- Mar Fév 16, 2010 10:31 pm
#90573
Nous étions quatre jeunes filles.
Chaque année, nous nous retrouvions pour des vacances en famille, dans de grandes maisons nichées au cœur de la forêt. Un été, nous avions décidé de jouer aux princesses. Et voilà quatre gamines, pas plus de douze ou treize ans, occupées à s'écrire des lettres émaillées de "votre altesse" et à se confectionner d'improbables falbalas. Trouvant les princesses sympathiques, mais un peu limitées en termes de possibilités, nous sommes passées ensuite aux sorcières. C'était à qui créerait la mixture la plus infecte, de malheureuses petites sœurs passant par là faisant office de cobayes.
Sorcières ou princesses : la dichotomie tient presque du lieu commun.
A l'époque, pour les pré-adolescentes que nous étions, c'était pourtant bien innocent.
Jeux d'enfants encore, alors que nous nous apprêtions à quitter le seuil des âges paisibles.
Quelques années plus tard, nous nous retrouvions, rêvant cette fois de nos futurs prétendants. Ces rêves étaient encore fortement conditionnels, en partie bridés par un environnement assez traditionnel. L'une l'imaginait blond, l'autre, diplomate, le voyait plutôt brun, évitant ainsi d'hypothétiques futures rivalités . L'une s'inquiétait, à 17 ans, de ne point voir encore de prince charmant à l'horizon, l'autre déplorait le peu de caractère des quelques malheureux qui avaient osé l'approcher (et pour cause, elle avait, elle, un de ces caractères!)
A l'époque, le continent masculin était pour moi une sorte de magma très flou. Faute de frères et de congénères masculins proches, je n'avais pas grand chose de concret sur lequel me baser en dehors du paternel, un homme sérieux, que j'admirais mais qui me semblait alors assez austère.
Aujourd'hui, près de quinze ans ont passé. Chacune de ces jeunes filles est devenue femme. Toutes, nous avons suivi nos routes.
L'une est désormais mariée, mère de trois enfants.
L'autre s'est également mariée et attend son premier enfant.
La troisième, c'est moi. Disons que j'ai emprunté une trajectoire sentimentale un peu différente (doux euphémisme).
La dernière, je l'ai appris ce week-end, vient de se donner la mort.
Je suis encore en état de choc.
Poser par écrit ces quelques souvenirs qui me restent de nos années communes, tel était mon premier souhait. Peut-être que cela peut sembler un peu hors-sujet, mais pourtant dans ces souvenirs, il y a en filigrane la construction de quatre femmes, amies, proches et pourtant tout sauf semblables.
En écrivant cela, je me rend compte de manière aiguë que pour moi, c'est le moment d'un bilan.
Je redémarre un journal. Cette fois, il ne sera pas centré sur mes expériences récentes. Je vais plutôt me concentrer sur le passé.
Regarder d'où je vient, voir où il faut agir pour être enfin celle que je veux, et non celle(s) que les autres aiment que je sois.
Chaque année, nous nous retrouvions pour des vacances en famille, dans de grandes maisons nichées au cœur de la forêt. Un été, nous avions décidé de jouer aux princesses. Et voilà quatre gamines, pas plus de douze ou treize ans, occupées à s'écrire des lettres émaillées de "votre altesse" et à se confectionner d'improbables falbalas. Trouvant les princesses sympathiques, mais un peu limitées en termes de possibilités, nous sommes passées ensuite aux sorcières. C'était à qui créerait la mixture la plus infecte, de malheureuses petites sœurs passant par là faisant office de cobayes.
Sorcières ou princesses : la dichotomie tient presque du lieu commun.
A l'époque, pour les pré-adolescentes que nous étions, c'était pourtant bien innocent.
Jeux d'enfants encore, alors que nous nous apprêtions à quitter le seuil des âges paisibles.
Quelques années plus tard, nous nous retrouvions, rêvant cette fois de nos futurs prétendants. Ces rêves étaient encore fortement conditionnels, en partie bridés par un environnement assez traditionnel. L'une l'imaginait blond, l'autre, diplomate, le voyait plutôt brun, évitant ainsi d'hypothétiques futures rivalités . L'une s'inquiétait, à 17 ans, de ne point voir encore de prince charmant à l'horizon, l'autre déplorait le peu de caractère des quelques malheureux qui avaient osé l'approcher (et pour cause, elle avait, elle, un de ces caractères!)
A l'époque, le continent masculin était pour moi une sorte de magma très flou. Faute de frères et de congénères masculins proches, je n'avais pas grand chose de concret sur lequel me baser en dehors du paternel, un homme sérieux, que j'admirais mais qui me semblait alors assez austère.
Aujourd'hui, près de quinze ans ont passé. Chacune de ces jeunes filles est devenue femme. Toutes, nous avons suivi nos routes.
L'une est désormais mariée, mère de trois enfants.
L'autre s'est également mariée et attend son premier enfant.
La troisième, c'est moi. Disons que j'ai emprunté une trajectoire sentimentale un peu différente (doux euphémisme).
La dernière, je l'ai appris ce week-end, vient de se donner la mort.
Je suis encore en état de choc.
Poser par écrit ces quelques souvenirs qui me restent de nos années communes, tel était mon premier souhait. Peut-être que cela peut sembler un peu hors-sujet, mais pourtant dans ces souvenirs, il y a en filigrane la construction de quatre femmes, amies, proches et pourtant tout sauf semblables.
En écrivant cela, je me rend compte de manière aiguë que pour moi, c'est le moment d'un bilan.
Je redémarre un journal. Cette fois, il ne sera pas centré sur mes expériences récentes. Je vais plutôt me concentrer sur le passé.
Regarder d'où je vient, voir où il faut agir pour être enfin celle que je veux, et non celle(s) que les autres aiment que je sois.