- Sam Fév 05, 2011 3:34 pm
#105325
Pour m'aider, deux outils me sont donnés par Henry De Montherlant :
[size=75]auteur que j'ai découvert grace à Spike notamment..[/size]
- la feinte
- l'équivalence / alternance des sentiments
[size=150]Problème : [/size]
[quote]Comment être à la fois intelligent et passionné, intelligent et généreux, voilà sans doute le problème essentiel qui m’a été présent toute ma vie ?
[size=150]La feinte : [/size]
[quote]«J’ignore l’utilité de mon sacrifice, et dans le fond je crois que je me sacrifie à quelque chose qui n’est rien, qui est une de ces nuées que je hais. Croyant mon sacrifice inutile, et peut-être insensé, je me précipite dans l’indifférence de l’avenir (…) Dans l’Iliade, Diomède se rue sur Enée, bien qu’il sache qu’Apollon rend Enée invulnérable. Hector prédit la ruine de sa patrie, la captivité de sa femme, avant de retourner se battre comme s’il croyait en la victoire. Quand le cheval prophétique annonce à Achille sa mort prochaine, « Je le sais bien », répond le héros, mais au lieu de se croiser les bras et de l’attendre, il se rejette et tue encore d’autres hommes dans la bataille.
Ainsi ai-je vécu, sachant la vanité des choses, mais agissant comme si j’en étais dupe, et jouant à faire l’homme pour n’être pas rejeté comme dieu. Oui, perdons-les l’une dans l’autre, mon indifférence et celle de l’avenir ! Après avoir feint d’avoir de l’ambition et je n’en avais pas, feint de craindre la mort et je ne la craignais pas, feint de souffrir et je n’ai jamais souffert, feint d’attendre et je n’attendais pas, je mourrai en feignant de croire que ma mort sert, mais persuadé qu’elle ne sert pas et proclamant que tout est juste. »
On peut dire que « tout y est » ! Je crois que je me sacrifie (n’oublions pas qu’il s’agit d’être tué, pas moins) à quelque chose qui n’est rien, qui est une de ces nuées que je hais. Croyant mon sacrifice inutile, et peut-être insensé… (Suivent des exemples, et qui ne sont pas des exemples sollicités, de héros homériques qui agissent, et agissent bravement, et savent cependant que la partie est perdue, ou pour eux seuls, ou pour leur patrie).
Ainsi ai-je vécu, sachant la vanité des choses, mais agissant comme si j’en étais dupe... Perdons-les l’une dans l’autre, mon indifférence et celle de l’avenir (déjà votre indifférence ! et déjà le net pressentiment de l’indifférence de l’avenir à votre égard). Et toute la fin du passage, depuis « Après avoir feint d’avoir de l’ambition », etc.…
A vingt-trois ans, j’avais vécu, j’avais voulu vivre la feinte –le mot est répété cinq fois dans ce passage- et je ne l’avais pas vécue pour la frime !
« Je dois feindre de prendre au sérieux les séances théâtrales, les compétitions sportives, l’Académie » [du collège], me dit un prêtre du collège, quand j’avais seize ans. Je n’ai jamais oublié cet aveu.
[size=150]L'équivalence-alternance :[/size]
[quote]
Si le monde n’a aucun sens, comme il est évident pour nous, tenir avec lui les conduites les plus différentes est le seul parti raisonnable. C’est l’équivalence. Et comme on ne peut pas les tenir toutes à la fois, il faut alterner. Le matin se faire de lui l’opinion réfléchie que s’en fait un Sénèque, l’après-midi être dans l’action le héros qu’est un Régulus, l’après-dîner se prêter aux passions désordonnées qui tourmentent les personnages des tragiques, ou du moins, si les passions vous manquent, avoir du monde une vision tragique, la nuit (sauf quelques heures très nécessaires pour se remettre d’une journée si bien remplie) mener les aventures franchement rigolotes des lascars de Pétrone : cette conception et cette pratique de la vie, fussent-elles condamnées avec indignation ou dédain tant par les clercs que par le consensus omnium, n’en resteraient pas moins pour moi, en 1964 comme en 1927, une conception et une pratique parfaitement intelligentes, - et je dirai : les seules intelligentes.
Autre image : l’Hermès quadrifrons monté sur pivot et mobile sur son socle. Un de ses visages est un visage profond (quasiment le visage de l’être de sagesse bouddhique), l’autre un visage tragique (le masque tragique grec), l’autre un visage héroïque (la Marseillaise de Rude), l’autre un visage rieur (un visage de faune). On tourne l’Hermès, mettant en lumière l’une ou l’autre des quatre faces, à volonté. On peut même le tourner de telle sorte que la lumière vienne sur deux visages à la fois. Tout n’est qu’une question de tourner l’objet d’une certaine manière, ou de tourner autour de lui, ce qui revient au même.
http://henrydemontherlant.free.fr/resumedepoche.htm
«La simplicité est la sophistication suprême» Léonard de Vinci