Journal d'un indécis

- Mar Aoû 31, 2010 6:40 pm #98898 Attendez un peu, je compte. CP, CEI, CE2, CM1, CM2, 6ème, 5ème, 4ème, 3ème, seconde, première, terminale, deux ans de prépa, deux ans d’école supérieure. Seize ans de leçons durement apprises, répétées, recrachées, une prédilection pour les auteurs complexés (sans pour autant être complexes), et un talent indéniable pour les démonstrations à base de Montrons que, c'est-à-dire, or, donc, cqfd, ferons probablement de ce journal un nouveau labyrinthe de phrases bien trop ampoulées pour être honnêtes.

Ingénieur-stagiaire donc, à l’étranger.

Ici les femmes cachent leurs épaules, leurs cheveux sombres dans des draps éclatants, et révèlent leurs ventres dorés.

Mais je préfère les blondes.

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[size=150]Journal d’un indécis.[/size][/color]


Mon boulot, c’est de faire des choix pour les autres. 22 ans, simple stagiaire, responsable d’un bureau, et d’une équipe d’ouvriers, je sais faire des choix rapides, réfléchis, en situation périlleuse (physiquement. Je ne parle pas de péril financier ou de guerre informatique). Trancher dans le lard.

C’est pourquoi, pourvu de ces formidables capacités, hier encore, je n’ai pas su l’embrasser. Pas de péril pourtant. Une situation on ne peut plus confortable, si ce n’est qu’elle n’était pas loin de fracasser ses lèvres sur les miennes, provocant des dommages irréparables sur mes muqueuses buccales.

Lorsque j’étais en prépa, on nous demandait d’écrire des dissertations sur des sujets aussi variés que la couleur de la moustache de Don Quichotte ou des dessous de Châteaubriant. Après des pages recouvertes d’une écriture agréable qui invoquait à loisir Nietzsche, Aaron et le dernier Woody Allen, je me retrouvais toujours face à une impasse. Cette putain de conclusion. Des centaines de lignes pour charmer le lecteur. Des milliers de symboles pour le convaincre. Le tout dans les règles de l’art. Si ce n’est qu’au final, je me voyais incapable de lui asséner cette conclusion brutale qui, définitivement, le déciderait à porter cette copie au 7ème ciel.

Alors quoi ?
Rencontre, badinage, mise en confiance, connexion, projection, rendez-vous, déstabilisation, escalade verbale et tactile.
L’entendre, en début de soirée, relancer au moindre blanc, avec des questions de plus en plus personnelles.
La voir essayer d’exploser toutes les barrières posées : «Je t’interdis de m’embrasser » « Pour éviter toute tentation, tu devrais commander des ognons (l’un des plats traditionnels du coin) ». «Hmm, finalement, tu as vu, je n’ai pas pris d’ognons ».
La sentir m’empoigner la boutonnière de ma chemise : « your shirt is nice, you look good ».

Si c’était la première fois… mais c’est la troisième en quatre mois, avec trois filles différentes. Et pour reprendre l’un des leitmotivs du site (il me semble) : « plus jamais ça ».

- Mer Sep 01, 2010 7:36 am #98920 « Je n’exige pas d’un gentleman qu’il connaisse et maîtrise son latin. Il me suffit qu’il l’ait su un jour ». Inconnu.

Dans son autobiographie, John Stuart Mill explique comment son éducation a modelé sa manière de penser : jusqu’à 14 ou 15 ans, il a étudié l’Histoire, lus les grands classiques, appris le grec, puis le latin, touché à l’algèbre et découvert la logique.
Lors de ses promenades quotidiennes avec son père, il résumait ses lectures de la veille, puis discutait avec lui de leur signification et de leurs implications. Il a également été chargé, en tant qu’aîné, de l’éducation de ses jeunes sœurs. Plus tard, son père exigeait de lui de découvrir par lui-même ce que la leçon du jour était censé lui apprendre. Souvent sans succès d’ailleurs.

L’apprentissage intelligent forme l’esprit et l’éduque à réfléchir : cela fait deux ans que j’ai quitté ma prépa, et mes connaissances d’alors me paraissent bien vagues.
Pourtant, confronté à un nouveau problème, j’adopte toujours la même démarche. Je ne sais plus faire autrement : Quels sont les objectifs que je souhaite atteindre ? Quel est le résultat attendu (visualisation du résultat) ? Comment vais-je obtenir ce résultat ? (brainstorming) Puis organisation, et enfin action.

Du lycée ou de mes années d’école, je n’ai pas retiré de bénéfices durables. Je lisais mon cours, et me présentait à l’examen, c’était suffisant.
En prépa, je suivais les cours, rentrais chez moi, prenais une feuille blanche et tentait de le restituer. Souvent sans succès d’ailleurs. Puis j’en lisais les grandes lignes, en discutais avec des amis. Et à nouveau, je sortais une nouvelle feuille blanche et tentait de retrouver par moi-même l’intégralité du cours.

Ce n’est pas une révolution, l’apprentissage actif, via le partage et la réflexion est la manière la plus efficace d’apprendre. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ouvre ce journal. Pour partager, mes lectures, mes expériences, faire l’effort de les résumer et de les analyser et en discutant découvrir les aspects qui m’auraient échappés. Parce qu’ici, on dispose d’une montagne de connaissances intéressantes. Mais je me contente de les lire, et de me présenter à l’examen. Et ça n’est pas suffisant.

- Ven Sep 03, 2010 6:11 pm #99078 [size=150][color=red]Amandine[/color][/size]


Amandine est une petite brune aux yeux rieurs, aux pommettes saillantes, au corps souple et bronzé. J’aime la voir rire, j’aime être près d’elle, la prendre par la main, entouré par son parfum sucré.

Amandine a 7 ans, j’en avais 8.

Nous n’avons jamais échangé un baiser.

Une fois que la cloche avait sonné, à 16h15, signant la fin de la journée, je courrais chez moi, où m’attendais un chocolat fumant, que je m’empressais d’avaler avant de rejoindre mes meilleurs copains, construire de formidables forteresses dans les forêts voisines.

Nous étions plusieurs petits groupes. Chaque groupe avait choisit un bosquet, et nous n’étions séparés que de quelques haies et de quelques champs. Nous avions construit dans le notre une grande cabane, pavée de pierres provenant de la carrière voisine. Nous y avions adjoint 3 postes avancés, perchés dans les arbres, à la lisière du bosquet. Nous les avions reliés de chemins soigneusement tracés, en partie pavés, pour pouvoir aller plus rapidement d’un point à l’autre de la forêt. Chemins que nous avions truffés de pièges, des trous profonds d’un demi-mètre, creusés laborieusement, munis d’une armature de branchages légers sur laquelle reposait quelques pierres afin de les dissimuler.

[img]http://blog.msa-autrement.fr/public/.la_guerre_des_boutons_1961_reference_m.jpg[/img]

Nous avions collecté un arsenal impressionnant. Plusieurs centaines de marrons.

Le marron est un fruit fascinant. Une fois ramassé, il fallait tout d’abord l'extraire de sa bogue. Opération délicate.

Le bon marron, c'est celui de fin septembre/début octobre, lorsque la forêt commence à jaunir. Pas encore suffisamment mûr, il possède une armure redoutable, particulièrement piquante et difficile à enlever. Nos doigts se frottaient à ces épines, et nous nous irritions bientôt de ces piqûres incessantes. Nos ongles s’enfonçaient dans l’écorce du fruit, l’armure commençait à s’ouvrir. Vite, agrandir la brèche, abréger les griffures. Alors que nous étions extrêmement précautionneux au début de l’opération, nous nous précipitions à la fin, empoignant le fruit à pleines mains. Enfin ! La bogue était enlevée, le marron libéré !

Nous disposions d’une première arme de jet. Nous nous emparions de la bogue. A l’intérieur, la peau, d’une douceur inégalée, protégeant le fruit de son armure, se devait d’être extraite avec soin. Une peau déchirée est sans valeur et sa finesse la rend vulnérable à toute tentative trop audacieuse. Nous récupérions la bogue, qui serait probablement une alliée utile, une fois sèche, lors des combats au corps à corps. Et la peau était stockée au cœur de notre camp, trésor sacré et vénéré que nous ne pouvions venir caresser qu’à l’issue d’une dure journée de travail. Murs, armes et trésors, nous étions prêts à l’assaut.

Après 16h15, je n’ai jamais pensé à Amandine.

Bien trop fiers du travail accomplis, chaque groupe restait des heures perché dans les arbres, épiant, scrutant les mouvements adverses. Mais aucun n’est jamais sorti attaquer l’ennemi. Nous étions là, attendant impatiemment le siège que nous aurions à tenir, nous réjouissant d’avance de nos trucs, de nos astuces, qui à coup sûr, tromperait l’envahisseur et nous assurerait une glorieuse victoire. Nous élaborions plans, stratégies, reposant sur une suite infinie de « Et si ».

Modifié en dernier par Woodward le Ven Sep 03, 2010 6:26 pm, modifié 2 fois.

- Ven Sep 03, 2010 6:22 pm #99081 Le combat attendu n’a jamais eu lieu.

Un jour, un bruit pétaradant a retenti. Une armada de mobylettes est apparue. En sont descendus six jeunes, plus grands, plus forts, plus rapides. Ils avaient des bières et ils sont entrés dans notre bosquet. Nous nous sommes retranchés dans l’un de nos postes avancés. Ils ont bu leurs bières, les éclatant ensuite sur le sol pavé de notre camp de base, ruinant irrémédiablement le travail de toute une année. Maigre satisfaction, l’un d’entre eux, titubant, trébucha dans l’une de nos fosses-trappes.

La guerre était finie. Peaux séchées, marrons pourries, forteresse violée.

Trois jours plus tard, après l’école, mon meilleur copain me demanda si j’étais amoureux d’Amandine. Il l’était aussi. Nous jurâmes un silence éternel.

Elle n’a jamais rien su. Ce fut ma première obsession amoureuse, et j’avais 9 ans.

- Ven Sep 03, 2010 7:17 pm #99087 Je me suis inscrit sur ce site en août 2007.

J’ai découvert une mine d’informations, et j’ai surtout fait des efforts au niveau look. J’ai continué à lire, beaucoup. J’ai parcouru quelques articles séduction, retenant surtout qu’il ne fallait pas avoir peur et sortir de sa zone de confort.

Je m’imaginais, engrangeant ainsi l’information, l’assimiler. Je me préparais au combat, qui aurait lieu un jour j’en étais sûr, et je disposerais alors des meilleures armes.

J’aurais pu attendre longtemps la princesse charmante, si elle n’était pas venue me chercher. Avril 2009, je tombe amoureux d’elle. Mes armes sont complètement inadaptées. Elle les détruit une à une, je suis confronté à quelque chose que je ne maîtrise pas.

Moi qui suis finalement si peu scolaire, qui aime toucher, construire, bricoler, je me suis contenté de connaissances livresques, sans analyse critique ni pratique, sans confrontation. J’étais une grande bibliothèque. Lorsqu’elle partageait ses idées, je consultais cette bibliothèque mentale, incapable d’avoir moi-même des idées.

Ca fait illusion, pas de doutes. Au fond, je crois que je me sentais idiot. Mais on m’avait pas prévenu, que c’était aussi fort que ça, cette envie d’envoyer une texto à deux heures du mat’, parce qu’elle ne m’avait pas répondu trois heures avant. Voir même de faire exprès de me tromper de destinataire, pour qu’elle m’envoie un message, m’appelle. Et puis ce look que je m’étais construit était complètement stupide.

J’ai complètement foiré cette relation. J’aurais pu la faire fonctionner, en laissant de côté mes problèmes d’ego. Mais l’image qu’elle me renvoyait de moi n’était ni l’image que j’avais de moi (celle-ci étant complètement déformée), ni l’image de ce que je voulais devenir. Alors j’ai travaillé dur pour changer. Physiquement, intellectuellement, socialement.

Elle s’est lassée, car finalement, je n’étais plus amoureux, mais dépendant d’elle en tant que miroir de moi-même. Je voulais qu’elle m’aime pour me conforter dans mon changement, gonfler mon amour propre, prendre confiance en moi, et accessoirement m’amuser un peu.

Comme toute dépendance, j’ai mis des mois à l’éradiquer.

Mais j’ai réellement vécu entre temps. J’ai fais des choses nouvelles, rencontré des personnes fort intéressantes. Tous ces livres que j’avais lus, quel gâchis ! Je voulais en donner une petite liste, quelques lignes plus haut, des plus marquants. Et bien, je n’ai rien retrouvé de vraiment « marquant ». Oui, il y avait des idées « sympas », et des passages « touchants ».

Rien de comparable au bouleversement qu’ont provoqué mes dernières lectures. En vrac, Belle du Seigneur, Mémoires d’une jeune fille rangée, Mémoires de Casanova, Le Rouge et le Noir.

J’avais vécu, réfléchit, souffert, et ces livres venaient à temps (écho à mon deuxième message sur ce topic).

Et niveau look...Soyons un peu plus léger ! 

Petit guide des erreurs du débutant.

1) On s’aperçoit que finalement, on n’est pas très bien habillé. Alors on va faire les courses. Et puis là, on achète en vrac un peu n’importe quoi. On commence par une chemise, extrêmement chère, et pas du tout « versatile » (cf. Guide du Style et de l’Elégance).
2) On s’aperçoit, au bout de quelques achats, que l’on fait n’importe quoi. Alors on planifie, on organise la suite de nos achats, par ordre d’importance.
3) On essaye alors de rattraper le coup, de voir quelles sont les pièces intéressantes, quelles idées on a pour notre look. « Tiens, je porterais bien un cuir ». On a plein d’idées, pas assez d’argent.
4) Finalement, on a fait plein d’achat, les vêtements s’accordent entre eux, mais pas avec nous (pour moi, la révélation eu lieu en mai 2009…)
5) Alors on essaye de visualiser ce à quoi on aimerait ressembler. Et on s’aperçoit qu’on a fait pas mal d’achats idiots, pas du tout cohérent avec nous même, et ce à quoi on voudrait ressembler.

Je vous laisse trouver la bonne démarche (indice : elle se trouve dans le deuxième message de mon sujet ).

- Mar Sep 14, 2010 12:13 pm #99562 [quote]Sigita: Oh yes I am. So I could come to your place. We could watch one movie on your laptop and drink some wine. Is it a good idea?

Bon, et bien là j'ai vraiment perdu le contrôle :p

- Ven Sep 24, 2010 5:27 pm #100066 10 days later.

C'est la première fois que je mets une fille dans mon lit. D'habitude, ce sont elles qui me mettent dans le leur. Pour la première fois, j'ai pris l'initiative, j'ai initié le contact physique, amorcé le baiser. Et c'est dingue, mais j'ai l'impression que c'est comme si je perdais enfin ma virginité :p

Aventure passagère, elle part demain, je reste ici pour encore un an.

Comme tous les vendredis soirs, je suis allé à la librairie du marché. Petite échoppe, bondée, livres s'empilant sur les étagères. Le système de rangement est assez amusant.

Tout en bas des rayons, les livres pour enfants. A mi hauteur, les polars, au niveau des yeux, les livres d'art et de sciences. Pour les classiques, les essais et la philosophie, il faut grimper à l'échelle, et une fois tout en haut, on domine l'échoppe, on a une vue imprenable sur le comptoir. Et sur la vendeuse (rassurez vous, elle a les épaules et les bras couverts, pas de vue plongeante sur son décolleté :p).

Peau délicieusement bronzée, grands yeux noirs, cheveux soyeux. Mais comme la plupart des femmes ici, austère. Pas un sourire, peu de mots.

J'ai trouvé mon bonheur: The Open Society and Its Enemy, K.Popper. Je redescends tant bien que mal de l'échelle, j'arrive au comptoir. Son visage s'illumine, ses yeux brillent, elle me dévoile un sourire éclatant. Puis détourne la tête, timidement, et commence à écrire avec application le nom de l'ouvrage sur la facture. Elle regarde sa collègue, qui se met à rire et lui dit quelques phrases en dialecte que je n'arrive pas à comprendre, et qui la font rougir.

Impossible de lui parler, la boutique est bondée, et disons que ce n'est pas dans les coutumes locales, et je n'ai pas envie de l'embarrasser. Et puis, elle est peut être mariée, elle a au moins 22 ou 23 ans.

J'hésite. Lui laisser ma carte de visite, vendredi prochain, avec un petit mot au dos?