- Lun Déc 29, 2008 5:30 pm
#65395
Il n'y a pas qu'un nihilisme. Il te faut distinguer entre le nihilisme
politique (celui de Kirilov dans
Les Possédés de Dostoïevski), qui prône la destruction systématique des institutions étatiques, et le nihilisme
moral d'un Nietzsche, qui revient au constat de la mort de Dieu, autrement dit de la disparition des valeurs fondatrices de l'Occident - disparition qui doit cependant déboucher sur une refondation de la morale, libérée cette fois du joug du christianisme.
On pourrait aussi parler d'un nihilisme métaphysique ou religieux, voué à dénoncer comme une aberration le fait que quelque chose existe plutôt que rien et appelant à la conflagration universelle, mais je ne crois pas que ce soit le plus intéressant : le courant manque un peu d'actualité, et ceux qui s'en réclament aujourd'hui sont le plus souvent des guignols boutonneux qui voudraient bien que le monde finisse avant d'avoir à vivre en adultes.
J'en reviens aux deux précédents.
Le nihilisme politique s'exprimait au tournant du XXème siècle sous la forme des fameux "attentats anarchistes", dirigés contre les emblèmes et les grandes figures d'un capitalisme encore jeune ; plus tard il y aura Action directe, les FAR, etc., qui relèvent manifestement de la même idéologie. Aujourd'hui c'est l'affaire Coupat qui ressuscite dans l'opinion publique la peur ambiguë de l'activiste politique, qui use de violence contre un système vécu par beaucoup comme une source d'oppression. L'idée est simple : tout est pourri, donc détruisons tout, et rebâtissons autre chose à la place. En ce sens, du nihilisme à l'anarchisme et à la pensée révolutionnaire, il n'y a qu'un pas.
Pour le nihilisme moral, c'est autrement plus nébuleux. Pour aller vite, tu vas retrouver des traces plus ou moins évidentes de cette attitude dans le Futurisme des années 20 (et par suite dans le fascisme et le nazisme qu'il a partiellement influencés), et sans doute aussi dans des courants contemporains comme le trans- et le posthumanisme. La ligne reste la même : il n'existe pas de loi morale dans l'absolu ; s'attacher à des conceptions obsolètes est un frein à l'évolution de l'espèce humaine, laquelle est à réinventer de bout en bout. De là la porosité entre genres, la fascination pour le clonage, l'intelligence artificielle, la cybernétique, la génétique des idées (la mémétique)...
Quant aux citations, c'est Bakounine pour le premier, Nietzsche pour le second, une bonne session google et un peu de patience (autrement il y a le "We are nihilists ! We believe in nothing !" des ex-membres du groupe Autobahn dans
The Big Lebowski, mais ça ne va pas faire ton affaire, hein.)