Séduction & dynamiques sociales : articles, analyses et questions

Modérateurs: animal, Léo

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By Robusto
#96081 Bonsoir à tous,

En psychologie sociale, il y a une notion récente (plus ou moins 50 ans) appelée "syndrome de l'imposteur", qui regroupe pas mal de choses touchant de près ou de loin à la séduction et au développement personnel (voire à la santé mentale, dans les cas les plus amusants).

Grosso modo, c'est né d'une observation dans le champ universitaire, qui reflète le manque de confiance en soi de personnes tout à fait capables, qui éprouvent d'une "angoisse" de se sentir imposteur et finalement, de tromper leur monde sans aucune confiance dans ses "fondamentaux" (l'observation initiale a été faite sur les femmes universitaires des '50s).
Je pense que c'est un syndrome bien plus répandu qu'on ne le pense, dans des domaines assez opposés, du domaine universitaire au monde de la communication (je viens des deux, et j'observe), qui bloque une quantité phénoménale d'initiatives et provoque énormément de blocages/d'inhibitions.
Le syndrome regroupe, je pense, pas mal des problématiques abordées sur le site, mais dépasse le problème pur de la confiance en soi, puisqu'il interroge profondément l'image que l'on se fait de soi-même et de ses véritables compétences (compétences qui touchent au charisme comme au domaine professionnel et, souvent, au goût lui même, puisque tout paraît si normal qu'il n'y a pas nécessaire à travailler sur le sujet). A la différence de la question de la confiance en soi donc, les résultats ne modifient en rien la conception que l'on se fait de ses capacités.

Ça vous parle ?
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By Godfather
#96085 Si je comprend bien ces gens ont peur "d'exister" car ils craignent la fêlure entre l'être et le paraître. En un mot ils craignent d'être pris pour ce qu'ils ne sont pas, et puisqu'il s'agit d'un problème de confiance, par extension, ils ont peur d'être surestimés. Car au mieu cela entrainerait de la culpabilité, au pire les gens les prendraient pour des menteurs ou des mithomanes (du moins c'est ce qu'ils croient car en réalité, il y aurait juste un mal entendu. Mais le meilleur moyen d'éviter les mal entendus, c'est dire aux gens ce qu'ils veulent entendre, d'où la peur d'exister. Dans les faits, ca me rappelle un peu Rousseau qui voulait être transparent.
Je pense qu'il s'agit juste d'un énorme manque de confiance qui entraine un complexe d'infériorité voire une paranoïa.
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By Robusto
#96089 C'est un peu plus compliqué que du complexe d'infériorité (qui est déjà un complexe... "complexe").
C'est surtout dans la sous-estimation de ses capacités alors même qu'elles sont reconnues.
Les "gens" n'ont pas peur d'exister, mais ne comprennent pas pourquoi leurs talents/compétences sont remarquables (alors quelles sont remarquées). Ce qui est assez encouragé de nos jours ceci dit.

Et pour ta conclusion sur le complexe d'infériorité, c'en serait justement le contraire exact (de la supériorité mal refoulée).
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By jazzitup
#96092 J'ai souvent cru que j'étais un bluffeur parce que je pouvais expliquer certaines réussites par le packaging et non le produit. Un examen oral bien mené, parce qu'on a la bonne énergie et l'étincelle dans les yeux, pas à cause des révisions qui ont duré une nuit.

J'ai guéri à l'aide de deux médicaments. La première pilule ? comprendre que savoir présenter un résultat, actionner les bons leviers fait partie des fondamentaux. La deuxième gélule ? croiser de vrais imposteurs, de vrais branleurs avec des produits médiocres, et voir que ces types ont oeuvré des années sans jamais être démasqués. Que leurs clients sont ravis de faire de bonnes affaires avec eux.

[url]http://www.youtube.com/watch?v=x8JkSEvyFhM#t=4m11[/url]
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By Robusto
#96095 Effectivement, la deuxième gélule est efficace, dans la mesure où tu réalises que tu n'es pas du même tonneau que le tocard qui survend systématiquement ce qu'il fait, ce qui vient avec l'expérience.
Ceci étant, l'expérience fonctionne aussi à l'envers puisque l'on est tous entourés de ces imposteurs arrivant (ne serait-ce qu'au court terme) aux mêmes effets.

Tu parles d'examen oral, je me demande si ce genre de complexe ne serait pas directement lié aux études (l'exemple type dans les publications sur le syndrome restant le "ils ont du se tromper" après une réussite à un examen).

Ça a tout de même des petits relents de syndrome "nice guy" aussi, appliqué à la séduction/relations sociales.
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By wu-weï
#96109 [quote="Robusto"]Ça a tout de même des petits relents de syndrome "nice guy" aussi, appliqué à la séduction/relations sociales.

Ca n'a rien à voir avec le gentil garçon!

Un soir, dans l'émission de Bernard Pivot (Apostrophe) j'ai vu un très grand auteur témoigner du fait que pour certains livres, il se sentait un "imposteur".
Des livres qu'il avait écrit, ceux dans lesquels il avait mis le moins de lui-même (où il avait été le moins sincère) étaient ceux qui avaient rencontré le plus de succés; et ceux dans lesquels il avait "tout mis" étaient ceux qui avaient le moins marché, étiaent les moins estimés.

Ca le troublait. Il confiait à l'animateur "se sentir un imposteur" puisque ce qui marche n'est pas "lui".
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By LordG
#96114 Si c'est bien ça, alors je me sens aussi "imposteur" dans la vie de tous les jours.

En vérité, c'est comme si l'image que tu te fais de toi-même n'est pas la même que celle que les gens qui t'apprécient se font de toi. Au final, j'ai l'impression de jouer un rôle mais contre mon gré et ça crée un décalage très désagréable.

Mais ce concept reste proche de la recherche de validation. Parce qu'à la fin tu te dit que si des gens apprécient ce "rôle", tu t'habitues à le jouer à chaque fois que tu le rencontres et refuses d'exprimer tes autres idées par peur de t'exposer. et par définition imposteur = menteur et personne n'aime les menteurs.

J'ai bon?
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By wu-weï
#96118 Non, pas tout à fait.
Tu peux être très bon, excellent même et être apprécié à ta juste valeur mais il y a une divergence entre ce pour quoi les gens te reconnaissent le valeur et celle que tu penses être la tienne.

L'exemple qui me vient à l'esprit, c'est la chanson de Plamandon et Berger : Le blues du business man.
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By Robusto
#96136 C'est ça, c'est davantage une incompréhension qu'autre chose.

A la différence des recherches de validation ou des complexes d'infériorité, c'est surtout un décalage de valeurs.
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By Godfather
#96178 Je crois que je cerne mieu le sujet. En tous cas il y a des causes communes avec le complexe d'infériorité.
ByEquus
#96195 [quote="Robusto"]A la différence des recherches de validation ou des complexes d'infériorité, c'est surtout un décalage de valeurs.
Je pense que c'est plus qu'un simple décalage des valeurs.

Le sentiment d'imposture est plutôt négatif. Donc, il y a décalage des valeurs, et sentiment de tromper l'autre. C'est à dire que les valeurs de l'autre pourraient avoir plus d'importance que ses propres valeurs.

Donc ça rejoint un peu le côté "complexe d'infériorité" (en fait j'aime pas cette expression).

Tout ça, c'est de la terminologie... J'sais pas si ça fait avancer quoi que ce soit.
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By wu-weï
#96196 Non, c'est pas exactement ça.
Le complexe d'imposture, c'est avoir le sentiment que les gens nous reconnaissent ou nous aiment mais pas pour la (les) bonne(s) raison(s).

L'auteur qui aurait aimé être reconnu et aimé pour les bouquins qu'il a écrit et dans lesquels il a le plus donné alors que le public, les lecteurs, l'aiment pour ceux qu'il a le plus "bâclé" (selon sa perception à lui).
Au final, il a le sentiment que les gens préfèrent "la soupe" qu'il sert mécaniquement que ce qu'il estime de la meilleure qualité qui le repésente mieux.

Tu as d'autres exemples : Patrick Hernandez, Roland Magdane, Marilyn Monroe, Dalida qui aurait aimé vivre une belle et longue histoire d'amour et avoir un enfant.

Complexe d'infériorité ou de supériorité n'ont rien à voir même si on peut trouver un parrallèle.

C'est un décalage entre ce pour quoi les gens nous aiment et ce pour quoi on aimerait qu'ils nous aiment.
Et si les gens nous aiment pour une chose dont on n'est pas fier ou dont on a rien à foutre, cela crée un décalage => complexe de l'imposteur.
Ce décalage est souvent entre perception "publique" et sphère privée.

Et ca n'empêche pas d'être très bon, voire excellent dans un domaine d'une manière objective.
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By Robusto
#96216 [quote]Le complexe d'imposture, c'est avoir le sentiment que les gens nous reconnaissent ou nous aiment mais pas pour la (les) bonne(s) raison(s).

En fait j'ai l'impression que l'on ne parle pas exactement de la même chose.
Il y a l'aspect dont tu parles mais également une forme de minimisation de sa valeur, et un étonnement que la reconnaissance vienne pour quelque chose qui nous semble non-remarquable. Dans ce cas là, l'exemple de base des études sur le sujet (le champ universitaire) est assez révélateur. Le décalage entre le niveau de reconaissance et la légitimité qu'on se donne est la cause du malaise. Grosso modo, on peut voir les choses de deux manières, pour synthétiser.

- Soit on est la personne X qui aimerait être reconnue pour quelque chose qu'elle estime plus digne de reconnaissance (l'auteur dont tu parles est un bon exemple) que ce pour quoi elle a du succès. Il se sent effectivement reconnu pour les mauvaises raisons (ses œuvres les plus personnelles sont des flop, etc., la littérature est pleine de ce genre de situation).

- Soit on est le thésard Y qui produit un travail remarqué, sans pour autant qu'il estime que cela vaille tout le flan que l'on fait autour (avec son corollaire de "tout le mérite revient à mes prédécesseurs/professeurs/équipiers/assistants, je n'ai pas fait grand chose") et qui, même en se défendant, va finir par se demander s'il n'est pas en train d'arnaquer son monde (en séduisant, en enrobant, à peu près ce que disait Jazzitup dans son message). De là le sentiment d'être un usurpateur estimé pour les mauvaises raisons.

Dans ces deux situations, les conclusions sont très proches mais les prémisses sont différentes. Pour revenir avec l'histoire de supériorité et d'infériorité (je n'aime pas non plus, surtout dans la mesure où je ne sais pas techniquement ce que ça recouvre), la seconde situation, la plus proche du sujet selon moi, pourrait parfaitement être un sentiment de supériorité coupable, refoulé (et le monde universitaire n'est pas conçu pour créer des individus extrêmement sûrs de leur valeur non plus).

Et c'est ce deuxième sentiment que je trouve assez répandu, le succès (ou la réussite) accompagné du sentiment de clairement tromper son monde.

Comme je suis un pur esprit scientifique et rigoureux, je cite la première source qui me vient à l'esprit sur le sujet:
http://en.wikipedia.org/wiki/Impostor_syndrome
By Synchronn
#96217 Un thésard vit sa thèse, elle fait partie de son monde et beaucoup de mécanismes intellectuels et de réflexions sur sa thématique entrent dans le champ du "commun". L'expérience et l'habitude transforment des éléments complexes en de petites taches simples et concises.

L'expression "avoir la tête dans le guidon" prend tout son sens dans ce cas de figure car ce qui nous semble ordinaire perd de la valeur. Son travail devient donc ordinaire mais cette dévalorisation n'est pas partagée par le jury ou autres. D'où cette asymétrie.

Ce syndrome disparait aussi rapidement qu'il apparait. Il fait écho à l'auto-handicape que l'on retrouve dans le monde universitaire.
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By Robusto
#96219 [quote="Synchronn"]Ce syndrome disparait aussi rapidement qu'il apparait. Il fait écho à l'auto-handicape que l'on retrouve dans le monde universitaire.

Si ce syndrome était exclusivement circonscrit au monde universitaire, oui, ce serait vrai.