- Lun Sep 12, 2011 3:37 pm
#112998
Il y a entre sémiologie et sémiotique la même différence qu’entre poésie et poétique.
L’un des termes désignant la discipline, même si celle-ci déborde la seule discipline pour s’immiscer dans tous les instants de la vie, tandis que l’autre se réfère précisément à ces instants.
On peut donc être sémioticien sans être sémiologue, avec tout ce que cela implique de liberté. Et cela justement me permet de vous faire part de cette réflexion.
Mais avant toute chose, qu’est-ce que la sémiologie ? Il s’agit de la «science des signes», une discipline qui a trouvé son essor il n’y a pas si longtemps que ça, avec des personnalités connues, Roland Barthes, Umberto Ecco, et d’autres moins connues. Je vais ici beaucoup simplifier.
On s’attache principalement à étudier l’articulation entre un signifiant et un signifié. Et dans notre cas, vous commencez à le comprendre, le signifiant, c’est vous, et les signifiés, sont multiples et dépendent de la situation. Vous signifiez quelque chose à chaque instant et selon des signes extérieurs (beaucoup). Vous êtes une image en perpétuelle mutation.
Maintenant, reste à savoir si, pendant que le temps s’écoule (fondamental) amenant avec lui tout ce qui vous passe dessus ou vous effleure, vous êtes capables, non pas de contrôler totalement l’image, mais au moins de la diriger.
N'y a-t-il pas un monde entre :
Une fille passait par là et vit une dame dire au jeune homme qui se trouvait à côté d'elle :
"Tiens, celle-ci, elle serait parfaite pour toi."
Le garçon la regarda dans les yeux et ne dit rien.
Une fille passait par là et vit une dame dire au jeune homme qui se trouvait à côté d'elle :
"Tiens, celle-ci, elle serait parfaite pour toi."
"Mais enfin ! Tais-toi, elle risque de t'entendre !"
Prenons en guise de premier exemple, quelque chose qui est à priori toujours déconseillé ici.
Mettons qu’il s’agit d’un garçon que l’on peut qualifier de beau, et il le sait. Par un heureux hasard, il a décidé en grandissant de ne pas s’arrêter là, et est en plus charmant et doté de ce sourire qui fait tout pardonner.
Un jour, apercevant une ravissante jeune fille, très pressée et ne portant que peu d’attention, il décide de faire acte qui s’avérera être un bel acte. Il lui dit sa pensée.
« Vous êtes très ravissante. »
« Heu, merci… »
Ici, chacun peut y aller de son pronostic, mais (tout en prenant en compte le beau sourire du jeune garçon), la fille repart avec une idée plus ou moins nette de celui-ci : avec tout ce que cela comporte de vague, que l’inconscient chargé de normes sociales se chargera de combler. Bref, quel qu’il soit, signifié il y’a.
Sauf que – ne l’oublions pas, ce temps qui passe – d’autres signes vont venir s’y ajouter.
Quelques jours plus tard, la belle apprend, par une de ces nouvelles amies (oui, elle vient d’emménager), que le type en question est une célébrité locale de la télé, musique, on s’en fout. Et toutes les filles lui courent après.
La suite vous la connaissez : Ah, il est célèbre ? Donc, il pourrait avoir à peu près n’importe quelle nana. Il n’a pourtant pas essayé d’avoir mon numéro. Mais il m’a quand même bien dit ce qu’il a dit. Il voulait donc simplement me le dire. Oh merdre ! Il m’a vraiment trouvé jolie !
Non, attendez… cet exemple n’est pas si bon que ça (tenez, là vous vous dîtes que j’écris ce texte de manière vraiment spontanée). Il y a trop de conflits d’intérêts dès qu’il y a célébrité.
Prenons-en un autre.
Un étudiant en architecture. Il est brillant et très sensible. Et le jour où il entendit pour la première fois son professeur qu’il admire prononcer le mot de poésie attachée à l’architecture, ce fut pour lui le commencement d’une recherche du sens des choses. Infatigable et passionné, il détient de jours en jours plus de trésors qui lui permettront peut-être enfin de pouvoir donner.
Une fois mûr (deux-trois ans plus tard), il tombe sur le dernier article du professeur, dans lequel il sentit la même critique et la même verve qu’autrefois, avec un petit désespoir en plus. Quelqu’un doit reprendre le flambeau, trop de fatigue !
Il décide de lui écrire ces mots : « Bel article, cher professeur, mais je ne vous connaissais pas cette fatigue-là. Ne vous inquiétez pas, je suis là maintenant. »
Le professeur, son incrédulité et sa fierté, bien-sûr, n’en croiront rien. Et 5 ans, 7 ans passeront sans que qu’ils ne se revoient. Puis un jour, paraît le livre qui va tout changer.
« C’est peut-être quelque chose qui s’élèvera au niveau d’un Goethe et qui révolutionnera. Un Werther qui va pousser le moutons à faire de l’architecture » lui dit un de ces amis et vieux collègues.
Lorsqu’il apprend qui en est l’auteur, tout se replace. « Il en avait la légitimité, il avait raison. »
Et ils vécurent heureux et arrosèrent cette histoire de beaucoup de vin !
Dans cette histoire, la fin était déjà au début. Et peut-être que le temps long et touchant de ce qu’il a séparé et projeté vers la mort deux êtres pourra d’autant plus les rapprocher. Pour être l’Image, pour que le temps joue avec vous, il faut Incarner.
« Ce fantôme qui court devant toi, mon frère, ce fantôme est plus beau que toi ; pourquoi ne lui prêtes-tu pas ta chair et tes os ? » (Ainsi parlait Zarathoustra, Nietzsche)
L’un des termes désignant la discipline, même si celle-ci déborde la seule discipline pour s’immiscer dans tous les instants de la vie, tandis que l’autre se réfère précisément à ces instants.
On peut donc être sémioticien sans être sémiologue, avec tout ce que cela implique de liberté. Et cela justement me permet de vous faire part de cette réflexion.
Mais avant toute chose, qu’est-ce que la sémiologie ? Il s’agit de la «science des signes», une discipline qui a trouvé son essor il n’y a pas si longtemps que ça, avec des personnalités connues, Roland Barthes, Umberto Ecco, et d’autres moins connues. Je vais ici beaucoup simplifier.
On s’attache principalement à étudier l’articulation entre un signifiant et un signifié. Et dans notre cas, vous commencez à le comprendre, le signifiant, c’est vous, et les signifiés, sont multiples et dépendent de la situation. Vous signifiez quelque chose à chaque instant et selon des signes extérieurs (beaucoup). Vous êtes une image en perpétuelle mutation.
Maintenant, reste à savoir si, pendant que le temps s’écoule (fondamental) amenant avec lui tout ce qui vous passe dessus ou vous effleure, vous êtes capables, non pas de contrôler totalement l’image, mais au moins de la diriger.
N'y a-t-il pas un monde entre :
Une fille passait par là et vit une dame dire au jeune homme qui se trouvait à côté d'elle :
"Tiens, celle-ci, elle serait parfaite pour toi."
Le garçon la regarda dans les yeux et ne dit rien.
Une fille passait par là et vit une dame dire au jeune homme qui se trouvait à côté d'elle :
"Tiens, celle-ci, elle serait parfaite pour toi."
"Mais enfin ! Tais-toi, elle risque de t'entendre !"
Prenons en guise de premier exemple, quelque chose qui est à priori toujours déconseillé ici.
Mettons qu’il s’agit d’un garçon que l’on peut qualifier de beau, et il le sait. Par un heureux hasard, il a décidé en grandissant de ne pas s’arrêter là, et est en plus charmant et doté de ce sourire qui fait tout pardonner.
Un jour, apercevant une ravissante jeune fille, très pressée et ne portant que peu d’attention, il décide de faire acte qui s’avérera être un bel acte. Il lui dit sa pensée.
« Vous êtes très ravissante. »
« Heu, merci… »
Ici, chacun peut y aller de son pronostic, mais (tout en prenant en compte le beau sourire du jeune garçon), la fille repart avec une idée plus ou moins nette de celui-ci : avec tout ce que cela comporte de vague, que l’inconscient chargé de normes sociales se chargera de combler. Bref, quel qu’il soit, signifié il y’a.
Sauf que – ne l’oublions pas, ce temps qui passe – d’autres signes vont venir s’y ajouter.
Quelques jours plus tard, la belle apprend, par une de ces nouvelles amies (oui, elle vient d’emménager), que le type en question est une célébrité locale de la télé, musique, on s’en fout. Et toutes les filles lui courent après.
La suite vous la connaissez : Ah, il est célèbre ? Donc, il pourrait avoir à peu près n’importe quelle nana. Il n’a pourtant pas essayé d’avoir mon numéro. Mais il m’a quand même bien dit ce qu’il a dit. Il voulait donc simplement me le dire. Oh merdre ! Il m’a vraiment trouvé jolie !
Non, attendez… cet exemple n’est pas si bon que ça (tenez, là vous vous dîtes que j’écris ce texte de manière vraiment spontanée). Il y a trop de conflits d’intérêts dès qu’il y a célébrité.
Prenons-en un autre.
Un étudiant en architecture. Il est brillant et très sensible. Et le jour où il entendit pour la première fois son professeur qu’il admire prononcer le mot de poésie attachée à l’architecture, ce fut pour lui le commencement d’une recherche du sens des choses. Infatigable et passionné, il détient de jours en jours plus de trésors qui lui permettront peut-être enfin de pouvoir donner.
Une fois mûr (deux-trois ans plus tard), il tombe sur le dernier article du professeur, dans lequel il sentit la même critique et la même verve qu’autrefois, avec un petit désespoir en plus. Quelqu’un doit reprendre le flambeau, trop de fatigue !
Il décide de lui écrire ces mots : « Bel article, cher professeur, mais je ne vous connaissais pas cette fatigue-là. Ne vous inquiétez pas, je suis là maintenant. »
Le professeur, son incrédulité et sa fierté, bien-sûr, n’en croiront rien. Et 5 ans, 7 ans passeront sans que qu’ils ne se revoient. Puis un jour, paraît le livre qui va tout changer.
« C’est peut-être quelque chose qui s’élèvera au niveau d’un Goethe et qui révolutionnera. Un Werther qui va pousser le moutons à faire de l’architecture » lui dit un de ces amis et vieux collègues.
Lorsqu’il apprend qui en est l’auteur, tout se replace. « Il en avait la légitimité, il avait raison. »
Et ils vécurent heureux et arrosèrent cette histoire de beaucoup de vin !
Dans cette histoire, la fin était déjà au début. Et peut-être que le temps long et touchant de ce qu’il a séparé et projeté vers la mort deux êtres pourra d’autant plus les rapprocher. Pour être l’Image, pour que le temps joue avec vous, il faut Incarner.
« Ce fantôme qui court devant toi, mon frère, ce fantôme est plus beau que toi ; pourquoi ne lui prêtes-tu pas ta chair et tes os ? » (Ainsi parlait Zarathoustra, Nietzsche)