- Lun Sep 22, 2008 9:10 pm
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[quote]ATHLÉTISME • L'herbe fait courir les Jamaïquains plus vite
Le sprinter jamaïquain Usain Bolt a été le roi des épreuves d'athlètisme des Jeux de Pékin, d'où il est revenu avec trois médailles d'or. L'homme le plus rapide du monde a un secret : il s'entraîne sur des pistes herbeuses.
Il n'est pas facile d'apercevoir Usain Bolt sur une piste d'athlétisme. Il les foule uniquement lors des compétitions, et le Jamaïquain n'est pas précisément de ceux qui multiplient les épreuves officielles au cours de la saison. Après ses trois exploits à Pékin [il a gagné les épreuves du 100 m, du 200 m et le relais 4 x 100 m], Bolt est devenu l'un des athlètes les plus médiatisés de tous les temps. Pour expliquer son rendement physique, il a son secret : il s'entraîne uniquement sur herbe. Le recordman mondial du 100 m – avec un record de 9"69 établi presque sans effort à Pékin – ne s'entraîne pas sur des pistes en tartan, comme tous ses rivaux. Contrairement à la majeure partie des sprinters, Usain Bolt effectue tous ses entraînements sur herbe, qu'il s'agisse de travailler ses départs ou de réaliser des courses fractionnées.
Qu'est-ce qui les a amenés, son entraîneur Glen Mills et lui, à fuir les pistes synthétiques ? Ils ont d'abord agi pour prévenir les blessures. En effet, au cours des cinq dernières années, Bolt a souvent souffert de douleurs au dos (il était blessé au moment de sa participation aux Jeux d'Athènes en 2004). La combinaison tartan-chaussures à pointes est le pire ennemi des vertèbres lombaires. Ils ont également choisi cette surface pour renforcer la puissance du sprinter.
Courir à pleine vitesse sur l'herbe avec des chaussures à pointes développe au maximum la musculature des cuisses (les quadriceps devant et les ischiaux derrière), des jumeaux et du soléaire. Et bien que Bolt donne souvent l'impression d'être un coureur agile et décontracté, on ne doit pas oublier que c'est un athlète très musclé, qui mesure pourtant 1,96 m.
Bolt n'aime pas confesser ses secrets (pas même les nuggets au poulet qu'il a mangé au petit déjeuner et au déjeuner le jour où il a établi le nouveau record mondial du 100 m !), mais il a fini par reconnaître qu'il ne fréquentait pas les pistes d'athlétisme pour ses entraînements. Un journaliste du New York Times lui a demandé s'il était vrai qu'il effectuait tous ses entraînements sur l'herbe, même ceux qui sont chronométrés. "Oui, c'est vrai", a répondu le coureur originaire de la commune de Trelawny [située dans le nord de la Jamaïque]. "C'est ça votre secret ?", a insisté le journaliste. "Je crois que le fait de m'entraîner sur l'herbe avec des chaussures à pointes et en courant le plus vite possible est la meilleure manière de renforcer mes jambes", a admis Bolt.
Pas de pistes en tartan
Antonio Sánchez, responsable des épreuves de vitesse à la Fédération espagnole d'athlétisme, rejette l'idée selon laquelle les entraînements sur l'herbe sont essentiels pour renforcer les jambes, mais s'accorde avec Bolt sur deux autres éléments. "Je pense que l'entraînement sur l'herbe permet de réduire le risque de blessures, parce que la course sur piste synthétique est dure pour les jambes et peut entraîner des problèmes physiques." Sánchez comprend parfaitement Bolt. Avant de devenir le meilleur coureur espagnol sur 400 m, il s'est lui-même entraîné régulièrement sur herbe et sur terre, car à Béjar [dans la province de Salamanque], d'où il vient, il n'y avait pas de pistes en tartan. "Il y a un autre élément à prendre en compte. Je l'ai vécu très clairement dans la première partie de ma carrière d'athlète. Lorsque tu t'entraînes sur l'herbe et que tu coures ensuite sur une piste synthétique, c'est comme si tu volais. Il y a un changement de qualité qui donne l'impression de courir beaucoup plus vite. Je crois que Bolt joue avec ces sensations. De toutes les manières, il ne faut pas se leurrer : cet homme est un prodige de la nature."
En réalité, la Jamaïque, ce nouveau paradis des coureurs et pays de 2 millions d'habitants qui a battu les grands sprinters américains à Pékin, possédait déjà une solide tradition d'entraînement et de compétitions sur herbe, une tradition née de l'obligation de faire avec ce que l'on a. De plus, il n'y avait pas d'argent pour bâtir des pistes en tartan. Donald Quarrie, champion olympique du 200 m aux Jeux olympiques de Montréal en 1976 – probablement le plus grand sprinter jamaïquain avant Afasa Powell et Bolt – courait ainsi régulièrement sur herbe lors de compétitions officielles. Usain a tardé à le reconnaître, mais il l'a finalement admis : le secret se trouve dans l'herbe.
Ignacio Romo
Público
"Leur amour fut le combat à qui serait le maître, à qui asservirait l'autre. Mais entre un homme et une femme, la défaite de l'homme est déjà consommée, quand la partie paraît égale." André Suarès