- Mar Aoû 06, 2013 2:30 pm
#136631
@ Rose Selavy et aux autres.
je sais bien que l'origine du mot "charisme" est religieuse, biblique
(Trésor de la langue française : Don surnaturel extraordinaire octroyé à un croyant ou à un groupe de croyants, pour le bien commun de la communauté. À plusieurs reprises, Paul parle des charismes qui se rapportent au gouvernement des Églises (Théol. cath. t. 4, 2, 1938, p. 497) ) ), en en ce sens, évidemment, on parlera de
grâce, pour peu que l'on soit croyant.
Ceci étant pourra-ton dire que l'un des leader les plus charismatiques du XXème siècle, sinon le plus charismatique de par la fascination qu'il a engendré et les événements extraordinaires et malheureux qu'on lui doit, à savoir Adolf Hitler, avait la
grâce ? J'en doute. A moins qu'il n'existe une grâce satanique ? Mais on parlera plutôt de "possession" plutôt.
Autrement dit, je ne suis pas persuadé que l'on puisse faire automatiquement dériver le terme originel chrétien dans le monde de la sociologie politique avec toutes les caractéristiques que ce mot a pour l'Eglise.
L'élection présidentielle française, taillée sur mesure à l'origine pour le Général de Gaulle, lequel estimait, à juste titre, que la France ne pouvait se passer d'un monarque, dût-il être un monarque élu pour 7 ans (et maintenant, de manière ridicule, pour 5 ans). De Gaulle avait son charisme, et son art de manipuler les foules (les pieds noirs d'Algérie s'en souviennent).
Mais lui qui avait été un piètre meneur d'hommes durant la Première Guerre mondiale et durant l'invasion de 1940, le voilà qui arrive à Londres, militaire le plus gradé. Une place de leader s'offre à lui. Il lui revient de fédérer deux groupes de personnes qui constitueront le noyau dur de la France de Londres : des personnalités issues de l'extrême-droite à la fois antiallemande et antisémite française et des juifs le plus souvent de gauche, et de convaincre le Peuple français, que là est la vraie France (qui, elle, toute tendance confondue, a les yeux de Chimène pour Pétain, le Vainqueur de Verdun).
Le peuple français a eu l'occasion pendant quelques mois d'expérimenter ce qu'est un leader charismatique. Election présidentiel 2007 : Nicolas Sarkozy subjugue les foule. Ceux qui ont écouté ses discours de l'époque se souviennent de discours très bien construits, à la logique relativement imparable, à la rhétorique redoutable, avec une montée en puissance formidable, le tout prononcé par un personnage s'étant depuis 15 ans construit une figure d'Autorité, en occupant le ministère de l'intérieur (parcours qu'essaye actuellement de reproduire un Valls).
L'autorité que l'on prêtait au personnage, joint à la formidable plume d'Henri Guaino, donnait effectivement une aura au personnage qui allait lui permettre de s'imposer face à une Ségolène Royal absolument dépourvue de charisme (ni autorité, ni grands discours). Ses discours étaient tellement puissants, que Sarkozy arrivait à s'imprégner de ceux-ci dans les débats ou les interviews et à masquer presque parfaitement aux Français sa vulgarité naturelle de parvenu sans scrupules.
Sarkozy élu, plus besoin des discours de Guaino. La vulgarité du personnage éclate au grand jour, sa duplicité aussi (puisque son quiquennat a consisté à peu près à faire le contraire de ce qu'il disait qu'il ferait au moment de l'élection).
Et on me demandera : "Mais pourquoi Henri Guaino ne pouvait-il pas être un leader charismatique ?"
Ceux qui se souviennent des prestations de Henri Guaino à la télévision ont dû s'étonner, lui que l'on cachait par ailleurs durant les élections, ont du s'étonner tout comme moi de l'absence quasi absolu de charisme du personnage : mal à l'aise, pataud, peu dynamique, sans fonction d'autorité qui plus est, perdant facilement ses nerfs, dépressif. Professionnel des mots, professionnel de la rhétorique, aux convictions pourtant bien ancrées : il avait en quelque sorte vendu son âme au diable, à l'Autorité et prêté ses convictions et sa plume à une personne pourtant opposée aux siennes en réalité par lâcheté et ambition personnel, par tentation de vivre dans ce Luxe qui n'intéresse pas simplement les call girls à Politiques. Il s'était prostitué.
Une personne n'est charismatique que face à un groupe. On ne peut pas être charismatique en tête à tête avec une personne. Par définition, cela n'a pas de sens.
Ou dit autrement : quand il s'agira de séduire un groupe, on parlera de charisme, quand il s'agira de séduire une personne, on parlera de séduction ou de manipulation (selon ce qu'on veut en faire). (D'ailleurs, on dit parfois d'une personne charismatique que c'est une personne qui sait manier ou manipuler les foules...)
Il s'agit d'amener ce groupe à faire ce que le leader veut qu'il fasse. Pour 2007, le projet était petit en définitive : il s'agissait simplement pour Sarkozy d'être élu. L'autorité du Président de la République étant factice, puisque nous sommes de fait dans un régime de cohabitation avec Bruxelles, tout ne pouvait que s'écrouler. Ajouté à ça, une vulgarité et une inculture crasses jamais vues à ce stade au sommet de l'Etat (sauf peut-être chez son successeur), et vous avez l'explication de la raclée qui allait suivre 5 ans plus tard.
Que ce soit dans le monde du sport d'équipe, de la politique, du spectacle, de l'entreprise etc. Un leader charismatique c'est en un seul homme (ou plus rarement en un groupe d'hommes) :
- une personne à qui l'on prête des compétences.
- une personne qui est en position d'autorité.
- une personne offrant une vision d'avenir apparemment bénéfique pour ceux qui y adhèrent : projets plus moyens pour y parvenir.
- une personne incarnant cette vision ou cette croyance : d'où l'importance d'apparaître dynamique.
- des suiveurs offrant un effet d'amplificateur, puis une groupe, puis une foule voire un peuple.
- des moyens de communications pour mettre en valeur tout ceci.
A partir du moment où un leader devient charismatique, il se donne à lui-même le devoir d'être à la hauteur de ce charisme. Sarkozy n'a fait que reproduire ce que l'on voyait chez nombre d'empereurs romains, tel Caligula, commençant vertueux (apparemment bien entendu), finissant dans les pires bassesses (du moins si l'on en croit Suétone).
[img]https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/1/10/Bundesarchiv_Bild_183-S33882,_Adolf_Hitler_retouched.jpg/220px-Bundesarchiv_Bild_183-S33882,_Adolf_Hitler_retouched.jpg[/img]
Un des grands leader charismatique du XXème siècle. Hitler, se tient droit. Le regard dur, froid, annonce les épreuve à venir, mais il regarde au loin, confiant en cet avenir. Les mains croisées montrent indique la foi en son projet. Son vêtement (signé Hugo Boss ? - pensez avant d'acheter de l'Hugo Boss que ce couturier allait dessiner les vêtements de ces Waffen SS qui allaient faire succomber les belles d'Europe, au propre comme au figuré...) est entre la coupe civile et militaire : veste plutôt militaire, mais chemise et cravate (la cravate permettant par ailleurs de rassurer Frau Michu sur les intentions non révolutionnaires dans le sens communiste du terme du personnage).
Evidemment, Hitler doit aussi beaucoup à ce formidable film de propagande de Leni Rifenstahl
[img]http://cbhg.org/wp-content/uploads/2009/08/staline_mao.jpg[/img]
Tableau chinois (?)
La mise en scène de deux autres grandes figures charismatiques du XXème siècle - deux monstres aussi. Les deux regards sont à peu près similaires à celui d'Adolphe sur la photo. La main mise en évidence chez chacun d'entre eux, est la main du Travailleur. Le ciel, la foule dominée qui regarde dans la même direction, sous la protection des drapeaux rouges...
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Che Guevara continue de fasciner les foules, et les femmes. Jeune, beau, issu de la bourgeoisie la plus haute il en a conservé le maintien. L'aura du leader se maintient, et la révélation des crimes du bourreau de la prison de la Cabaña ne suffit pas à la petite bourgeoise parisienne en mode "révolte ado qui se prolonge" à lui faire ôter son honteux T shirt.
[img]http://media.melty.fr/article-1118835-ajust_930/comme-tout-le-monde-barack-obama-a-ses-series.jpg[/img]
Le charisme d'un leader depend aussi des circonstances et son propos s'adapte à celles-ci.
Le dernier grand leader charismatique des Etats-Unis est sans conteste Ronald Reagan. Ceux qui ont suivi ont incarné soit l'Autorité (factice par ailleurs), soit le Verbe, mais le vrai pouvoir aux USA, n'est plus dans le domaine du politique. Un peuple peut être lassé d'une Autorité, même feinte, ils ont préféré le Verbe. Mais si à son tour le Verbe montre un manque d'autorité manifeste (le président Carter par exemple), on retournera vers des schémas plus autoritaires.
[img]http://www.infosyrie.fr/wp-content/uploads/2012/03/poutine-vladimir.jpg[/img]
Pour illustrer ce que je disais, à savoir que le charisme est aussi affaire de circonstances, voici en opposition au gentil Obama, Vladimir Poutine.
Face aux faux puissants occidentaux féminisés, gentillets (mais tout de même capables d'aller bombarder un pays comme la Lybie), soumis en réalité à qui les finance (et non pas à qui les élit), Poutine-Bond-Inspecteur Harry incarne l'Homme politique. Il est certes le défenseur d'une caste, mais a su mater, de moins pour le moment, les oligarques qui détiennent le vrai pouvoir partout ailleurs dans le monde occidental (et que les Guignols de l'Info désignaient sous le titre World Company). Les femmes russes adore dans leur grande majorité, et les hommes russes y voient bien souvent un modèle à imiter. Les médias occidentaux détestent...
Mais bon, j'arrête là, parce qu'il faudrait un livre.