- Mar Juil 01, 2008 10:34 pm
#52811
Oui, parlons-en. Et précisons tout d'abord que la littérature est bien plus qu'une somme de connaissances, bien plus que la fierté de pouvoir annoncer que l'on a lu "tout Balzac". Sensibilité littéraire se distingue ainsi fortement de simple lecture, aussi exhaustive soit-elle. La beauté d'une œuvre ne se livre pas d'un seul coup, dans une extase toujours identique à elle-même; elle est comme un pays que nous n'aurions jamais fini d'explorer.
Mais explorez-vous des contrées inconnues armé seulement d'un couteau, aussi partisans du débroussaillage rapide soyez-vous? Ou vous faut-il au contraire un équipement plus conséquent, afin de pousser l'expérience jusque dans ses plus intimes retranchements?
L'esthétique littéraire, comme beaucoup de choses, ne se révèle pas. Elle se découvre. Elle s'enrichit certes par la relecture, mais aussi et surtout par la découverte de rapports, de liens de plus en plus nombreux avec le courant dont elle est issue, avec son auteur, avec son lecteur, même! "Chaque lecteur est, quand il lit, le propre lecteur de soi-même, disait Proust. L'ouvrage de l'écrivain n'est qu'une espèce d'instrument d'optique qu'il offre au lecteur afin de lui permettre de discerner, ce que, sans ce livre, il n'eût peut-être pas vu en soi-même."
[img]http://www.arimathie.org/wp-content/themes/thesis-v03-p01/headers/scottwills_castle_quest.jpg[/img]
Les structures, avec l'expérience et la connaissance, deviennent de mieux en mieux comprises. Un esprit même attentif a toujours besoin de revenir sur les mots et de les mettre en rapport avec les arguments d'un autre problème ou d'une autre discussion pour comprendre, approfondir. C'est ce qu'on appelle réflexion. Et ainsi se forme un esprit vif et intelligent.
Prenons l'exemple de ce poème, que je choisis par goût personnel:
El Desdichado
Je suis le Ténébreux, - le Veuf, - l'Inconsolé,
Le Prince d'Aquitaine à la Tour abolie :
Ma seule Etoile est morte, - et mon luth constellé
Porte le Soleil noir de la Mélancolie.
Dans la nuit du Tombeau, Toi qui m'as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon coeur désolé,
Et la treille où le Pampre à la Rose s'allie.
Suis-je Amour ou Phébus ?... Lusignan ou Biron ?
Mon front est rouge encor du baiser de la Reine ;
J'ai rêvé dans la Grotte où nage la sirène...
Et j'ai deux fois vainqueur traversé l'Achéron :
Modulant tour à tour sur la lyre d'Orphée
Les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée.
Gérard de Nerval
[img]http://farm3.static.flickr.com/2143/1760605366_03fdfad047.jpg[/img]
Quasiment tout le monde peut apprécier la musique si particulière des mots ainsi que les images associées. Mais avouez que la compréhension globale ainsi que le retrait d'une leçon de vie personnelle de ce sonnet ne sont pas évidents, et, ô injustice! sont subordonnés à la possession d'une culture littéraire, philosophique et historique conséquente. Sans cela, comment deviner que la fleur évoquée au vers 7 est une ancolie, mauve et violette, symbole de la tristesse?
[Pour ceux qui seraient intéressé par une explication vers par vers, ainsi que par quelques pistes d'interprétations personnelles, jetez un oeil [url=http://www.etudes-litteraires.com/nerval-desdichado.php]ici[/url] ]
J'ai volontairement choisi un texte relativement opaque afin d'illustrer mon propos.
Mais toute oeuvre littéraire, qu'elle soit roman, poésie, critique, article, etc. exige une réflexion certes différée mais indispensable.
C'est à ce prix seul que nous faisons "acte de culture véritable" (Duhamel)
Stop à la leçon de morale rigoriste et académique. Autant il est impardonnable de justifier l'absence de lectures par "J'ai pas le temps" - on a toujours le temps, autant je comprends tout à fait que bon nombre d'entre vous (moi y compris) n'ont en revanche ni le temps ni les moyens de parcourir de manière assidue des sommes d'esthétique littéraire.
[img]http://www.syti.net/Images/EtretatLibrary.jpg[/img]
La lecture, si elle est malheureusement peu approfondissement et souvent survol, doit rester avant tout un plaisir.
Comment donc jouer sur les deux tableaux? Comment avoir cette perspective d'ensemble qui nous manque (car pas enseignée, à part dans certaines filières très spécialisées) et quasi décourageante à affronter seul ? Comment se libérer réellement par la lecture sans vouer un culte à la lenteur, à la relecture sans fin, à la méditation austère?
[img]http://ecx.images-amazon.com/images/I/4140KMSDTFL._SL500_AA240_.jpg[/img]
[url=http://www.priceminister.com/navigation/se/category/sa/kw/la+dissertation+litteraire+generale]Ce bouquin[/url] est une des rares solutions au problème.
Peu connu, peut être, à cause du titre faussement donné qui semble le destiner à un seul public d'étudiants en khâgne classique. Non, ce n'est pas un manuel scolaire. Un large public est concerné par les questions abordées.
Les trois tomes de l'oeuvre remplissent les fonctions suivantes:
1) Vous donner une excellente culture littéraire: vous connaîtrez les repères clés pour re placer toute oeuvre dans son contexte, et donc la comprendre et l'apprécier davantage. Et en plus, ça permet de sacrément briller en société
2) Vous emmener dans un voyage passionnant. Parce que la littérature française ne se résume pas à Hugo, Flaubert et Zola. Des cercles précieux au Nouveau Roman en passant par la Critique, genre à part entière, vous pourrez découvrir de nouveaux horizons, de nouvelles passions, et, je l'espère, de nouvelles envies.
3) Structurer un peu votre pensée. Les deux auteurs, véritablement brillants (à chaque phrase, l'on est impressionné par la vivacité de leur esprit et la clarté de leur écriture), ne vous assènent pas des magmas de paragraphes-fleuves. Une citation, une pensée, un trait de génie, s'expliquent de manière claire et concise; et cela s'apprend.
Le format est toujours le même: un sujet proposé à l'épreuve de littérature du concours de Normale Sup ou de l'Agreg' se voit corrigé dans ses moindres détails. Ledit corrigé est d'ailleurs plus un essai à lui tout seul, car il dépasse de loin les bornes du sujet, pour déboucher sur une réflexion globale.
Exemple:
Théophile Gautier aimait à dire "Quiconque n'a pas commencé par imiter ne sera jamais original". Que pensez-vous d'un tel conseil?
Inutile de vous le préciser, les textes sont riches d'enseignements en tous genres! Une certaine vision du monde, en quelque sorte. Un style de vie, même. Immergez-y vous, vous ne le regretterez pas.
Mais explorez-vous des contrées inconnues armé seulement d'un couteau, aussi partisans du débroussaillage rapide soyez-vous? Ou vous faut-il au contraire un équipement plus conséquent, afin de pousser l'expérience jusque dans ses plus intimes retranchements?
L'esthétique littéraire, comme beaucoup de choses, ne se révèle pas. Elle se découvre. Elle s'enrichit certes par la relecture, mais aussi et surtout par la découverte de rapports, de liens de plus en plus nombreux avec le courant dont elle est issue, avec son auteur, avec son lecteur, même! "Chaque lecteur est, quand il lit, le propre lecteur de soi-même, disait Proust. L'ouvrage de l'écrivain n'est qu'une espèce d'instrument d'optique qu'il offre au lecteur afin de lui permettre de discerner, ce que, sans ce livre, il n'eût peut-être pas vu en soi-même."
[img]http://www.arimathie.org/wp-content/themes/thesis-v03-p01/headers/scottwills_castle_quest.jpg[/img]
Les structures, avec l'expérience et la connaissance, deviennent de mieux en mieux comprises. Un esprit même attentif a toujours besoin de revenir sur les mots et de les mettre en rapport avec les arguments d'un autre problème ou d'une autre discussion pour comprendre, approfondir. C'est ce qu'on appelle réflexion. Et ainsi se forme un esprit vif et intelligent.
Prenons l'exemple de ce poème, que je choisis par goût personnel:
El Desdichado
Je suis le Ténébreux, - le Veuf, - l'Inconsolé,
Le Prince d'Aquitaine à la Tour abolie :
Ma seule Etoile est morte, - et mon luth constellé
Porte le Soleil noir de la Mélancolie.
Dans la nuit du Tombeau, Toi qui m'as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon coeur désolé,
Et la treille où le Pampre à la Rose s'allie.
Suis-je Amour ou Phébus ?... Lusignan ou Biron ?
Mon front est rouge encor du baiser de la Reine ;
J'ai rêvé dans la Grotte où nage la sirène...
Et j'ai deux fois vainqueur traversé l'Achéron :
Modulant tour à tour sur la lyre d'Orphée
Les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée.
Gérard de Nerval
[img]http://farm3.static.flickr.com/2143/1760605366_03fdfad047.jpg[/img]
Quasiment tout le monde peut apprécier la musique si particulière des mots ainsi que les images associées. Mais avouez que la compréhension globale ainsi que le retrait d'une leçon de vie personnelle de ce sonnet ne sont pas évidents, et, ô injustice! sont subordonnés à la possession d'une culture littéraire, philosophique et historique conséquente. Sans cela, comment deviner que la fleur évoquée au vers 7 est une ancolie, mauve et violette, symbole de la tristesse?
[Pour ceux qui seraient intéressé par une explication vers par vers, ainsi que par quelques pistes d'interprétations personnelles, jetez un oeil [url=http://www.etudes-litteraires.com/nerval-desdichado.php]ici[/url] ]
J'ai volontairement choisi un texte relativement opaque afin d'illustrer mon propos.
Mais toute oeuvre littéraire, qu'elle soit roman, poésie, critique, article, etc. exige une réflexion certes différée mais indispensable.
C'est à ce prix seul que nous faisons "acte de culture véritable" (Duhamel)
Stop à la leçon de morale rigoriste et académique. Autant il est impardonnable de justifier l'absence de lectures par "J'ai pas le temps" - on a toujours le temps, autant je comprends tout à fait que bon nombre d'entre vous (moi y compris) n'ont en revanche ni le temps ni les moyens de parcourir de manière assidue des sommes d'esthétique littéraire.
[img]http://www.syti.net/Images/EtretatLibrary.jpg[/img]
La lecture, si elle est malheureusement peu approfondissement et souvent survol, doit rester avant tout un plaisir.
Comment donc jouer sur les deux tableaux? Comment avoir cette perspective d'ensemble qui nous manque (car pas enseignée, à part dans certaines filières très spécialisées) et quasi décourageante à affronter seul ? Comment se libérer réellement par la lecture sans vouer un culte à la lenteur, à la relecture sans fin, à la méditation austère?
[img]http://ecx.images-amazon.com/images/I/4140KMSDTFL._SL500_AA240_.jpg[/img]
[url=http://www.priceminister.com/navigation/se/category/sa/kw/la+dissertation+litteraire+generale]Ce bouquin[/url] est une des rares solutions au problème.
Peu connu, peut être, à cause du titre faussement donné qui semble le destiner à un seul public d'étudiants en khâgne classique. Non, ce n'est pas un manuel scolaire. Un large public est concerné par les questions abordées.
Les trois tomes de l'oeuvre remplissent les fonctions suivantes:
1) Vous donner une excellente culture littéraire: vous connaîtrez les repères clés pour re placer toute oeuvre dans son contexte, et donc la comprendre et l'apprécier davantage. Et en plus, ça permet de sacrément briller en société
2) Vous emmener dans un voyage passionnant. Parce que la littérature française ne se résume pas à Hugo, Flaubert et Zola. Des cercles précieux au Nouveau Roman en passant par la Critique, genre à part entière, vous pourrez découvrir de nouveaux horizons, de nouvelles passions, et, je l'espère, de nouvelles envies.
3) Structurer un peu votre pensée. Les deux auteurs, véritablement brillants (à chaque phrase, l'on est impressionné par la vivacité de leur esprit et la clarté de leur écriture), ne vous assènent pas des magmas de paragraphes-fleuves. Une citation, une pensée, un trait de génie, s'expliquent de manière claire et concise; et cela s'apprend.
Le format est toujours le même: un sujet proposé à l'épreuve de littérature du concours de Normale Sup ou de l'Agreg' se voit corrigé dans ses moindres détails. Ledit corrigé est d'ailleurs plus un essai à lui tout seul, car il dépasse de loin les bornes du sujet, pour déboucher sur une réflexion globale.
Exemple:
Théophile Gautier aimait à dire "Quiconque n'a pas commencé par imiter ne sera jamais original". Que pensez-vous d'un tel conseil?
Inutile de vous le préciser, les textes sont riches d'enseignements en tous genres! Une certaine vision du monde, en quelque sorte. Un style de vie, même. Immergez-y vous, vous ne le regretterez pas.
Modifié en dernier par Use Your Illusion le Sam Juil 05, 2008 11:21 am, modifié 1 fois.