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Modérateurs: animal, Léo

By Professor Shorthair
#137931 La première fois que j’ai vu Cass, je l’ai trouvée belle. Objectivement belle, presque mathématiquement belle. Aucune émotion particulière ne m’a traversé le corps lorsque je l’ai vu entrer dans la pièce, si ce n’est l’étonnement d’y trouver enfin une fille plutôt agréable à regarder. Tout chez elle semblait fin, et ses cheveux emprisonnés dans un minuscule chignon au-dessus de sa nuque lui donnaient un air strict et froid.

Pas étonnant que ma deuxième impression fut qu’elle avait un air ennuyeux. Parfois les premières impressions, ou devrais-je dire les deuxièmes sont les plus justes. Cette histoire a au moins eu le mérite de m’apprendre à m’y fier.

Le hasard, ou bien peut-être un début d’attirance un peu indifférente, fit que nous étions assis côtes-à-côtes. Ce soir, Cass ne resta pas longtemps. Cass ne supporte pas la fumée de cigarette, et elle a sûrement raison. Alors elle a quitté la pièce quand la fumée est arrivée. Au départ de Cass, pas plus d’émotion qu’à son arrivée. Et avec un recul de quelques semaines, je me rends compte que la conversation que nous avons eue ce soir-là avait quelques chose de prémonitoire. Un modèle réduit, une esquisse de ce qu’allait devenir notre rencontre.
By Professor Shorthair
#137956 Quand je l’ai revue, elle avait l’air plus belle. Plus belle au point que cette fois-ci j’en fus ému, et que je ne la reconnus pas. Cette fois-ci, ses cheveux étaient détachés. Bien qu’ils fussent d’une raideur rappelant, comme un avertissement, la platitude de notre première rencontre, elle avait l’air sauvage, et ça me plaisait terriblement. Sa nouvelle tenue me confirmait ce que l’ancienne ne m’avait que suggéré.

Notre discussion fut plus légère et plus cordiale, mais d’une trivialité affligeante. Et puis elle m’avait ému, et quand je suis ému, je ne suis plus moi-même. Cass est une amie de ma colocataire. En cette fin d’après-midi de samedi, elles cuisinaient toutes les deux. Moi je m’apprêtai à rejoindre des amis, dans un appartement tout proche. Comme nous en avons l’habitude, je proposai à Maria, ma colocataire, de me passer un coup de téléphone dans le cas où elles se retrouveraient avec pour seule perspective de soirée leurs assiettes respectives de tomate/mozzarella.

Ce qui finit heureusement par arriver. Quelques heures plus tard, elles nous rejoignaient dans le café où nous continuions notre soirée. Cass et moi étions séparés par quelques-uns de mes amis, et mis à part quelques légèretés, je n’eu pas beaucoup l’occasion de lui parler. Et pourtant l’envie m’en prenait de plus en plus souvent jusqu’à notre sorite du bar.

L’ivresse aidant, et pour une fois ce n’est pas moi qu’elle aidait, C’est à ce moment que Cass s’ouvra à moi. Nous étions en route pour prolonger la soirée dans mon appartement. Je n’avais rien fait d’autre que marcher à côté d’elle et relancer une discussion que j’avais eue avec elle sur ses origines campagnardes. J’étais moqueur, et elle le prenait bien, alors pourquoi ne pas continuer. Elle riait beaucoup, ce qui me surprit venant d’une personne que j’avais prise pour un glaçon sur patte. Nos épaules se touchaient, et elle continuait à rire, tout en essayant de s’en empêcher. Je crois que c’est à ce moment, à partir duquel j’ai commencé à voir en elle de l’intérêt pour ma personne, que j’ai commencé à me tendre un piège, un piège qui allait ensuite se construire et prendre de l’ampleur de lui-même pour ensuite m’exploser à la figure quelques semaines plus tard. C’est aussi à ce moment que je découvris que moi aussi je commençais à avoir de l’intérêt pour sa personne.

Comme n’importe quelle médaille, l’ivresse a son revers. C’est ce revers qui me gâcha ma première (et seule) danse avec Cass, et c’est lui aussi qui me l’enleva prématurément au cours de la soirée. Une fois partie, mes arrières-pensées et mes désirs s’estompèrent et devinrent des hypothèses, hypothèses qui elles aussi finirent par se perdre dans la nuit. Seul subsistait un souvenir : celui de sa voix et de son regard alors qu’elle me parlait dans sa langue natale. Je n’y comprenais pas grand-chose, mais je me sentais comme la première fois que j’avais vu ses cheveux détachés. Car Cass, en plus d’avoir des origines campagnardes, avait aussi des origines italiennes.

Le début d’une longue errance en Césarée… :wink:
By Professor Shorthair
#138106 Je croisai Cass le lendemain assise sur le canapé, les bras en croix comme pour se réchauffer et devant elle une tasse de thé qui refroidissait, puisqu’elle n’avait pas de bras, elle. Je lui demandai un comment elle se portait, un sourire au coin des lèvres. Elle me répondit par une moue suivie d’un sourire, puis bascula en soupirant sur le canapé, toujours les bras croisés. Elle, moi, sa tasse de thé et sa tasse de café, eûmes une discussion charmante, toujours taquine mais attendrie par le calme d’une maison qui semblait elle aussi avoir trop fêté la veille.

Je l’abandonnai à ses maux de tête et allai profiter de mon jour préféré de la semaine et du soleil qui baignait les rues.
Pas de prise de numéro, rien qui ne permettait de la revoir pour deux raisons, un peu contradictoires : mon intérêt pour elle n’était pas encore assez prononcé, ou alors une partie de moi ne l’assumait pas encore, et cependant, une autre partie de moi qui se savait franchement intéressée, se disait que je la reverrais sans peine, par le hasard des choses.
Et ce fut le cas. Encore à l’occasion d’une soirée sous mon toit. Cass était là, et avait encore radicalement changé. D’une fille froide, elle était passée à une fille brûlante. Ce soir elle était tiède. La belle robe qu’elle portait la distinguait des autres personnes présentes. Le climat de taquineries de notre précédente rencontre se réinstalla rapidement, teinté d’un peu de gêne, la gêne agréable des début de rendez-vous où chacun essaie de prendre ses marques et où l’on est un peu désemparés face à la multiplicité des possibles.

Tout au long de la soirée, nous nous séparions puis nous nous retrouvions, parfois j’allais la chercher, parfois c’est elle qui venait à moi. Je n’avais alors aucune peine à lui parler, à la faire sourire, à la titiller et à la toucher. Je ne sais plus comment, nous nous sommes retrouvés dans ma chambre, à discuter, au début avec un autre ami, puis seuls. Mais je n’arrivais pas à faire monter la mayonnaise. Ou peut-être que si, mais alors très lentement. Je lui demandai tout de même son numéro de téléphone, d’une manière à la fois anodine et en étant clair sur mes intentions de lui proposer un rendez-vous.

Son nom venait de se faire une place parmi ceux de mes autres amis en « C » dans mon répertoire, nous retournions au cœur de la fête comme si nous venions de nous découvrir une private-joke, tous les deux enorgueilli de voir que l’affaire était dans le sac (je le croyais en tous cas). En écrivant, je me rends compte que c’est cette légèreté, cette aisance que j’avais lors de nos premières rencontres, teintée d’un peu d’impertinence que j’ai ensuite perdu. Mais j’arrête ici le spoiler.

Aussi innocente qu’elle puisse paraître, cette prise de numéro allait changer la donne : c’en était fini du doux flirt sur le mode « on se croise en soirée, on joue un peu, et même Dieu ne sait pas ce qu’il va advenir de ce début d’histoire ». L’élément perturbateur en somme. Celui à partir duquel je fais cavalier seul, je lui propose un rencard, et nous n’avons plus le filet que peuvent être nos amis respectifs qui nous accompagnaient à chaque fois que je l’ai vue. Plus personne n’allait être là pour absorber mes écarts et amortir mes chutes. Les péripéties allaient commencer.
By john dilinger
#138234 J'aime la manière dont tu écris ce récit.

Autant un registre trop soutenu/pompeux me file des boutons et me fait imaginer un noble en collants et perruque derrière son clavier (avec le clavecin en fond sonore), autant ton registre me plait en ce qu'il raconte une histoire de manière calme, patiente bien que chargée d'une émotion latente.
C'est comme un ruisseau qui s'écoule.

===

Tu l'intéressais sans doute déjà beaucoup à la 2e soirée (elle avait une attitude plus "chaude" et venait parfois te chercher).
Dans un contexte où tu savais que tu allais la revoir régulièrement (amie de ta coloc), prendre son numéro était peut-être une mauvaise stratégie (sans être catastrophique). C'est obligatoire pour une inconnue que tu risques de ne pas revoir mais pas pour une amie d'ami.

Tu aurais pu, sans prendre son numéro, jouer avec elle, faire monter la tension à chaque nouvelle visite, jusqu'à ce qu'elle te demande de manière quasi-explicite de tenter quelque chose.

Exemple (où je m'inspire d'une expérience vécue) :
[quote]E : Je suis contente que Maria nous ait présenté (puis silence avec regard prolongé de sa part)
By Professor Shorthair
#138258 Content que ça t'ait plu.

[quote="john dilinger"]J'aime la manière dont tu écris ce récit.

Autant un registre trop soutenu/pompeux me file des boutons et me fait imaginer un noble en collants et perruque derrière son clavier (avec le clavecin en fond sonore)...

C'est ce que je craignais, d'autant plus que je n'avais pas envie de donner cette impression. En tous cas, je suis en train d'écrire la suite, et je vais faire un effort pour rendre le tout un peu plus digeste !
By john dilinger
#138261 [quote="Professor Shorthair"]Content que ça t'ait plu.

[quote="john dilinger"]J'aime la manière dont tu écris ce récit.

Autant un registre trop soutenu/pompeux me file des boutons et me fait imaginer un noble en collants et perruque derrière son clavier (avec le clavecin en fond sonore)...

C'est ce que je craignais, d'autant plus que je n'avais pas envie de donner cette impression. En tous cas, je suis en train d'écrire la suite, et je vais faire un effort pour rendre le tout un peu plus digeste !

Non, je viens de te dire que je trouvais justement que tu n'étais pas pompeux :D
By Professor Shorthair
#138262 [quote="john dilinger"]

Non, je viens de te dire que je trouvais justement que tu n'étais pas pompeux :D

Ah oui. Je relirais mieux les réponses la prochaine fois. Et de toutes façon, c'est tant mieux parce que je n'arrive pas à changer de style. :)

C’est dommage, mais j’ai une mémoire assez floue de la manière dont je lui ai proposé le fameux premier rencard. Je ne suis plus sûr du tout de l’ordre des évènements… Peu importe. J’étais parti passer un weekend à Gênes et je crois que je lui ai envoyé un message de ce genre :

« Salut Cass, je t’écris juste pour que tu aies mon numéros. Et au fait, je suis parti dans ton pays pour quelques jours ! Bon weekend »

Elle me répond quelques dizaines de minutes plus tard :

« Salut ! Passe le bonjour à mon pays de ma part, moi je suis à Paris et il pleut… »

Okay, tu as un don pour casser l’ambiance toi ! Avec le recul, je me dis que ce message n’était sûrement pas la meilleure idée que j’aie eue. Quelques jours après mon retour, en fin de semaine, je l’appelai pour lui proposer de boire un verre la semaine suivante. Au téléphone, elle avait l’air très détendue, et la (courte) conversation fut agréable. On devait se voir en début de semaine suivante, mardi je crois...

Vendredi soir, avant notre rendez-vous donc, je rentrais chez moi avec quelques amis. Ma collocataire avait elle aussi invité certains de ses amis, dont Cass, qui ne tarda pas à arriver. Cette situation m’a un peu mis mal à l’aise. Je ne m’attendais pas à la revoir avant mardi. J’ai quand même réussi à camoufler tout ça, et nous continuions à flirter gentiment. Nous nous sommes séparés avant minuit, moi continuant ma soirée avec mes amis, et elle avec les siens. Et puis mardi arriva…
Elle m’avait déjà averti de sa tendance au retard, mais là, ça faisait vraiment long. Vingt minutes que je l’attendais. Une fois de plus, quand elle est arrivée, je ne l’ai pas reconnue. A mon grand désespoir, elle avait encore attaché ses cheveux, ce qui lui tirait son visage en arrière et lui donnait cet air froid qui m’inquiétait. Mais bon, elle était plutôt souriante et une autre jolie robe compensait les défauts de sa coiffure.

Le rendez-vous ne s’est pas trop mal passé. Pas de temps morts, on a beaucoup échangé sur nos vies respectives, beaucoup rit, et on s’est parfois un peu chamaillés. Mais comme à mon habitude, je peinais à mettre un peu plus de piment dans tout ça et à donner une tournure un peu plus sensuelle à la conversation. Si bien que le soufflé a fini par retomber, après deux bistrots différents pour trois heures de rendez-vous (trop ?). En sortant du dernier bar, nous avons marché quelques minutes sans but, en continuant de discuter. Nous discussion plus lentement, mais cette lenteur n’était pas le fait de la lassitude. Nous marchions plus lentement aussi, et on s’effleurait régulièrement.

Puis nous sommes arrivé en bas de chez moi. Je ne lui ai pas proposé de monter, je ne l’ai pas non plus embrassé. Je lui demandai juste si elle n’allait pas avoir trop de mal à rentrer chez elle. Nous étions à dix pas de ma porte. Elle me répond que non, en se serrant dans ses bras, comme ce matin où je l’avais bue sur mon canapé au lendemain de notre première rencontre. Nous nous faisons la bise, toujours lentement, et je me mets à marcher vers ma porte, et elle, elle marche avec moi. Et nous continuons de parler. Et c’est là que ma raison prends le dessus sur mes émotions, pile au moment où il ne faut pas… Je me sens complètement désarçonné, et je commence à me demander ce que je dois faire. C’est dans les moments où l’on se pose le plus de question qu’il y en a le moins à se poser. Foutu manque d’initiative et foutue paralysie, me voilà benêt à la regarder me sourire et à lui lâcher le fameux « bon, bah salut », caractéristique de ces moments bizarres où l’on n’agit pas comme l’on devrait.
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By Yannick
#138265 En effet, tu as raté une belle occasion, elle n'attendait que çà.
Une fille qui repousse toujours un peu plus la fin du rendez-vous et te regarde, silencieuse, en te souriant... il faut y voir un énorme panneau "Vas-y coco, plaque moi contre le mur" :mrgreen:
La prochaine fois que tu ressens cette espèce de gêne, caractéristique d'une tension sexuelle mutuelle, ne te pose pas de questions, et fonce :wink:
By Professor Shorthair
#138495 Le samedi suivant, je pendais ma crémaillère (la pauvre…). J’avais dit à mes deux collocataires que tous leurs amis étaient bienvenus, et pensait de fait que Cass serait prévenu et qu’elle viendrait. Je l’ai appelée pour l’inviter personnellement, et j’ai sûrement bien fait, parce que personne ne l’avait informée. Elle travaillait exceptionnellement et me dit qu’elle arriverait tard. La soirée se déroulait à merveille. Tout le monde semblait en bonne forme et les contacts se nouaient naturellement entre toutes les personnes présentes, même si chacun venait d’horizons bien différents.

Je m’amusais avec mes nouveaux camarades de soirée quand l’interphone retentit. C’était Cass. Comme c’était son habitude, elle son arrivée fut surprenante. Déjà, il était tard, et je ne l’attendais (presque) plus. Et puis il y avait encore ses cheveux. Ils étaient attachés, mais d’une manière qui me semblait extrêmement complexe à cette heure tardive. Et encore une de ses robes, mais est-ce que j’avais vraiment besoin de le préciser… Tout cela la rendait belle, et je crois que de toutes les fois où je l’ai vue, c’est ce soir-là qu’elle était la plus attirante. Sexy, mais tout en finesse. Encore un dernier détail qui m’a fait sourire : elle était la seule à ne pas avoir amené à boire. Elle était venue avec une boîte remplie de pâtisseries.

A partir de son arrivée, j’ai passé une bonne partie de mon temps avec elle, à l’écart. Je m’en allais de temps en temps, boire un verre, et rejoindre mes amis. Et puis je me suis encore retrouvé seul avec elle. Nous avons vite reprit notre petit flirt. Tout allait comme sur des roulettes. Jusqu’à ce qu’un des types avec qui j’avais sympathisé avant déboule au milieu de notre conversation. Je continuais à la taquiner, et elle continuait à répondre positivement. Mais Said, le type en question, était lui aussi passé à l’offensive. Et il n’y allait pas avec le dos de la cuillère. Mais même s’il n’était pas toujours très fin, il était plutôt doué dans son genre. C’était de bonne guerre. On rebondissait chacun sur les remarques de l’autre, ce qui faisait monter la sauce assez rapidement. Elle semblait plutôt bien réagir à ses avances, et j’avoue avoir parfois eu peur de perdre la partie. Mais bizarrement, la présence de ce concurrent était plutôt stimulante.

A un moment, Said se coupe au milieu d’une phrase pour la complimenter sur ses yeux (quand je vous disais qu’il n’était pas toujours très fin) en lui décrivant toutes les couleurs qu’ils contenaient. Je me tourne vers lui, le complimentant sur son sens de l’observation, puis feignant de ne jamais l’avoir remarqué, je me tourne vers Cass l’air curieux : « fais voir ? ». Nous sommes restés plantés comme ça à nous regarder droit dans les yeux pendant une dizaine de seconde. Puis Said est parti. Je me rappelle que la conversation est devenue plus douce après ce moment. On se regardait du coin de l’œil, on se touchait beaucoup… mais vous commencez à connaître la chanson.

Puis Said est revenu. Je décidai de m’absenter quelques instants. Quelque chose me donnait une grande confiance en moi. Quelque chose qui me disait, « c’est bon, c’est gagné, je ne risque rien ». Je suis revenu quelques minutes plus tard, Said était encore là, et toujours au travail. Je me souviens qu’il lui parlait de quelque chose qui touchait à son apparence, comme ses cheveux ou la couleur de sa peau. Elle a tout de suite sollicité mon avis sur la question. Et nous avons repris le jeu. Mais cette fois, Cass était résolument tournée vers moi. Said à finit par partir. Je me souviens que nous nous éloignons de plus en plus des autres, et nous nous sommes retrouvés dans une derrière une sorte de chicane qui nous cachait des regards, juste à côté de la porte de ma chambre. Et puis nous ne sommes plus rien dit. Je l’ai regardée, j’ai détourné mon regard quelques secondes, puis l’ai regardée à nouveau en souriant. Elle s’est avancée, je me suis avancé, et elle s’est littéralement jetée sur moi. Ses baisers étaient comme elle ce soir-là : chargés d’érotisme, mais en retenue. Elle fit quelques pas en arrière en esquissant un sourire un espiègle.

Je recroisai Said quelque minutes plus tard. Il me prit par l’épaule et me demanda d’une simplicité désarmante : « ça va ? » accompagné d’un des sourires les plus francs qu’on m’ait adressé. Je lui rendis son sourire. Ouai, ça va plutôt bien !
By Professor Shorthair
#139361 Two-blade knife

Découvrir sa chambre ou comment faire retomber le soufflé en quelques secondes. Au deuxième étage d’un triste immeuble des années 80, un sol en plastique, et des stores en plastiques aussi, fermés. C’est pas vraiment ce que je m’imaginais. Mais le pire, ça reste tous ces petits détails. Des petits détails qui donnent l’impression qu’elle traine encore laborieusement son enfance et son adolescence avec elle.

Quelques heures auparavant, j’étais chez moi et m’apprêtai à avaler une omelette, j’ai jamais très faim avant les rencards. C’est là qu’elle m’a appelé.

« Je crois que je vais encore être en retard, je commence à peine à me préparer à manger.

-Tu en as pour combien de temps ?

-Au moins trois quarts d’heure, tu veux passer manger un morceau avant de sortir?

D’accord.

Bon, je mange une demie-omelette histoire de pouvoir honorer sa cuisine, je suis pas pressé. Je sors la bouteille de blanc du frigo, et direction le guet-apens. Je sonne chez elle, elle me fait monter et m’ouvre la porte. Et là, c’est la première fois qu’elle me déçoit. Elle n’est pas aussi belle que les autres fois. Elle n’a visiblement pas fait d’effort pour s’habiller : elle porte un jean quelconque et un débardeur blanc, quelconque lui aussi. Et ses cheveux sont attachés. Bien qu’elle soit très cordiale au moment de me faire entrer chez elle, j’ai l’impression qu’elle est devenue encore plus froide que lors de notre première rencontre.

Je me retrouve attablé en face d’elle, nous mangeons, buvons et bavardons un peu. Nous sommes tous les deux assez détendu et la conversation est fluide, tout se passait bien. La sensation de froideur laisse vite place à de la complicité et beaucoup de légèreté. Mais même si l’on rit beaucoup, qu’on se chamaille un peu, quelque chose me retient. Je n’arrive pas à la suivre dans tous ses jeux, certaines de ses opinions et de ses valeurs me déçoivent, même sa manière d’être me semble moins gracieuse. Deuxième déception donc.

Quoiqu’il en soit, une ou deux heures plus tard, après que nous ayons vidé la bouteille de vin, elle s’asseyait sur son lit et je l’y rejoignais. La conversation s’arrêta naturellement lorsque je l’embrassai. Et c’est allongés que nous avons commencé une conversation d’un autre genre. Le sexe donnait à Cass un autre visage. Elle se révélait plus sauvage, plus spontanée et plus ouverte. C’était une autre fille. Mais ce fut un changement de courte durée. Après quelques minutes allongés côte à côte à savourer notre montée d’endorphine, elle s’est levée, s’est enfermée dans la salle de bain et est revenue transformée : factuelle et distante. Je dois dormir, je suis crevée. Elle s’est couchée et a éteint la lumière. Sa petite transformation aurait dû me mettre la puce à l’oreille, et j’aurais peut-être dû me barrer. A la place je suis resté et j’ai très mal dormis. Je la quittais après le traditionnel café du lendemain matin. Tout enorgueillis par la nuit passée avec elle, je m’en allais chez moi le pas léger et un sourire béat au bout des lèvres. Je n’allais pas le garder longtemps, ce sourire.

Une leçon pour s’inventer un mirage

J’ai continué à voir Cass pendant un peu plus d’un mois. Nous nous voyions environ une fois par semaine, toujours à mon initiative. C’est après notre première nuit ensemble que les choses ont commencées à tourner au vinaigre. C’est dingue comme on tombe facilement dans le piège de l’excès de confiance qui suit cette première nuit. Ça ne se passe rarement mal, on pense avoir atteint le nec plus ultra de la connexion, et on se dit que le reste devrait suivre sans trop de problème. J’ai essayé de ne pas tomber dedans, parce que je le voyais venir. Mais même en me répétant « t’emballe-pas, vas-y doucement », je me suis fait avoir comme un bleu.

Pas une obsession amoureuse, non. C’était différent. Je commençais à me projeter avec elle, à m’imaginer en couple, les après-midi au parc et tout le toutim… Je ne pensais pas à elle, je fantasmais une relation. C’est vrai qu’elle était belle, bien sapée, une fille en soirée m’avait dit qu’on allait bien ensemble… bref, j’aurais été fière de la présenter à mes potes. Du moins au début. Parce qu’au bout de deux/trois semaines, chaque fois que je la voyais, c’était comme un premier rencard : l’impression de voir une inconnue. La même gêne, qui est justifiée au début, s’installait à certains de nos rencards. J’avais l’impression de ramer toute la soirée pour arriver à un minimum de jeu et de confort. Mais c’était peine perdue. Je parlais à un mur. Elle de son côté se contentait de bailler et de se plaindre.

Je me disais chaque semaine que je ne l’appellerais pas, que ça ne valait pas le coup. Je croyais même réussir à abandonner mon petit fantasme de relation. Pourtant, à chaque fois je me disais que je ne pouvais pas partir sans essayer encore une fois. Je m’acharnais en me disant : « on va bien finir par accrocher, je vais enfin réussir à être à l’aise, à la trouver, cette satanée connexion ! ». Mais rien à faire, ça ne marchait pas et la même petite chanson recommençait chaque semaine.

Vint notre dernier rendez-vous. Peut-être le pire de tous. Je faisais tout pour essayer de faire monter la sauce. Une fois mon chargeur vide, résigné, je me sentais bizarrement libéré. Bon, on pourra pas dire que j’ai pas essayé. A partir de ce moment, je me foutais un peu de ce qu’elle pouvait penser. Je partais pour un long voyage la semaine suivante, et je l’ai raccompagnée pour passer une dernière nuit avec elle, en me disant déjà que sa saveur ne serait plus la même. Dans un moment de long silence embarrassant (j’avais totalement abandonné, toute mes tentatives pour relancer l’affaire s’écrasant sur le mur de son indifférence), elle m’a regardé et m’a demandé :

« Ça va ? »

J’ai vu l’anguille sous la roche, je lui répondis avec un sourire ironique et une fausse naïveté :

« Ouais, ça va, et toi ? »

Ses bras étaient croisés et elle me dit, gênée :

-C’est juste que… je me posais des questions sur la nature de notre relation…

Ah tiens, je ne suis pas tout seul alors. Je lui répondis d’une manière évasive sans trop me mouiller que les choses me convenaient telles qu’elles étaient, qu’on ne voyait pas encore très souvent, mais que je ne me fermais aucune porte pour la suite…

-Moi, quand on me demande si j’ai un copain, je réponds : « non ».

Okay. Merci, en une phrase j’ai compris à quel point je n’étais pas lucide et ce que voulait vraiment dire « projeter son intérêt sur quelqu’un ». J’ai choisis de changer de cap et d’aller plutôt dans son sens :

-De toute façon, je m’en vais dans une semaine je ne sais pas si je vais rester ici ensuite, et toi non plus.

Je n’ai pas voulu passer la nuit avec elle ce soir-là.

Epilogue

A mon retour, elle m’a recontacté, par un simple sms :

« Hello ! Comment ça va ? Bien rentré de ton voyage ? »

Elle devait sûrement s’ennuyer ferme. J’avais perdu tout mon répertoire après un malheureux vol de téléphone. Je ne savais pas que c’était elle. Je ne répondis pas. Quelques jours plus tard, je réalisais que ça ne pouvait être qu’elle (elle me le confirmera ensuite). Il était trop tard pour répondre, ou disons plutôt que ça me donnait un excellent prétexte pour ne pas lui répondre. Je ne voulais pas avoir la faiblesse de la revoir.

Nous nous sommes tout de même recroisés il y a quelques jours, par la force des choses. Je n’arrive vraiment pas à me contrôler : rétrospectivement, je me dis que cette histoire est d’une banalité affligeante, et qu’il ne s’est rien passé d’extraordinaire. Et pourtant, quand j’ai revue Cass, le mirage est instantanément réapparu : je l’ai revue lors de notre première rencontre, je l’ai revue attirante et soupirante. Mais maintenant j’ai marché assez longtemps pour que le mirage disparaisse.