- Lun Juin 26, 2017 11:16 am
#182616
[size=150]La fille au piano[/size]
J'ai toujours vu la séduction comme une partie d'échec. Ou comme un assaut d'escrime qui ne finirait jamais. Chacun des adversaires cherche à maîtriser la distance qui le sépare de l'autre tout en cachant son jeu ; le premier qui le montre trop rapidement perd la partie. De la même manière, attendre que l'autre prenne l'initiative revient à ne pouvoir qu'espérer qu'il agisse comme on le voudrait.
Je me suis pris le premier râteau de ma vie en décembre dernier. J'attendais un train en bouquinant (l'Élégant de Simonin) quand j'ai entendu un morceau joué sur un des pianos installé Gare de Lyon. Le fait que ce ne soit pas un énième morceau de Tiersen ou un massacre de La Lettre à Élise a piqué ma curiosité et m'a fait lever les yeux sur la personne en train de jouer.
C'était une fille à la peau laiteuse, ses cheveux blond tirant sur le châtain attachés en tresse lui tombaient sur les épaules et semblaient chatouiller sa peau là où elle n'était pas couverte par sa chemise. Quelques tâches de rousseur constellaient ses pommettes et son nez légèrement retroussé. L'assurance avec laquelle elle jouait ainsi que la manière qu'elle avait de se mordre la lèvre inférieure lorsque le piano criait une note désaccordée dégageait quelque chose d'unique, comme un instant de poésie en flottement.
Lorsque je l'ai entendu débuter Gewitter de Burgmueller, j'ai eu la certitude qu'il fallait que que je fasse quelque chose, que j'aille lui parler, que je trouve un moyen de la revoir. C'était un désir qui était bien plus que physique, c'était le besoin de partager un instant de vie avec elle, de la connaître.
J'ai nonchalamment refermé mon livre et ramassé mon 48h tout en me forçant à arrêter de penser pour ne pas laisser la tension monter en moi.
J'ai attendu qu'elle finisse son morceau et j'ai engagé la conversation comme suit :
[quote]
Moi : Bonjour, je m'appelle William
Elle (tournant la tête) : Bonjour ?
Moi : Voilà, j'ai mon train dans 5 minutes et... Je ne sais pas, je vous écoutais et il y a quelque chose dans votre jeu qui m'a touché.
Elle : Merci.
Moi : Et puis cette habitude de vous mordre les lèvres quand vous vous concentrez... Moi j'avais tendance à tirer la langue inconsciemment quand j'étais petit.
Elle : Ahaha c'est parce que j'ai commencé le piano à 5 ans et je n'ai pas réussi à me débarrasser de ce réflexe.
Moi : Vous avez appris au conservatoire ?
Elle : C'est mon père qui est prof là-bas qui m'a tout appris. Et toi tu fais du piano ?
Moi : Faisais, j'ai arrêté quand j'ai commencé médecine. Mais je joues encore quand je vais chez des amis qui ont un piano.
Elle : Moi je ne peux pas jouer devant des gens que je connais, je me sens jugée, alors que dans une gare ou je ne connais personne ça ne me gêne pas
** tum ta ta tala "Le tgv n°1234 à destination de Marseille Saint-Charles va entrer en gare voie 2" **
Moi : Ah ça c'est mon train. Je vais y aller mais j'aimerais vous revoir, continuer cette conversation.
Elle : (me fixe en silence pendant 5 secondes, puis : ) Désolé mais... j'ai un copain.
Moi : Ah.
Elle : Oui désolée. Mais...
Moi : Mais ?
Elle : Non j'hésitais à vous donner mon numéro mais je sais qu'il n'apprécierait pas
Moi : ...
Elle : Non désolé, ça vaut mieux comme ça.
Moi : Ce n'est pas grave je comprends. Il faut que je file, bonne journée !
C'était la première fois de ma vie que j'abordais une fille avec l'envie que ça aille plus loin. J'aurais peut être pu obtenir son numéro au forceps, mais j'étais pressé et j'appréciais suffisamment son intégrité pour ne pas avoir envie de tenter de la dévoyer.
J'ai toujours vu la séduction comme une partie d'échec. Ou comme un assaut d'escrime qui ne finirait jamais. Chacun des adversaires cherche à maîtriser la distance qui le sépare de l'autre tout en cachant son jeu ; le premier qui le montre trop rapidement perd la partie. De la même manière, attendre que l'autre prenne l'initiative revient à ne pouvoir qu'espérer qu'il agisse comme on le voudrait.
Je me suis pris le premier râteau de ma vie en décembre dernier. J'attendais un train en bouquinant (l'Élégant de Simonin) quand j'ai entendu un morceau joué sur un des pianos installé Gare de Lyon. Le fait que ce ne soit pas un énième morceau de Tiersen ou un massacre de La Lettre à Élise a piqué ma curiosité et m'a fait lever les yeux sur la personne en train de jouer.
C'était une fille à la peau laiteuse, ses cheveux blond tirant sur le châtain attachés en tresse lui tombaient sur les épaules et semblaient chatouiller sa peau là où elle n'était pas couverte par sa chemise. Quelques tâches de rousseur constellaient ses pommettes et son nez légèrement retroussé. L'assurance avec laquelle elle jouait ainsi que la manière qu'elle avait de se mordre la lèvre inférieure lorsque le piano criait une note désaccordée dégageait quelque chose d'unique, comme un instant de poésie en flottement.
Lorsque je l'ai entendu débuter Gewitter de Burgmueller, j'ai eu la certitude qu'il fallait que que je fasse quelque chose, que j'aille lui parler, que je trouve un moyen de la revoir. C'était un désir qui était bien plus que physique, c'était le besoin de partager un instant de vie avec elle, de la connaître.
J'ai nonchalamment refermé mon livre et ramassé mon 48h tout en me forçant à arrêter de penser pour ne pas laisser la tension monter en moi.
J'ai attendu qu'elle finisse son morceau et j'ai engagé la conversation comme suit :
[quote]
Moi : Bonjour, je m'appelle William
Elle (tournant la tête) : Bonjour ?
Moi : Voilà, j'ai mon train dans 5 minutes et... Je ne sais pas, je vous écoutais et il y a quelque chose dans votre jeu qui m'a touché.
Elle : Merci.
Moi : Et puis cette habitude de vous mordre les lèvres quand vous vous concentrez... Moi j'avais tendance à tirer la langue inconsciemment quand j'étais petit.
Elle : Ahaha c'est parce que j'ai commencé le piano à 5 ans et je n'ai pas réussi à me débarrasser de ce réflexe.
Moi : Vous avez appris au conservatoire ?
Elle : C'est mon père qui est prof là-bas qui m'a tout appris. Et toi tu fais du piano ?
Moi : Faisais, j'ai arrêté quand j'ai commencé médecine. Mais je joues encore quand je vais chez des amis qui ont un piano.
Elle : Moi je ne peux pas jouer devant des gens que je connais, je me sens jugée, alors que dans une gare ou je ne connais personne ça ne me gêne pas
** tum ta ta tala "Le tgv n°1234 à destination de Marseille Saint-Charles va entrer en gare voie 2" **
Moi : Ah ça c'est mon train. Je vais y aller mais j'aimerais vous revoir, continuer cette conversation.
Elle : (me fixe en silence pendant 5 secondes, puis : ) Désolé mais... j'ai un copain.
Moi : Ah.
Elle : Oui désolée. Mais...
Moi : Mais ?
Elle : Non j'hésitais à vous donner mon numéro mais je sais qu'il n'apprécierait pas
Moi : ...
Elle : Non désolé, ça vaut mieux comme ça.
Moi : Ce n'est pas grave je comprends. Il faut que je file, bonne journée !
C'était la première fois de ma vie que j'abordais une fille avec l'envie que ça aille plus loin. J'aurais peut être pu obtenir son numéro au forceps, mais j'étais pressé et j'appréciais suffisamment son intégrité pour ne pas avoir envie de tenter de la dévoyer.