- Dim Fév 03, 2008 8:16 pm
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Epaule roulée, le terme technique qui m'échappait et qui est en partie la marque de fabrique de Smalto.
Et tant qu'à faire, ma source de l'époque :
[quote="[url=http://www.letemps.ch/template/print.asp?article=155962]Le Temps[/url]"]Pourquoi faut-il préférer les costumes italiens aux anglais? Le couturier Francesco Smalto possède de solides arguments qu'il déploie au 2, rue de Bassano – sous plusieurs mètres
de plafond. Rencontre.
Lorsqu'on arrive devant le 2, rue de Bassano à Paris, le fief de Francesco Smalto, on se doute que la porte va s'ouvrir sur un autre monde. Mais lequel? Alors on fait semblant de rien devant cet escalier de pierre monumental, ces meubles de style achetés chez Drouot, ces salons immenses aux plafonds si hauts que l'on se sent une Alice minuscule au pays des Merveilles. Bienvenue dans le monde où les costumes transforment les hommes qui les portent, les amincissent, les allongent, leur donnent une allure qu'ils n'ont pas. Une magie qui a un prix: celui de la haute couture masculine.
Pour nous guider dans ces lieux, Francesco Smalto en personne. Même si le couturier italien a vendu sa maison en 2002 à Alain Duménil (groupe Alliance Designers) et confié la création à Franck Boclet, il garde encore un œil sur la couture. Il arrive un peu en retard, partira un peu en avance, mais avec tant de charme...
On attend de lui une réponse définitive à cette question essentielle: «Costume italien ou anglais?» «Italien!» répond-il. On s'en doutait un peu. Mais il lui faut tout de même étayer sa réponse. «Cela tient à la culture des deux pays. L'Italien, c'est une évolution constante, il est plus expressif, il recherche le changement, la souplesse. Il vit! Il ne va pas se sacrifier pour son costume. Tandis que l'Anglais est plus structuré. Il est resté sur ses positions et porte le vêtement qui va avec.» Que répondre à cela? L'espace d'un instant, on se prend à imaginer l'archétype du «costume genevois» si celui-ci avait réussi à se faire une place au soleil de la mode, ce qu'à Dieu ne plaise...
Francesco Smalto regarde du haut de sa petite taille (que l'on remarque à peine tant son costume lui sied) une table immense où sont étalés les tissus les plus soyeux, les plus doux, les plus fins qui soient. La main est aimantée par ce lainage léger comme un nuage. «Il est tissé exprès pour moi en Angleterre», précise le couturier. Ce tissu en escorial, la fibre lainière la plus fine du monde, provient de chez Holland & Sherry, célèbre maison anglaise et pas rancunière. «Tenez, touchez... Ce smoking est un contre-sens, mais c'est le plus léger du monde», dit-il en soupesant une veste en crêpe de Chine docile qui ne pèse guère plus que quelques plumes. Il en est l'inventeur. Tout comme il a inventé ces poches intérieures secrètes en forme de goutte d'eau, sa signature, pour y glisser discrètement billets et cartes et débarrasser les hommes de leurs affreux portefeuilles qui déforment tout.
L'œil vagabonde discrètement tout autour de la pièce, attiré par une poignée de mannequins portant des costumes vintage, dont un hallucinant smoking au plastron en breitschwanz. Une folie qui date de 1968: à peine six ans après l'ouverture de la maison Smalto. Ces tenues évoquent une autre époque; celle où Francesco Smalto glissait des orchidées à la boutonnière – comme Marcel Proust – et osait lancer l'imper et les cuissardes en vinyle ivoire pour homme. Il signait les costumes de scène de Claude François, comme ceux de Jean-Paul Belmondo. Impossible d'oublier le costume à rayures fines et l'œillet rouge à la boutonnière de L'Affaire Stavisky. S'il évoque le bonheur qu'il avait d'habiller Belmondo – «il avait une très belle silhouette!» – le couturier ne dévoilera pas l'identité de ses clients actuels. Mais il confie volontiers que certains lui commandent 20 à 50 costumes (à 6000 euros pièce en moyenne) – «ils ont plusieurs maisons et ont besoin de plusieurs garde-robes» – et qu'il les aide parfois à se découvrir des envies, lorsqu'ils ne savent plus quoi désirer.
On le suit sans chuter dans l'escalier étroit qui mène au sous-sol: les ateliers du sur-mesure où s'affairent une cinquantaine de virtuoses qui connaissent leur métier au bout des doigts... Ici se taillent, se cousent au point invisible, se brodent plusieurs costumes par semaine (environ 1700 par an) dont chacun réclame 70 heures de travail. «Et il n'y a qu'un seul essayage!» souligne Francesco Smalto. Les collections couture comportent dix modèles par saison. Mais il arrive aussi, chose rare dans le métier, qu'un client désire que l'on mette à ses mesures un modèle de la collection prêt-à-porter créée par Franck Boclet. Il faut dire que le directeur artistique a très bien assimilé les leçons de son maître et peaufine les détails.
C'est d'ailleurs dans les détails, essentiels, que l'on reconnaît la silhouette Smalto: la fameuse épaule roulée, l'emmanchure peu profonde mais large, les revers avec leur cran taillé haut, les parmentures en un seul morceau, les boutonnières milanaises, le troisième bouton dans l'alignement de la poche passepoilée... «Je sais reconnaître la véritable élégance. C'est une question de proportions, d'équilibre, une allure», confie le couturier. Des mesures quasi mathématiques qu'il a intégrées, un peu comme un dessinateur. Lorsqu'on lui demande qui, à ses yeux, est le moins bien vêtu des hommes, il évoque notamment cet homme politique français petit (par la taille) qui porte des costumes trop grands pour lui. Il a l'élégance de ne pas divulguer son nom. «Sarkozy?», lui demande-t-on. Le couturier ne répond pas, enfin, pas verbalement. Mais il a l'œil qui frise. On sent qu'il ne rechignerait pas à lui tailler un costume. «Le sur-mesure, c'est prendre en compte la morphologie d'une personne et en masquer les défauts... Je fais un peu le même travail qu'un chirurgien esthétique», ajoute-t-il en souriant. C'est dans les défis que Francesco Smalto se sent le plus fort. Donner de l'allure à quelqu'un qui n'en a pas, amincir un ventripotent, redresser les fatigués, donner un peu de grandeur à un nain de jardin. «Habiller un homme bien bâti, c'est extrêmement facile, dit-il, mais rendre élégant un homme mal fichu, là ça devient passionnant!»