Avoir une vie stylée

Modérateurs: animal, Léo

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By Jeff!
#75844 Tout ça pour défendre Onfray, Raph? Tu m'excuseras du manque de clarté conceptuelle quant à la grandeur d'un auteur et à ce genre de détails. Il ne m'a pas semblé utile de pousser davantage, vu le contexte. Mais si tu oublies un peu les attaques personnelles et que tu consens à ne me prendre ni à la lettre, ni pour un con fini, je suis persuadé qu'on aurait plein de choses à se dire – sur un sujet dédié ou en privé. Je suis à ta disposition.


Et pour rester dans le sujet, le néant intellectuel que je suis se permet de vous suggérer la lecture d'Un amour de Swann, de Proust, sans doute ma grande (navré) découverte de l'année. Particulièrement intéressant dans l'analyse du rapport à l'art, surtout chez l'amoureux. Il va sans dire que niveau séduction et analyse psychologique (la jalousie, l'infidélité, la grossièreté...), c'est un gros morceau qui fera la joie des amateurs. Pour ce qui est du style, je vous laisse vous faire un avis.
By Léon
#75847 [quote="Dimitri"][color=white]Le traité des cinq roues - Musashi[/color]
L'art de la guerre, applicable au monde des affaires et de la séduction.

+1

Les traductions sont mieux si on le cherche sous le titre de "Go Rin No Sho".

Mais on comprend mieux le texte si on interprète "roue" par "cercle" (c'est le même caractère en japonais).
By raph
#75857 MP envoyé.
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By Sébastian
#75913 [img]http://img18.imageshack.us/img18/2623/41xqy822mglss500.jpg[/img]

Présentation de la pièce par l'auteur lui-même :
« Caligula, prince relativement aimable jusque là, s'aperçoit à la mort de Drusilla, sa sœur et sa maîtresse, que "les hommes meurent et ils ne sont pas heureux". Dès lors, obsédé par la quête de l'absolu, empoisonné de mépris et d'horreur, il tente d'exercer, par le meurtre et la perversion systématique de toutes les valeurs, une liberté dont il découvrira pour finir qu'elle n'est pas la bonne. Il récuse l'amitié et l'amour, la simple solidarité humaine, le bien et le mal. Il prend au mot ceux qui l'entourent, il les force à la logique, il nivelle tout autour de lui par la force de son refus et par la rage de destruction où l'entraîne sa passion de vivre.
Mais, si sa vérité est de se révolter contre le destin, son erreur est de nier les hommes. On ne peut tout détruire sans se détruire soi-même. C'est pourquoi Caligula dépeuple le monde autour de lui et, fidèle à sa logique, fait ce qu'il faut pour armer contre lui ceux qui finiront par le tuer. Caligula est l'histoire d'un suicide supérieur. C'est l'histoire de la plus humaine et de la plus tragique des erreurs. Infidèle à l'homme, par fidélité à lui-même, Caligula consent à mourir pour avoir compris qu'aucun être ne peut se sauver tout seul et qu'on ne peut être libre contre les autres hommes. »


J'ai lu pas mal de pièces de théâtre, et celle-ci fait résolumment partie de mes préférées. On y retrouve les thèmes chers à Camus - l'absurde, la violence du monde, le rapport à l'autre et à l'amour - résumés en quatre actes grandioses écrits dans un style clair et vif, saupoudré d'une bonne dose d'humour noir.
Après un premier jet en 1938, la pièce fut finalement montée en 1945 avec Gérard Philipe dans le rôle de l'empereur. Comme toutes les grandes oeuvres - ou presque - elle ne fut pas bien reçue. Soit on la jugea immorale, dégoûtante et tout ce qu'on peut imaginer, soit on la loua, mais pour les mauvaies raisons. Il faudra attendre la fin des années 50 pour qu'elle soit "redécouverte" à sa juste valeur.
Pour résumer la pièce en trois citations ;

La mégalomanie d'un personnage,
[quote]Les autres créent par défaut de pouvoir. Moi, je n'ai pas besoin d'une oeuvre ; je vis.

Déçu de l'amour,
[quote]L'amour ne m'est pas suffisant. Aimer un être, c'est accepter de vieillir avec lui. Je ne suis pas capable de cet amour. On croit que l'homme souffre parce que l'être qu'il aime meurt un jour, mais sa vraie souffrance est moins futile : c'est de s'apercevoir que le chagrin non plus ne dure pas. Même la douleur est privée de sens

Qui poursuit cette quête de l'absolu que nous cherchons tous.
[quote]Si j'avais eu la lune, si l'amour suffisait, tout serait changé. Mais où étancher cette soif ?
Rien dans ce monde, ni dans l'autre, qui soit à ma mesure. Je sais pourtant, et tu le sais aussi, qu'il suffirait que l'impossible soit.

Et comme le dit le maestro,
[quote]Non, Caligula n'est pas mort. Il est là, et là. Il est en chacun de vous

Du haut de ses 200 pauvres pages et de sa modeste poignée d'euros,il serait dommage de passer à coté.
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By Berbere-Pepere
#75931 [quote="Jeff!"][quote="Berbere-Pepere"]
Je ne suis pas de ton avis qu'il "pompe".
De surcroît as-tu déjà essayer de te lancer directement à lire:
"la phénoménologie de l'esprit" Hegel.
"La critique de la raison pure" Kant.
"Le monde comme volonté et comme représentation" Schopenhauer.
"L'unique et sa propriété" Stirner.

Je ne parle même pas de "Ainsi parlait Zarathoustra"...
Peut-être qu'il rajoute une chose ou deux, oui. Mais grosso modo, l'idée c'est que quand tu n'es pas Leibniz ou Hegel, tu n'es sans doute pas si intéressant que ça – c'est du moins le cas de l'essentiel de la production livresque et universitaire, par définition. Et que si tu as quelque chose à dire, ce n'est jamais que pour prolonger un propos qui a été tenu par un autre vraiment grand, sinon pour le reprendre. Un peu ce que semble faire Onfray, donc. Et à ce compte, mieux vaut lire les monstroplantes que les petites frappes, même si c'est difficile.
L'expérience montre que les auteurs mineurs ne sont pas nécessairement plus clairs ou plus faciles à comprendre que les grands, mais juste moins bons.
Autrement dit, mieux vaut galérer modestement avec un génie que croire le comprendre par le biais d'un ersatz.

Mon cher Jeff!
Un exemple valant souvent mieux que de longs discours, voici les quinze premières lignes de la préface de "la phénoménologie de l'esprit" de Hegel:

"Une explication, telle qu'on a coutume de la dépêcher, dans une préface, à l'avant d'un écrit - à propos du but qu'on s'y est proposé en tant qu'auteur, ainsi que des circonstances qui en ont été l'occasion et du rapport qu'on le croit entretenir avec d'autres entreprises, antérieures ou contemporaines, traitant du même objet - semble être, dans le cas d'un écrit philosophique, non seulement superflue, mais même, en raison de la nature de la chose, impropre et contraire au but recherché. Car la manière dont il conviendrait de parler de la philosophie et ce qu'il conviendrait d'en dire dans une préface - ainsi éventuellement en indiquant sur un mode historique la tendance et la perspective adoptées, le contenu général et les résultats obtenus, en liant des affirmations et assertions sur le vrai qu'on énoncerait en partant d'ici ou de là-, tout cela ne saurait passer pour le mode selon lequel la vérité philosophique est à présenter."

L'ouvrage fait à peu près 650 pages et la préface ne fait pas partie des passages les plus compliqués. Pour ma part, je pense que la philosophie devrait être accessible au plus grand nombre, effectivement, des concepts sont propres à tel ou tel auteur, mais faire preuve volontairement d'obscurantisme, c'est une autre histoire... :wink:
By raph
#75940 Il me semble que Rousseau avait eu son mot a ce sujet :wink:
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By Jeff!
#76091 Il faut bien avouer qu'un certain nombre de textes sont plutôt hermétiques, de prime abord – c'est un euphémisme. Mais c'est aussi l'intérêt d'un texte philosophique que de ne pas se laisser faire. Et c'est l'intérêt de certains auteurs tendant à la vulgarisation que de nous aider dans ce combat, pour peu qu'on ne se trompe pas d'adversaire. Ils sont utiles, mais ne doivent pas nous faire oublier notre but: retrouver leur propos et même davantage chez leurs illustres inspirateurs – un peu comme un cours, en somme, qui ne dispense surtout pas de lire les textes intégraux. Le but du jeu, c'est d'aller vers toujours plus de difficulté, éventuellement grâce à ce va-et-vient. Et là où ça devient cool, c'est que s'instruire permet, à terme, de faire des liens et des éclairages entre les meilleurs auteurs eux-mêmes, sans l'aide d'un cours ni de vulgarisation.
Relisant un peu le Nietzsche de Gilles Deleuze, je comprends beaucoup mieux le premier. Cela dit, c'est aussi parce que je l'avais lu auparavant que des choses peuvent s'éclairer, que je n'avais pas comprises immédiatement.
Sans doute y a-t-il d'autre façons de faire, mais il me semble que le principe doit rester d'aller toujours vers plus difficile, vers plus profond.
Bref, il me semble pouvoir concilier nos propos en disant que l'important reste la "grande" oeuvre, quoique cela n'enlève rien au mérite de la vulgarisation ou du commentaire en cela qu'ils permettent d'aller en direction du texte qui les inspire.
By raph
#76102 Que le texte ne se laisse pas faire, du point de vue de l'opposition, je le concois comme chose normale.

Que son auteur fase preuve d'un obscurantisme linguistique ... Absurde.

Pour comparaison, Nietzsche est on ne peut plus "clair" et abordable ( excepté le Zarathoustra) ... De meme pour Rousseau ... de meme pour tant d'autres.

Je ne dis pas que Hegel ou Kant ont ecrit de "la merde", mais je voulais juste souligner ton raisonnement absurde.
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By Berbere-Pepere
#76105 @jeff!:
Je suis d'accord avec ton argumentation, il faut "in fine" aborder les "oeuvres" plutôt que les commentateurs des "oeuvres", je vais même citer Onfray de mèmoire concernant Nietzsche:
"Il est préfèrable de lire une oeuvre de Nietzsche, plutôt que lire plusieurs ouvrages des personnes qui l'interprete."
Mon propos entendait que le travail biographique, l'éducation au langage philosophique et éventuellement l'explication de certains concepts pouvaient aider à la compréhension.

@raph:
C'est effectivement un euphémisme de constater la différence de clarté entre Nietzsche, Schopenhauer (dont on ne parle pas suffisament à mon sens) et le "couple" symptomatique de l'idéalisme allemand. :wink:
Le "Zarathoustra" est effectivement à part, je l'ai lu deux fois avec un certaine frustration, une piste que je compte explorer prochainement est de le mettre en perspective avec les évangiles, pas trés bandant à priori; et de le lire comme une parodie afin de me marrer....
By Rose Selavy
#76115 Pour la comparaison avec l 'évangile , l'édition folio essais précise toute allusion au texte biblique. :wink:
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By Berbere-Pepere
#76121 Merci beaucoup Rose Selavy :wink:

C'est la traduction de Maurice de Gandillac, j'ai la Goldschmidt.
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By Jeff!
#76190 [quote="raph"]
Pour comparaison, Nietzsche est on ne peut plus "clair" et abordable ( excepté le Zarathoustra) ... De meme pour Rousseau ... de meme pour tant d'autres.

Je ne dis pas que Hegel ou Kant ont ecrit de "la merde", mais je voulais juste souligner ton raisonnement absurde.
Ah. Le raisonnement n'est pas absurde pour autant. Il faut juste en exclure les complexités de style, en somme, ce qui restreint franchement le problème. Et j'insiste bien sur le style – c'est une digression que je ne comptais pas faire, en particulier pour Kant, mais pourquoi pas. En gros, cette traduction d'Hegel est effectivement chiantissime et complètement hermétique, au sens où elle dit de façon alambiquée des choses simples. Mais parfois, la complexité est un "mal" nécessaire, et une apparente simplicité peut être des plus trompeuses – entre autres, chez Nietzsche, souvent mal interprété, ce dont Onfray a dû te parler. Chez Kant en particulier, le texte nous parait retors du point de vue du style, notamment quand il parle de règles logiques. De fait, aujourd'hui, grâce au travail de formalisation de la logique par Frege et d'autres, tout cela parait d'une complexité outrancière. Sauf que sans langage formel, Kant a sans doute fait au mieux de ses possibilités, un remarquable effort de synthèse et de concision pour l'époque. Simple analogie: au Moyen-Age, poser une simple équation en maths était un effarant merdier. Aujourd'hui, tout collégien en est capable. Même nous pour qui tout cela est simple, serions bien en peine de faire mieux que l'ami Kant, si nous nous essayions au même exercice que lui. De même pour Aristote: sa physique est ultra-chiante à comprendre, mais on la tolère d'autant moins qu'on sait comme elle est fausse, aussi.

Bref, sauf dans quelques cas, je me méfie des histoires de style alambiqué. Certains relous y ont recours, mais il ne faut pas surestimer ce "défaut" des textes philosophiques. Même Leibniz, auteur des Lumières au Français élégant et très pur, n'est pas évident à comprendre pour autant.

Quant à des mecs comme Rousseau... ouais, ça parait simple sur la forme, et là je suis assez d'accord. En même temps, à idées simplistes, style simpliste – j'exagère, encore de la provoc', mais je n'aime pas Rousseau ^^
By Thomas
#76192 [quote="Jeff!"]
au Moyen-Age, poser une simple équation en maths était un effarant merdier. Aujourd'hui, [color=red]tout collégien en est capable[/color].

Si tu savais ...
By raph
#76194 Ce fameux cliché sur Rousseau ( les plantes, les champignons et les sauvages) ... Aimes tu voltaire? Il est aussi clair et pourtant... Nietzsche le considere comme son "pere" ... Je t'invite a lire le contrat social, discours sur les inegalites .

Je ne dis pas que formuler des idees est simple, loin de la... Mais le faire de maniere obscure et ce, deliberement pour ajouter un "mystere de surface", pour moi, c'est simplement de la betise.

Ps: Je ne dis pas que ces concepts sont stupides.
Ps2 : Surtout, regardez quelle traduction vous achetez. N'achetez pas n'importe quoi ! En cas de doute, renseignez vous chez un vrai libraire ( Fnac, virgin et consorts a banir dans 95% des cas)
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By Jeff!
#76204 Ah, non, ce n'est pas le cliché de la bonne vache qui broute moquée par Voltaire qui m'inspire le dégoût de Rousseau (Voltaire est d'ailleurs presque pire). C'est que du point de vue philosophique, une bonne partie de son oeuvre est franchement douteuse (en gros, c'est un mec qui crée des mythes, pas autre chose; c'est pas de la science, et c'est pas de la philosophie qui m'intéresse). Je n'ai pas terminé le Contrat social, mais je pense surtout aux Traités sur l'origine des langues et sur les origines de l'inégalité parmi les hommes, et à ce que j'ai pu lire des Confessions (qui sont rigolotes, pour le coup, mais ne le grandissent pas vraiment à mes yeux). Et du point de vue biographique, ce que je connais de lui ne m'aguiche vraiment pas.
Quant à Voltaire, je ne le porte pas en plus haute estime a priori. Je ne connais que quelques éléments de sa biographie, dont certains peuvent le rendre sympathique (le chevalier de Rohan, ce genre de choses), mais sa langue ne me transcende pas, quoiqu'elle soit amusante et d'évidente qualité, et sa philosophie m'a indifféré dès que j'ai vu le traitement qu'il infligeait au "meilleur des mondes possibles" dans l'Ingénu. Il est plus énergique, plus engageant que Rousseau, en mon sens, mais c'est tout.