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By wednesday
#52366 [size=200]... je suis libre ![/size]

Phrase de Nikos Kazantzaki autour de laquelle il a bâti son oeuvre. Les plus connues, La dernière tentation du christ, La liberté ou la mort, et enfin Alexis Zorba, la seul que j'aie lue, et celui dont je vais vous parler aujourd'hui.

[img]http://boutique.info-grece.com/images/Kazantzaki_N/2266128744_f.jpg[/img]

Avant de vous faire un bref résumé accompagné de quelques citations, je vous préciserai que c'est un auteur grec, et que par ce fait, certaines tournures traduites transforment le style original de l'auteur, elles sont plutôt bien traduites en français, le style est clair et agréable, mais quelques passages peuvent résulter pesants (exceptionnellement cela m'a un peu fait penser à la vf des anime). Une autre précision importante, ce livre, même si présenté sous forme d'un roman, s'approche plutôt d'un compte philosophique. Il y a une part assez importante des critiques qui ne sont pas allés au délà de l'aspect "histoire", alors quasiment tout le texte est constitué d'aphorismes déguisés.

Enfin, maintenant que nous avons vu ce qui pourrait vous rebuter, parlons maintenant de toute la merveille de ce texte.

[img]http://rcofw2.free.fr/blogger/crete1.jpg[/img]

Imaginez-vous en Crète, dans un village retiré, un port, un café, une poignée de maisons.

Prenez un auteur résolument nietzschéen,
Prenez un narrateur, entrepreneur, écrivain à ses heures perdues. Souvent abandonné à des réflexions philosophiques sur le sens de la vie, la beauté du monde, la valeur des choses. Assez intellectuel, mais aussi travailleur, il dirige une mine de lignite.
Faites-lui rencontrer Alexis Zorba, homme déjà âgé, qui a traversé le monde, les époques aussi. Libertin sur les bords, amoureux du monde et spontané, il le court à l'aveugle, librement, sans aucune contrainte, avec pour seul but, être heureux.

Vous obtiendrez un hymne à la liberté, une magnifique éloge d'un bonheur présent, mais aussi un appel à l'action. Notre narrateur apprendra à reconnaître le [url=http://fr.wikipedia.org/wiki/Kairos]Kairos[/url] et à l'arrêter. Et tout cela, à mille lieux d'un romantisme dépressif associé traditionnellement au thème.

[quote]"Je sortis de la galerie et descendis vers la mer. J'ouvris le livre que je tenais. J'avais faim, j'oubliai ma faim. « C'est aussi une mine, que la méditation, pensai-je... Allons ! » et je me plongeai dans les grandes galleries du cerveau.
Un livre inquiétant sur les montagnes couvertes de neige de Thibet, les mystérieux monastères, les moines silencieux avec leurs robes jaunes, qui, concentrant leur volonté, obligent l'éther à prendre la forme de leurs désirs.
De hauts commets, un air peuplé d'esprits. Le vain bourdonnement du monde ne parvient pas là haut. Le grand ascète emmène ses élèves, des garçons de seize à dix-huit ans, et les conduit à minuit jusqu'à un lac glacé de la montagne. Ils se déshabillent, brisent la glace, plongent leurs vêtements dans l'eau glacée, les réendossent et les laissent sécher sur leur peau. Ils les replongent, les font sécher de nouveau, cela sept fois. Après quoi ils reviennent au monastère pour l'office du matin.
Ils montent sur un sommet, à cinq, six mille mètres d'altitude. Ils s'assoient tranquillement, respirent profondément, régulièrement, le torse nu et ils n'ont pas frois. Ils tiennent un gobelet d'eau glacée entre leurs paumes, le regardent, se concentrent, projettent leur force sur l'eau glacée et l'eau bout. Puis ils préparent leur thé.
Le grand ascète rassemble autour de lui ses élèves et leur dit :
« Malheur à celui qui n'a pas en lui la source du bonheur !
« Malheur à celui qui veut plaire aux autres !
« Malheur à celui qui ne sent pas que cette vie et l'autre ne font qu'un ! »

Le monde est tellement grand mais nous n'en profitons pas

[quote]Je pris un autre chemin et me mis à descendre vers la côte.
De temps en temps passaient au-dessus de moi des souffles chauds et des parfums venus de jardins proches. La terre embaumait, la mer riait, le ciel était bleu, brillant comme de l'acier.
L'hiver nous ratatine le corps et l'âme, mais voici venir la chaleur qui nous dilate la poitrine. Comme j'avançais, j'entendis soudain de rauques croassements dans les airs, Je levai la tête et vis le merveilleux spectacle qui toujours depuis mon enfance m'a bouleversé : les grues, rangées comme une armée en ordre de bataille, revenant des pays chauds et, comme le veut la légende, portant des hirondelles sur leurs ailes et dans les creux profonds de leurs corps osseux.
Le rythme infaillible de l'armée, la roue tournante du monde, les quatre faces de la terre, qui l'une après l'autre, sont éclairées par le soleil, la vie qui s'en va, tout cela me remplit de nouveau d'un trouble oppressant. De nouveau retentissait en moi, avec le cri des grues, le terrible avertissement que cette vie était unique pour l'homme, qu'il n'y en a pas d'autre et que tout ce dont on peut jouir, c'est ici qu'on en jouira. Il ne nous sera donné, dans l'éternité, aucune autre chance.
Un esprit qui entend cet avis impitoyable - et en même temps si plein de pitié - prend la décision de vaincre ses mesquineries et ses faiblesses, de vaincre la paresse, les grandes espérances vaines et de s'accrocher, tout entier, à chacune des secondes qui fuient à jamais.
De grands exemples remontent dans la mémoire et on voit clairement qu'on n'est qu'un homme perdu, que la vie s'épuise en petites joies, en petites peines et en propos futiles. On a envie de s'écrier « Quelle honte » en se mordant les lèvres"


Déjà tout avoir

[quote]-Le cœur de l'homme souffre quand il pleut, dit Zorba, il ne faut pas lui en vouloir !
Il se baissa au pied d'une haie et cueillit les premiers narcisses sauvages. Il les regarda un long moment, sans pouvoir s'en rassasier, comme s'il voyait des narcisses pour la première fois ; il les respira en fermant les yeux, soupira et me les donna.
-Si on savait, patron, dit-il, ce que disent les pierres, les fleurs, la pluie! Peut être bien qu'elles appellent, qu'elles nous appellent, et que nous, on n'entend pas. Quand est-ce que les oreilles des gens s'ouvriront ? Quand est-ce qu'on aura les yeux ouverts pour voir ? Quand est-ce qu'on ouvrira les bras pour s'embrasser tous, les pierres, les fleurs, la pluie, les hommes ? Qu'est ce que tu en dis, toi, patron ? Et tes bouquins, qu'est ce qu'ils disent ?

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