Avoir une vie stylée

Modérateurs: animal, Léo

By Ugo
#55386 Dans le lit d'un des nombreux hôtels où ils faisaient l'amour, Sabina jouait avec les bras de Franz: "C'est incroyable, ce que tu es musclé!"
Ces louanges faisaient plaisir à Franz. Il se leva du lit, saisit une lourde chaise de chêne par le pied, au ras du sol, et entreprit de la soulever lentement. En même temps, il disait à Sabina:
"Tu n'as rien à craindre, je pourrais te défendre en toutes circonstances, j'ai été champion de judo dans le temps."
Il réussit à dresser le bras à la verticale sans lâcher la chaise et Sabina lui dit: "ça fait du bien de te savoir si fort!"
Mais, tout au fond d'elle-même, elle ajouta encore ceci: Franz est fort, mais sa force est uniquement tournée vers l'extérieur. Avec les gens avec qui il vit, avec ceux qu'il aime, il est faible. La faiblesse de Franz s'appelle la bonté. Franz ne donnerai jamais d'ordres à Sabina. Il ne lui commanderait jamais comme Thomas autrefois, de poser le miroir par terre et d'aller et venir dessus toute nue. Non qu'il manque de sensualité, mais il n'a pas la force de commander. Il est des choses qu'on ne peut accomplir que par la violence. L'amour physique est impossible sans violence."

[...]

Elle dit: "Et pourquoi ne te sers-tu pas de ta force contre moi, de temps en temps?
- Parce qu'aimer c'est renoncer à la force", dit Franz doucement.
Sabina comprit deux choses: premièrement que cette phrase était belle et vraie. Deuxièmement qu'avec cette phrase Franz venait de se disqualifier dans sa vie érotique.
[...]

Evidemment, elle savait que sa résolution était le comble de l'injustice, que Franz était le meilleur de tous les hommes qu'elle avait jamais connus, qu'il était intelligent, qu'il comprenait ses tableaux, qu'il était bon, honnête, beau, mais [...]

Elle l'aima, cette nuit-là, avec plus de fougue que jamais auparavant, excitée à l'idée que c'était la dernière fois. Elle l'aimait et elle était déjà ailleurs, loin d'ici. [...]
Franz sanglotait sur son corps et il était sûr de tout comprendre: pendant le dîner, Sabina avait été silencieuse et ne lui avait rien dit de ce qu'elle pensait de sa décision, mais maintenant, elle lui répondait. Elle lui manifestait sa joie, sa passion, son consentement, son désir de vivre pour toujours avec lui.

[...]

Après son cours de l'après-midi, il alla directement chez Sabina depuis l'université. Il comptait lui demander de le laisser passer la nuit chez elle. Il sonna mais personne n'ouvrit. Il alla attendre au café d'en face, les yeux braqués sur l'entrée de l'immeuble.

[...]

Le lendemain, il retourna sonner toute la journée à la porte de Sabina. Toujours en vain.



Je ne saurais que vous conseiller de lire le reste de ce chef d'oeuvre, L'insoutenable légéreté de l'être., empli de subtilité, saturé d'esthétisme, truffé de péripéties incisives et tellement réalistes.
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By dikal
#55390 Merci!
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By Haze
#57947 Kendura est un auteur fantastique.
Mais bizarrement, seules les premières pages de son livre, L'Insoutenable Légèreté m'ont plu.
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By C&dric
#82299 Qui a lu "Une rencontre", dernier essai paru ?