- Lun Juin 16, 2014 12:47 pm
#154035
Un mouvement littéraire dont vous n'avez jamais entendu parler au lycée (trop subversif et puis, on ne sait jamais, vous auriez pu préférer ça au Nouveau roman, or on souhaite en haut lieu que la littérature soit perçue comme un truc pour vieilles filles névrosées - vos anciennes profs de français peuvent en témoigner) mais dont deux auteurs vous diront peut-être quelque chose - Antoine Blondin, Jacques Laurent, l'homme aux deux Goncourt...
Un extrait de son chef de file, Roger Nimier (1925-1962), mort dans son Aston Martin (mais il semble que ce fut cette folle du volant aux pieds nus, Sunsiaré de Larcône qui conduisait).
[quote]"Ils veulent nous persuader qu'on peut être fort dans un cabinet de travail. Ce sont des bohiscoutes, ils mentent. Dans un cabinet de travail, on n'est pas fort, on est puissant, c'est le contraire. Les puissants sont victimes de l'esprit de perfection qui les enchaîne au temps et fait de leur vie l'esclave de leur mort. On prétend que le pouvoir apporte avec lui ses gendarmes et que dix gendarmes sont plus forts que le plus intrépide des hommes. On oublie d'ajouter que les gendarmes vous gardent beaucoup plus qu'ils ne vous servent. Avec eux commence l'abstraction. On pense se faire le maquereau d'une grande idée. C'est l'idée qui vous possède. On s'amuse à conquérir des provinces pour l'amusement des hommes et, justement, dans ce but, il se trouve qu'on a besoin de son pire ennemi. On le ménage, on le cajole. Il faudrait l'étrangler.
J'éprouve, Dieu merci, une grande confiance dans la force physique. D'abord, il y a la peur des autres. J'accepte sa présence sans beaucoup y croire tant je la trouve stupide. Un enfant de sept ans comprendrait qu'un homme n'est pas une tragédie classique et que les larmes protègent mal des coups de poing. Il est vrai qu'ils adorent les coups. Quand on lui a cassé la gueule, le Français se sent bon.
Je me rappelle un type d'une quarantaine d'années... ses épaule effacées... Il parlait fort pour se rassurer. Je l'ai poussé devant moi et il a reculé encore plus vite. Alors il s'est trouvé coincé contre une porte de métro et il a compris qu'il devait se battre. Ils en sont tous là. La vanité, la mauvaise humeur, l'insouciance leur servent de porte de métro. Ils s'y adossent et l'on reconnaît les faibles à ce qu'ils se battent le dos au mur: autrement ils tomberaient. (...)
Je rencontre également des gens dont le métier est de se battre. Derrière leur petit oeil obtus, il ne peut bondir qu'une idée: le meilleur endroit pour frapper. Alors, faute d'avoir les muscles plus rapides, j'ai la morale plus vive. Quand ils se demandent s'ils vont me faire un croc-en-jambe, je les frappe dans le ventre. Lorsqu'ils balancent pour m'étrangler, je les atteins dans les couilles. Plus déloyal que ces policiers, ces boxeurs, je l'emporte assez souvent.
D'ailleurs, je préviens que je ne cherche pas à être l'homme le plus fort du monde. Qui parle de hiérarchie parle aussi de discipline, d'esclavage. J'ai dans l'idée que l'homme le plus fort du monde n'a presque jamais le temps de se battre, tant il passe de mois à s'entraîner. Au contraire, je ne m'entraîne jamais et je me bats. De cette habitude sont venues mes réflexions. Elles ne s'arrêtent pas là. "
Roger Nimier, Les Epées
Attention, littérature dangereuse que je vais découvrir moi aussi petit à petit au fil des mois...
[img]http://mauditseptembre62.hautetfort.com/album/roger-nimier/4122125390.jpg[/img]
Un extrait de son chef de file, Roger Nimier (1925-1962), mort dans son Aston Martin (mais il semble que ce fut cette folle du volant aux pieds nus, Sunsiaré de Larcône qui conduisait).
[quote]"Ils veulent nous persuader qu'on peut être fort dans un cabinet de travail. Ce sont des bohiscoutes, ils mentent. Dans un cabinet de travail, on n'est pas fort, on est puissant, c'est le contraire. Les puissants sont victimes de l'esprit de perfection qui les enchaîne au temps et fait de leur vie l'esclave de leur mort. On prétend que le pouvoir apporte avec lui ses gendarmes et que dix gendarmes sont plus forts que le plus intrépide des hommes. On oublie d'ajouter que les gendarmes vous gardent beaucoup plus qu'ils ne vous servent. Avec eux commence l'abstraction. On pense se faire le maquereau d'une grande idée. C'est l'idée qui vous possède. On s'amuse à conquérir des provinces pour l'amusement des hommes et, justement, dans ce but, il se trouve qu'on a besoin de son pire ennemi. On le ménage, on le cajole. Il faudrait l'étrangler.
J'éprouve, Dieu merci, une grande confiance dans la force physique. D'abord, il y a la peur des autres. J'accepte sa présence sans beaucoup y croire tant je la trouve stupide. Un enfant de sept ans comprendrait qu'un homme n'est pas une tragédie classique et que les larmes protègent mal des coups de poing. Il est vrai qu'ils adorent les coups. Quand on lui a cassé la gueule, le Français se sent bon.
Je me rappelle un type d'une quarantaine d'années... ses épaule effacées... Il parlait fort pour se rassurer. Je l'ai poussé devant moi et il a reculé encore plus vite. Alors il s'est trouvé coincé contre une porte de métro et il a compris qu'il devait se battre. Ils en sont tous là. La vanité, la mauvaise humeur, l'insouciance leur servent de porte de métro. Ils s'y adossent et l'on reconnaît les faibles à ce qu'ils se battent le dos au mur: autrement ils tomberaient. (...)
Je rencontre également des gens dont le métier est de se battre. Derrière leur petit oeil obtus, il ne peut bondir qu'une idée: le meilleur endroit pour frapper. Alors, faute d'avoir les muscles plus rapides, j'ai la morale plus vive. Quand ils se demandent s'ils vont me faire un croc-en-jambe, je les frappe dans le ventre. Lorsqu'ils balancent pour m'étrangler, je les atteins dans les couilles. Plus déloyal que ces policiers, ces boxeurs, je l'emporte assez souvent.
D'ailleurs, je préviens que je ne cherche pas à être l'homme le plus fort du monde. Qui parle de hiérarchie parle aussi de discipline, d'esclavage. J'ai dans l'idée que l'homme le plus fort du monde n'a presque jamais le temps de se battre, tant il passe de mois à s'entraîner. Au contraire, je ne m'entraîne jamais et je me bats. De cette habitude sont venues mes réflexions. Elles ne s'arrêtent pas là. "
Roger Nimier, Les Epées
Attention, littérature dangereuse que je vais découvrir moi aussi petit à petit au fil des mois...
[img]http://mauditseptembre62.hautetfort.com/album/roger-nimier/4122125390.jpg[/img]