est l'objet de notre discours.

Il y a la volonté constante dans le siècle de Louis XIV de ne pas contrevenir à la Nature (c'est à dire à l'ordre des choses voulu par Dieu). Savoir en rendre compte est la marque de l'artiste, et cela peut certes passer par des artifices, mais qui jamais, en théorie, ne devraient contrevenir à la Nature sinon la révéler en quelque sorte - il y a des pages féroces sur le maquillage dans les Caractères qui ne manqueront pas de vous intéresser. Dans la pratique, cependant, nous verrons que les Caractères sont plus pessimistes, et que pour se faire une place dans ce monde, malheureusement, cela ne va pas sans quelques compromissions...
Cela ne me semble pas contradictoire avec la démarche de ce site qui lui aussi me semble nous proposer de (re)devenir ce que nous sommes selon notre nature véritable tout en nous épanouissement d'un point de vue social : cela ne va peut-être pas sans quelques contradictions, nous dit en quelque sorte La Bruyère. Mais j'y reviendrai.

Fin du bavardage pour aujourd'hui !
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By Pierre de Feu
#129171 PS. J'avais mes petites citations du Cid en tête lorsque tout à coup j'ai pensé...

En nous conformant à notre nature, nous attirerons peut-être la haine et la colère de celle que nous aimons.
Mais en nous conformant à ce (que nous pensons, parfois par ses propres propos,) qu'elle voudrait que nous soyons, nous attirerons le mépris de celle que nous aimons.
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By Pierre de Feu
#129190 [quote]Des ouvrages de l'esprit. 8 (V).
Certains poètes sont sujets, dans le dramatique, à de longues suites de vers pompeux, qui semblent forts, élevés, et remplis de grands sentiments. Le peuple écoute avidement, les yeux élevés et la bouche ouverte, croit que cela lui plaît, et à mesure qu'il y comprend moins l'admire davantage ; il n'a pas le temps de respirer, il a à peine celui de se récrier et d'applaudir. J'ai cru autrefois, et dans ma première jeunesse, que ces endroits étaient clairs et intelligibles pour les acteurs, pour le parterre et l'amphithéâtre, que leurs auteurs s'entendaient eux-mêmes, et qu'avec toute l'attention que je donnais à leur récit, j'avais tort de n'y rien entendre : je suis détrompé.

L'une des choses les plus difficiles à démêler, c'est la différence entre un discours obscur ou un discours complexe.

Lorsque l'on est jeune et impressionnable, on a tendance à perdre un temps fou dans des discours obscurs, qui ne paraissent complexes que parce qu'ils sont flous. Temps qui pourrait être utilisé mieux à propos ailleurs.

J'ai passé l'âge d'être un jobard à écrivain flou, et j'ai fait mienne la devise de Boileau :

[quote]"Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement,
Et les mots pour le dire viennent aisément"

Bien sûr, nous avons tous nos moment d'obscurité lorsque nous écrivons. A ce titre, j'ai bien peur que ce que j'ai écrit hier soit un petit peu obscur du fait que ce soit assez mal conçu et mal écrit.
Mais contrairement aux charlatans qui pullulent dans nos bibliothèques, j'en retire bien plus de la honte que de la fierté.
Il m'arrive cependant de trouver La Bruyère obscur, et le commentateur de l'ouvrage que je lis aussi ! Cela console.

Je laisse aux femmes, le plaisir de se pâmer devant tel ou tel auteur qu'en bonnes actrices qu'elles sont, elle font semblant de comprendre, là où sans doute l'auteur lui-même avait du mal à se comprendre. J'ai bien trop de mal à élever ma raison pour me la laisser plomber par des semeurs de brouillard.

Aux femmes et aux adolescents victimes de l'enseignement, donc, je laisse pêle-mêle, et dans la plus grande subjectivité, ces auteurs qui ne m'intéressent pas et m'ont fait perdre mon temps et qui loin de m'élever l'esprit tendent à me le faire faire sentir petit tant ils me sont en définitive insaisissables. J'ai réussi à démonter la manière de faire de certains de ces auteurs, et à comprendre à quel point ils sont farfelus. Le problème, c'est que toute entreprise de démontage d'un texte qui raconte n'importe quoi prend 5 fois plus de temps que l'écriture d'un texte qui raconte n'importe quoi.
Exit donc pour moi Mallarmé, Lautréamont, Freud, Heidegger, Barthes, tout écrivain du Nouveau Roman, Pérec compris, surtout Pérec, Faulkner, Valéry, Gide, Pérec, Dolto, Deleuze, Artaud, Lacan, les Surréalistes, Derrida... et pour le cinéma Godard notamment.
L'un de mes maîtres en démontage de fariboles est ce qui reste pour moi un des derniers grands professeurs de littérature du XXème siècle, René Pommier, spécialiste du XVIIème siècle et pourfendeur de Roland Barthes, notamment : René Pommier http://rene.pommier.free.fr/

Il me semble que l'une des leçon de Spike Seduction concernant l'élocution, est de savoir s'exprimer clairement et de bannir l'obscur. D'ailleurs il me semble que nous avons assez à apprendre à décoder l'obscurité du langage des femmes pour avoir à nous farcir des écrivains obscurs par ailleurs.
Et s'ils sont trop compliqués par un défaut dans notre propre constitution, et bien tant pis ! Il y a suffisamment d'écrivains qui nous plairont par ailleurs pour nous sacrifier à tel ou tel qui ne nous convient pas.

A force de fréquenter des écrivains obscurs, les hommes en deviennent obscurs, sont ainsi féminisés et apparaissent bien souvent repoussants aux femmes - sauf à une catégorie de femmes, celles qui ont bien peu d'estime d'elle-mêmes.

Ce n'est à mon avis pas un hasard si les écrivains obscurs sont devenus à la mode à partir du moment où les femmes se sont piquées de lecture ou de philosophie et ont envahi les Facultés de Lettres, puis ont écarté les hommes de la profession de professeur de Lettres en allant jusqu'à ne plus guère transmettre à leurs élèves que des auteurs féminisants.

Une femme moyennement cultivée lit son horoscope et va consulter un voyant. Une femme plus cultivée lit Freud et consulte un psychanalyste.

Ne pas s'y tromper, ces auteurs-gourous sont presque toujours des hommes. Et encore, je ne sais même pas pourquoi j'ai écrit le mot "presque". Mais passer son temps à singer ces auteurs ou à chercher à les comprendre, c'est une attitude bien trop féminine pour nous autres. Dans cette histoire, il faut être le Grand Manipulateur ou rien du tout - et donc, il faut aimer manipuler. Les femmes ne cherchent d'ailleurs pas vraiment à les comprendre, elles aiment plutôt faire semblant et vouent une dévotion quasi religieuse à tel ou tel d'entre eux. Elles admirent. La théologie dure est là encore affaire d'hommes. Mais le théologien n'est pas séduisant.

Ainsi nos bobos psychanalysées ne sont guère que les lointaines descendantes de ces femmes dévotes du XVIIème siècle, de ces personnalités limites qui avaient besoin d'un directeur de conscience pour régler leur vie. Cf [quote]Tartuffe de Molière.

Une bobo psychanalysée n'est souvent guère qu'une parisienne ayant compris au fil des ans que ses amis masculins n'arrivent jamais à tenir le rôle qu'elle voulait qu'ils tiennent.

Autrement dit, il y a du Tartuffe chez les éternels amis de nos amantes.

Critiquez Freud et vous serez haï des Parisiennes. Mais cherchez à le comprendre jusqu'à prendre des plis de sa pensée et vous serez méprisé des Parisiennes - possiblement même si vous exercez le métier de psychanalyste. Néanmoins, vous pourrez être amant pour le premier cas, et ami pour le second.

Je me souviens de cette amie qui est devenu professeur de Lettres, une assez belle intelligence, et énormément de charme. Elle a épousé un garagiste.


Bonus. Extraits de la section des Ouvrages de l'esprit sur le même thème.

[quote]35 (IV)
Les sots lisent un livre, et ne l'entendent point ; les esprits médiocres croient l'entendre parfaitement ; les grands esprits ne l'entendent quelquefois pas tout entier : ils trouvent obscur ce qui est obscur, comme ils trouvent clair ce qui est clair ; les beaux esprits veulent trouver obscur ce qui ne l'est point, et ne pas entendre ce qui est fort intelligible.

Précisions.
Je ne m'identifie pas à mes opinions, ni à mes pensées. Ce que je dis me semble juste et semble me venir comme malgré moi - dans un phénomène déjà observé par Platon. J'aurais sans doute toujours la nostalgie d'un monde rêvé et différent qui m'a malheureusement conduit au bord du précipice. Ce que me dit ma raison me fait généralement haïr de la Parisienne type, si jamais j'ai la maladresse (?) de lui dire ce que je pense - c'est-à-dire ce qui est le fruit de ma raison, et non le fruit de mes sentiments.
Pour schématiser mon problème actuel : dans une conversation, soit je pense, et ai le sentiment de planer à 1000 kilomètres au dessus de la plupart de mes interlocutrices mais court le risque d'être haï de par ce que j'exprime. Soit je dis comme les autres interlocuteurs masculins, et je ne me reconnais plus, et le fait moins bien, et ai le sentiment de creuser 1000 km en dessous de la plupart de mes interlocuteurs et de ne guère mériter que d'être méprisé de mes interlocutrices.
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By Pierre de Feu
#129210 Il en va peut-être des livres comme des femmes et il me semble qu'il faut faire attention à ne pas admirer. Attitude féminine par excellence. Il convient sans doute bien mieux d'approuver.

[quote] Des ouvrages de l'esprit. 36 (IV)
Un auteur cherche vainement à se faire admirer par son ouvrage. Les sots admirent quelquefois, mais ce sont des sots. Les personnes d'esprit ont en eux les semences de toutes les vérités et de tous les sentiments, rien ne leur est nouveau ; ils admirent peu, ils approuvent.

Laissons aux femmes l'admiration. Il me semble d'ailleurs que lorsqu'elles aiment, elles admirent. Nous, non.

Admirer, c'est rester dans l'état où nous sommes, et en rester au stade de l'infériorité par rapport à l'objet de notre admiration.
Approuver, c'est comprendre au moins un peu et avoir réussi au moins un peu à se mettre au niveau de ce que l'on lit.

Toute mise en piédestal est une admiration ne reposant sur pas grand chose en définitive. Mais cela reste une admiration. Il n'est en réalité bien souvent pas difficile d'approuver l'objet amoureux. Encore qu'il faille souvent malheureusement descendre et non s'élever...

Que peut faire une pop star à part chercher à forniquer avec ses admiratrices ? Il faut bien s'occuper...
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By Pierre de Feu
#129221 Je ne vais pas trop bavarder sur la citation du jour.

Souvent, les réponses de Stéphane, face aux interrogations des lecteurs, apparaissent comme les plus évidentes, les plus naturelles, comme celles qui devraient surgir sans même y penser, et qui pourtant adviennent bien souvent au prix d'efforts de pensée bien tortueux, lorsqu'elle adviennent. Je suis moi-même souvent dans le même cas, étant bien trop souvent victime de mes sentiments, de mes humeurs.

Si l'écriture, c'est faire devenir en toutes lettres ce qui est, et si nous même avons pour projet de devenir ce que nous sommes, alors il y a au moins comme un lien de métaphore entre la citation qui suit et notre projet.

Qu'est-ce qu'avoir du style ?

[quote]17 (I) Des ouvrages de l'esprit.
Entre toutes les différentes expressions qui peuvent rendre une seule de nos pensées, il n'y en a qu'une qui soit la bonne. On ne la rencontre pas toujours en parlant ou en écrivant ; il est vrai néanmoins qu'elle existe, que tout ce qui ne l'est point est faible, et ne satisfait point un homme d'esprit qui veut se faire entendre.
Un bon auteur, et qui écrit avec soin, éprouve souvent que l'expression qu'il cherchait depuis longtemps sans la connaître, et qu'il a enfin trouvée, est celle qui était la plus simple, la plus naturelle, qui semblait devoir se présenter d'abord et sans effort.
Ceux qui écrivent par humeur sont sujets à retoucher à leurs ouvrages : comme elle n'est pas toujours fixe, et qu'elle varie en eux selon les occasions, ils se refroidissent bientôt pour les expressions et les termes qu'ils ont le plus aimés.

La dernière partie peut aussi concerner tout ce que peut nous dire une femme qui sème le chaud et le froid...

Complément.
Il est amusant de constater que croisant ma remarque d'hier sur l'admiration, j'ai vu cette vidéo de Montherlant, où il explique comment, suite à un article admiratif sur Barrès, ce dernier s'en est senti tellement peiné qu'il a provoqué ce pauvre Montherlant en duel. Cf ici montherlant-et-plus-si-affinite-vt5835.html#p129213
Bref, ce pauvre Montherlant avait cette fois-ci manqué de style et l'a payé cher pour devoir présenter ses excuses en bonne et due forme à son voisin de Neuilly qui passait tous les jours devant sa fenêtre durant sa jeunesse, pour ne pas avoir à affronter au pistolet son idole littéraire.
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By Pierre de Feu
#129273 Une clé pour comprendre Les Caractères où l'on revient là encore sur le thème de l'admiration. (Le chiffre IV correspond au fait qu'il s'agit d'un ajout de la 4ème édition.)

[quote]34 (IV) Des Ouvrages de l'Esprit
Le philosophe consume sa vie à observer les hommes, et il use ses esprits à en démêler les vices et le ridicule ; s'il donne quelque tour à ses pensées, c'est moins par une vanité d'auteur, que pour mettre une vérité qu'il a trouvée dans tout le jour nécessaire pour faire l'impression qui doit servir à son dessein.
Quelques lecteurs croient néanmoins le payer avec usure, s'ils disent magistralement qu'ils ont lu son livre, et qu'il y a de l'esprit ; mais il leur renvoie tous leurs éloges, qu'il n'a pas cherchés par son travail et par ses veilles. Il porte plus haut ses projets et agit pour une fin plus relevée : il demande des hommes un plus grand et un plus rare succès que les louanges, et même que les récompenses, qui est de les rendre meilleurs.

Par philosophe, nous comprenons plutôt un "moraliste". Ce qui prouve que la distinction entre les deux n'est pas si aisée, comme je ai tenté rapidement de le faire dans mon intervention sur Nietzsche.

Et en effet, ces moralistes sont en quelque sorte les ancêtres de nos coachs en développement personnel sauf qu'il y a quelques nuances essentielles à mes yeux : une moindre rigueur scientifique sans doute, une volonté manifeste de faire "oeuvre littéraire" et enfin une double visée ici qui est de rendre meilleur par souci d'adaptation à la vie de cour et de rendre meilleur conformément aux enseignements de la morale chrétienne ou "droit naturel".
Ce dernier point explique une certaine tension que l'on retrouvera plus tard, notamment dans la section concernant "Du mérite personnel". Il s'agit certes d'apprendre à se comporter dans la haute société, mais aussi d'en dépeindre les vices.
By Stevy
#129297 Mon prefere des Caracteres.

Sur les effets de la passion sur les gens qui conduit generallement a la perte de toute notion de raison.

Diphile commence par un oiseau et finit par mille : sa maison n'en est pas égayée, mais empestée. La cour, la salle, l'escalier, le vestibule, les chambres, le cabinet, tout est volière ; ce n'est plus un ramage, c'est un vacarme : les vents d'automne et les eaux dans leurs plus grandes crues ne font pas un bruit si perçant et si aigu ; on ne s'entend non plus parler les uns les autres que dans ces chambres où il faut attendre, pour faire le compliment d'entrée, que les petits chiens aient aboyé. Ce n'est plus pour Diphile un agréable amusement, c'est une affaire laborieuse, et à laquelle à peine il peut suffire. Il passe les jours, ces jours qui échappent et qui ne reviennent plus, à verser du grain et à nettoyer des ordures. Il donne pension à un homme qui n'a point d'autre ministère que de siffler des serins au flageolet et de faire couver des canaris. Il est vrai que ce qu'il dépense d'un côté, il l'épargne de l'autre, car ses enfants sont sans maîtres et sans éducation. Il se renferme le soir, fatigué de son propre plaisir, sans pouvoir jouir du moindre repos que ses oiseaux ne reposent, et que ce petit peuple, qu'il n'aime que parce qu'il chante, ne cesse de chanter. Il retrouve ses oiseaux dans son sommeil : lui-même il est oiseau, il est huppé, il gazouille, il perche ; il rêve la nuit qu'il mue ou qu'il couve.
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By Pierre de Feu
#129340 Exact Stevy. Je regarde ma collection de DVD, ma collection de CD, ma collection de livres... à quoi bon ?
Objectif pour moi : garder 100 DVD, 100 CD et environ 200 livres et le reste à la bibliothèque.

Deux petits rapides pour introduire au chapitre "Des mérites personnels" aux thèmes pourtant différents et qui en sont comme la trame sur laquelle La Bruyère va broder. Deux vanités en quelque sorte.

[quote]1 (I)
Qui peut, avec les plus rares talents et le plus excellent mérite, n'être pas convaincu de son inutilité, quand il considère qu'il laisse en mourant un monde qui ne se sent pas de sa perte, et où tant de gens se trouvent pour le remplacer ?
2 (I)
De bien des gens il n'y a que le nom qui vaille quelque chose. Quand vous les voyez de fort près, c'est moins que rien ; de loin, ils imposent.


[img]http://www.cynthia3000.info/celine-brun-picard/blog/data/images/1651_bailly_vanite.jpg[/img]
David Bailly, double autoportrait avec symboles de vanité dit "vanité au portrait", 1651.

"Vanité des vanités, tout est vanité"
http://fr.wikipedia.org/wiki/Vanit%C3%A9
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By Pierre de Feu
#129354 [quote] "Du mérite personnel". 3(VI) Tout persuadé que je suis que ceux que l'on choisit pour de différents emplois, chacun selon son génie et sa profession, font bien, je me hasarde de dire qu'il se peut faire qu'il y ait au monde plusieurs personnes, connues ou inconnues, que l'on n'emploie pas, qui feraient très bien ; et je suis induit à ce sentiment par le merveilleux succès de certaines gens que le hasard seul a placés, et de qui jusques alors on n'avait pas attendu de fort grandes choses.

(I) Combien d'hommes admirables, et qui avaient de très beaux génies, sont morts sans qu'on en ait parlé ! Combien vivent encore dont on ne parle point, et dont on ne parlera jamais !

Savoir se vendre, déjà un problème du temps de Louis XIV !
By Rose Selavy
#129355 [quote="Pierre de Feu"][quote] "Du mérite personnel". 3(VI) Tout persuadé que je suis que ceux que l'on choisit pour de différents emplois, chacun selon son génie et sa profession, font bien, je me hasarde de dire qu'il se peut faire qu'il y ait au monde plusieurs personnes, connues ou inconnues, que l'on n'emploie pas, qui feraient très bien ; et je suis induit à ce sentiment par le merveilleux succès de certaines gens que le hasard seul a placés, et de qui jusques alors on n'avait pas attendu de fort grandes choses.

(I) Combien d'hommes admirables, et qui avaient de très beaux génies, sont morts sans qu'on en ait parlé ! Combien vivent encore dont on ne parle point, et dont on ne parlera jamais !

Savoir se vendre, déjà un problème du temps de Louis XIV !

Mon Dieu, ce qu'il est bavard...en comparaison de La Fontaine, La Rochefoucauld, et bien sur Gracian, qui pour résumer affirmait : savoir faire, et le savoir montrer, c’est double savoir.
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By Pierre de Feu
#129357 Pas faux ! Mais d'un autre côté, ce que dit La Bruyère peut aussi avoir valeur d'explications ou pour le moins d'illustration pour les malentendants. Cela manifeste enfin une perspective relativement pessimiste de la vie de la cour.

Il ne dit pas "sachez vous montrer", il dit "contrairement à ce que vous pensez, ce ne sont pas forcément les meilleurs qui sont au service du roi". On est dans le paradoxe (contre la doxe, l'opinion).

Conséquences politiques quelques décennies plus tard : les concours de la fonction publique - qui ne sont d'ailleurs plus la panacée, surtout actuellement, pour ceux qui ne savent pas se vendre.