- Mar Mai 15, 2012 4:19 pm
#122139
Pour ceux que ça intéresse, j'écris cette partie en écoutant [url=http://www.youtube.com/watch?v=Ip_S_OvdbL8]le premier disque de The Complete 1961 Village Vanguard Recordings de Coltrane[/url].
[size=150]I Ensoleillement [/size]
Je ne suis pas sorti pour aborder. Je n’en ai ni envie, ni besoin, ayant plusieurs parties en cours par ailleurs. Ma tenue printanière, sans marque ostentatoire (sneakers chocolat, bermuda baggy en jean brut, t-shirt rouge profond, pull marron), sans comporter de faute de goût, n’est pas spécialement élégante. Une tenue décontractée pour une ballade décontractée dans Paris.
Est-ce le fait de flâner dans une sorte de musée à ciel ouvert qui fait remonter en moi des souvenirs d’abordages toscans ? Plus le temps passe, plus le fait de croiser des filles m’amène à me dire "tout de même, ça serait bien que je fasse deux ou trois essais". Cependant, j’ai bien conscience de partir avec un léger handicap : ce t-shirt qui, s’il met ma carrure en avant, fait presque négligé, pire, ordinaire. Mon pull m’habille bien mieux mais le soleil est de sortie et suer à grosses gouttes n’est sexy que dans les pubs pour sodas. Il sera donc plié sur mon avant-bras à la manière d’une veste.
[size=150]II Echauffement[/size]
Je sèche une première fois vers Daumesnil : c’est la sortie de l’école, je croise des foules pluriethniques de collégiens en jogging, des mères qui vont chercher leur progéniture… J’ai soudain le sentiment que c’est une heure à éviter pour aborder, tant elle concentre des jeunes mamans fort jolies mais fort mariées, et, surtout, fort accompagnées de leur mini-moi. Soudain, entre deux lycéennes et trois poussettes, je vois une femme, magnifique, seule (sans enfant, quoi) et bien habillée. En fait, elle tranche tellement avec l’environnement que je me mets un moment à intégrer le fait qu’elle est réelle, et réellement abordable. Nous nous croisons, nous regardons, je me retourne, j’hésite, et plus j’hésite plus la distance à parcourir en trottinant pour la rattraper me semble source d’étrangeté sociale : elle m’a regardé, elle aura donc une vague idée de quand on s’est croisé et va sentir un étrange temps de latence entre le regard et l’abordage.
Second bégaiement sur le viaduc des Arts, je croise une gigantesque brune, ce qui éveille mon intérêt (je suis moi-même grand) bien qu’elle soit habillée de manière ordinaire. Nous nous regardons mais un petit gnome se dandine à trois mètres derrière elle. Encore dans la frame [cadre mental] "c’est la sortie des écoles", je me fige sur place et me retourne pour observer sa démarche (à la fille, pas au gnome, bande de fous!) avant de comprendre, trop tard, que le gnome en question appartient à une autre dame. Je pourrais trottiner, sortir ma routine directe (et sincère) mais là aussi j’hésite, et plus j’hésite…
Autre ratage au Jardin des Plantes (elle est belle, jeune, élégante mais décontractée, pourquoi je ne le l’aborde pas ? POURQUOI ?). Suivi d’un autre rue Linné, où je trouve la fille charmante avec son trench marron clair qui fait écho à sa chevelure. De loin elle est souriante du visage (vous voyez l’idée ? elle dégage de bonnes vibes en gros) nous nous croisons, elle me regarde, je la regarde et perçois quelques défauts cutanés. Rien de bien méchant, et puis il a eu échange de regard, elle a une bonne attitude, j’adore la couleur de son manteau – vous savez, cette couleur qui se multiplie actuellement sur les pantalons des hipsters – mais tout de même ces quelques boutons me désamorcent : par flemme, comme un prétexte, mais aussi parce que j’ai envie de tenter du haut de gamme. C’est peut-être incongru compte tenu de ma tenue, mais j’ai déjà dans mes partenaires de jeu une fille superbe, et j’essaye d’augmenter mes standards avec l’idée : plus la femme sera belle, plus beau sera le progrès.
Ultime inaction rue des Ecoles, avec toujours ce départ : fille qui se démarque des autres, échanges de regard puis désenchantement. Pourtant, nous nous sommes retournés en même temps... Je sais ce que vous allez me dire, mais au second regard, sa robe à fleur me semblait un peu ancestrale, et m’évoquait en plus celle d’une petite irlandaise qui n’a pas donné suite au 1er RDV. Et puis elle n'avait pas l'air très heureuse... Prétexte ? Exigence ?
[size=150]III Engagement[/size]
Bon, là je sens que si je ne fais rien je vais m’en vouloir. Ok, je suis sapé comme un mec qui revient du sport, et alors ? OK, j’ai des affaires sur le feu, et alors ? Rien ne m’oblige à rappeler celle dont je prendrai le numéro.
Voici venir une fille que certains qualifieront de jolie. Hauteur correcte sans être grande, silhouette losange ou bouteille, je ne me rappelle que de ses hanches généreuses, et tête de bourgeoise dégénérée avec oversized sunglasses.
Je me retourne, et, content qu’elle soit belle sans me plaire, me lance dans le petit trot caractéristique du TMO à l’abordage, avec en point de mire son petit haut bariolé, parce que "vous m’avez plu" je commence à trouver que c’est un peu vague pour les oreilles d’une jolie fille.
TMO : mademoiselle ?
Belette 1 : oui [avec un sourire qui signifie "toi je sais déjà ce que tu vas me dire"]
TMO [sourire] : bonjour
B1 [amusée et circonspecte] : bonjour
TMO : je n’ai pas l’habitude d’aborder des filles, d’ailleurs… [d’un geste, je désigne ma tenue] mais je vous ai croisé et vous m’avez plu. En fait, j’ai beaucoup aimé votre style, notamment ce petit haut chamarré surtout.
B1 : Ah bon. Vous me sortez de ma rêverie en fait [sur un ton agréable, plutôt souriante même si circonspecte – il y avait peut-être une porte à prendre sur la rêverie]
TMO : ah, vous ne m’avez pas vu alors, c’est bien, comme ça vous avez la surprise [ouh, c’est nul]
Elle continue à marcher, mais je ne la suis ni ne l’abandonne
TMO : vous êtes étudiante ? Vous étudiez dans le quartier ?
B1 : non. [une demi-seconde de blanc] Je travaille pour France Télévision. Je suis un peu pressée du coup.
TMO : oh non, alors vous rejoignez la horde de camions là-bas [il y avait de l’agitation à la Maison de la Mutualité]
B1 : voilà. [elle repart]
TMO : il se passe quoi là-bas ? [ouh ! c’est re-nul]
B1 : [sourire] c’est top secret
TMO : … [souriant tout en levant les yeux au ciel]
B1 : [continuant à s’éloigner ] je suis un peu pressée [signe du menton en direction de "là-bas" et tête "désolée, vous comprenez"]
TMO : [souriant + d'une voix ferme pour pallier la distance qui augmente] ok, je comprend, bonne soirée
Moralité ? J’aurai pu lui sortir le neg ultime :
B1 : je travaille pour France Télévision
TMO : je n’ai pas de télé chez moi
Mais peut-être aurait-ce été un auto-neg/DLV à ses yeux.
Bon, elle avait la mâchoire carrée, ce qui donnait un air plat à sa face (Equus, tu penses à Innsmouth ?) et malgré son teint halé et ses très longs cheveux n’était clairement pas mon genre, donc ça m'a permis d’apprécier l’exercice pour ce qu’il était, sans blessure d’ego. Tout de même, cet abordage était lamentable.
La prochaine fois qu’une fille me dit qu’elle est journaliste, je lui sors "ah bon ? Donc vous ne sortez qu’avec des politiciens, c’est ça ?". Evidemment, ça m’est venu cinq minutes trop tard…
Je réalise à la relecture qu'il y avait une porte/faux-dialogue à ouvrir au moment où je disais "je n'ai pas l'habitude d'aborder des filles dans la rue". J'aurais dû m'arrêter devant sa petite moue "j'en crois pas un mot" sur le mode "vous ne me croyez pas. Si, je le vois à votre regard, vous pensez que je sors ça à plein de filles, mais regardez comment je suis habillé, je sors de [auto-censure] et c'est vraiment pas la tenue d'un mec qui a prémédité d'aborder tout ce qui passe, pas vrai? Donc voilà, vous m'avez plu, blabla".
[size=150]I Ensoleillement [/size]
Je ne suis pas sorti pour aborder. Je n’en ai ni envie, ni besoin, ayant plusieurs parties en cours par ailleurs. Ma tenue printanière, sans marque ostentatoire (sneakers chocolat, bermuda baggy en jean brut, t-shirt rouge profond, pull marron), sans comporter de faute de goût, n’est pas spécialement élégante. Une tenue décontractée pour une ballade décontractée dans Paris.
Est-ce le fait de flâner dans une sorte de musée à ciel ouvert qui fait remonter en moi des souvenirs d’abordages toscans ? Plus le temps passe, plus le fait de croiser des filles m’amène à me dire "tout de même, ça serait bien que je fasse deux ou trois essais". Cependant, j’ai bien conscience de partir avec un léger handicap : ce t-shirt qui, s’il met ma carrure en avant, fait presque négligé, pire, ordinaire. Mon pull m’habille bien mieux mais le soleil est de sortie et suer à grosses gouttes n’est sexy que dans les pubs pour sodas. Il sera donc plié sur mon avant-bras à la manière d’une veste.
[size=150]II Echauffement[/size]
Je sèche une première fois vers Daumesnil : c’est la sortie de l’école, je croise des foules pluriethniques de collégiens en jogging, des mères qui vont chercher leur progéniture… J’ai soudain le sentiment que c’est une heure à éviter pour aborder, tant elle concentre des jeunes mamans fort jolies mais fort mariées, et, surtout, fort accompagnées de leur mini-moi. Soudain, entre deux lycéennes et trois poussettes, je vois une femme, magnifique, seule (sans enfant, quoi) et bien habillée. En fait, elle tranche tellement avec l’environnement que je me mets un moment à intégrer le fait qu’elle est réelle, et réellement abordable. Nous nous croisons, nous regardons, je me retourne, j’hésite, et plus j’hésite plus la distance à parcourir en trottinant pour la rattraper me semble source d’étrangeté sociale : elle m’a regardé, elle aura donc une vague idée de quand on s’est croisé et va sentir un étrange temps de latence entre le regard et l’abordage.
Second bégaiement sur le viaduc des Arts, je croise une gigantesque brune, ce qui éveille mon intérêt (je suis moi-même grand) bien qu’elle soit habillée de manière ordinaire. Nous nous regardons mais un petit gnome se dandine à trois mètres derrière elle. Encore dans la frame [cadre mental] "c’est la sortie des écoles", je me fige sur place et me retourne pour observer sa démarche (à la fille, pas au gnome, bande de fous!) avant de comprendre, trop tard, que le gnome en question appartient à une autre dame. Je pourrais trottiner, sortir ma routine directe (et sincère) mais là aussi j’hésite, et plus j’hésite…
Autre ratage au Jardin des Plantes (elle est belle, jeune, élégante mais décontractée, pourquoi je ne le l’aborde pas ? POURQUOI ?). Suivi d’un autre rue Linné, où je trouve la fille charmante avec son trench marron clair qui fait écho à sa chevelure. De loin elle est souriante du visage (vous voyez l’idée ? elle dégage de bonnes vibes en gros) nous nous croisons, elle me regarde, je la regarde et perçois quelques défauts cutanés. Rien de bien méchant, et puis il a eu échange de regard, elle a une bonne attitude, j’adore la couleur de son manteau – vous savez, cette couleur qui se multiplie actuellement sur les pantalons des hipsters – mais tout de même ces quelques boutons me désamorcent : par flemme, comme un prétexte, mais aussi parce que j’ai envie de tenter du haut de gamme. C’est peut-être incongru compte tenu de ma tenue, mais j’ai déjà dans mes partenaires de jeu une fille superbe, et j’essaye d’augmenter mes standards avec l’idée : plus la femme sera belle, plus beau sera le progrès.
Ultime inaction rue des Ecoles, avec toujours ce départ : fille qui se démarque des autres, échanges de regard puis désenchantement. Pourtant, nous nous sommes retournés en même temps... Je sais ce que vous allez me dire, mais au second regard, sa robe à fleur me semblait un peu ancestrale, et m’évoquait en plus celle d’une petite irlandaise qui n’a pas donné suite au 1er RDV. Et puis elle n'avait pas l'air très heureuse... Prétexte ? Exigence ?
[size=150]III Engagement[/size]
Bon, là je sens que si je ne fais rien je vais m’en vouloir. Ok, je suis sapé comme un mec qui revient du sport, et alors ? OK, j’ai des affaires sur le feu, et alors ? Rien ne m’oblige à rappeler celle dont je prendrai le numéro.
Voici venir une fille que certains qualifieront de jolie. Hauteur correcte sans être grande, silhouette losange ou bouteille, je ne me rappelle que de ses hanches généreuses, et tête de bourgeoise dégénérée avec oversized sunglasses.
Je me retourne, et, content qu’elle soit belle sans me plaire, me lance dans le petit trot caractéristique du TMO à l’abordage, avec en point de mire son petit haut bariolé, parce que "vous m’avez plu" je commence à trouver que c’est un peu vague pour les oreilles d’une jolie fille.
TMO : mademoiselle ?
Belette 1 : oui [avec un sourire qui signifie "toi je sais déjà ce que tu vas me dire"]
TMO [sourire] : bonjour
B1 [amusée et circonspecte] : bonjour
TMO : je n’ai pas l’habitude d’aborder des filles, d’ailleurs… [d’un geste, je désigne ma tenue] mais je vous ai croisé et vous m’avez plu. En fait, j’ai beaucoup aimé votre style, notamment ce petit haut chamarré surtout.
B1 : Ah bon. Vous me sortez de ma rêverie en fait [sur un ton agréable, plutôt souriante même si circonspecte – il y avait peut-être une porte à prendre sur la rêverie]
TMO : ah, vous ne m’avez pas vu alors, c’est bien, comme ça vous avez la surprise [ouh, c’est nul]
Elle continue à marcher, mais je ne la suis ni ne l’abandonne
TMO : vous êtes étudiante ? Vous étudiez dans le quartier ?
B1 : non. [une demi-seconde de blanc] Je travaille pour France Télévision. Je suis un peu pressée du coup.
TMO : oh non, alors vous rejoignez la horde de camions là-bas [il y avait de l’agitation à la Maison de la Mutualité]
B1 : voilà. [elle repart]
TMO : il se passe quoi là-bas ? [ouh ! c’est re-nul]
B1 : [sourire] c’est top secret
TMO : … [souriant tout en levant les yeux au ciel]
B1 : [continuant à s’éloigner ] je suis un peu pressée [signe du menton en direction de "là-bas" et tête "désolée, vous comprenez"]
TMO : [souriant + d'une voix ferme pour pallier la distance qui augmente] ok, je comprend, bonne soirée
Moralité ? J’aurai pu lui sortir le neg ultime :
B1 : je travaille pour France Télévision
TMO : je n’ai pas de télé chez moi
Mais peut-être aurait-ce été un auto-neg/DLV à ses yeux.
Bon, elle avait la mâchoire carrée, ce qui donnait un air plat à sa face (Equus, tu penses à Innsmouth ?) et malgré son teint halé et ses très longs cheveux n’était clairement pas mon genre, donc ça m'a permis d’apprécier l’exercice pour ce qu’il était, sans blessure d’ego. Tout de même, cet abordage était lamentable.
La prochaine fois qu’une fille me dit qu’elle est journaliste, je lui sors "ah bon ? Donc vous ne sortez qu’avec des politiciens, c’est ça ?". Evidemment, ça m’est venu cinq minutes trop tard…
Je réalise à la relecture qu'il y avait une porte/faux-dialogue à ouvrir au moment où je disais "je n'ai pas l'habitude d'aborder des filles dans la rue". J'aurais dû m'arrêter devant sa petite moue "j'en crois pas un mot" sur le mode "vous ne me croyez pas. Si, je le vois à votre regard, vous pensez que je sors ça à plein de filles, mais regardez comment je suis habillé, je sors de [auto-censure] et c'est vraiment pas la tenue d'un mec qui a prémédité d'aborder tout ce qui passe, pas vrai? Donc voilà, vous m'avez plu, blabla".