- Lun Nov 29, 2010 10:51 am
#102513
Bouquin de Jean-Claude Kaufmann, chercheur au CNRS sur les liens sociaux, et particulièrement sur le couple.
J'ai appris l'existence de ce livre par l'intermédiaire de ce forum, où on m'avait parlé d'un autre bouquin : Premier Matin, qui place cette étape dans la construction du couple.
Contrairement à ce que son titre laisse évoquer, La femme seule et le Prince charmant est loin de ne parler que des femmes. Plus généralement, il parle de la "vie en solo". La vie en solo, c'est quand on n'est ni marié, ni en couple, ni... souvent pas grand chose.
Quand les proches en sont au point de ne plus poser de questions sur la vie sentimentale, c'est que vous y êtes !
Pour y correspondre depuis un moment, j'ai trouvé ce bouquin très fin sur les émotions, les attentes et les comportements qui correspondent à cette vie en solo.
Le fait que ça s'attarde sur la position féminine est intéressant, puisqu'il est finalement difficile de percer le mystère de la femme en solo quand on est potentiellement dans la position du Prince, ou d'un prince en tout cas. L'approche sociologique nous fait découvrir des aspects qu'on oublie parfois, ou que la femme elle-même souhaite (nous faire) oublier.
Les femmes en solo
La découverte de l'intimité de la vie en solo des femmes est simplement passionnante.
Les deux extrêmes sont clairement les journées à broyer du noir en pensant à cette vie qu'elle est en train de rater (le triplet : mari, bébé, maison), et de l'autre côté l'activité débordante rendue possible par le statut de solo - notamment pour les femmes, qui sont beaucoup plus nombreuses à sacrifier leur vie professionnelle en étant en couple. Chaque femme en solo est un mélange des deux, avec une tendance à passer dans la 2ème catégorie quand il s'agit de sortir, de s'afficher.
Résultat, une femme avec du caractère et qui veut cacher ses faiblesses liées à la vie en solo peut facilement paraître inabordable, le fameux piédestal sur laquelle on la place... ou sur laquelle elle se place pour ne pas être dérangée ?
La vie en solo
De la même façon qu'il y a deux comportements extrêmes pour la femme, la vie en solo de façon générale oscille entre deux absolus.
Celui qui nous intéresse est sans doute le comportement de "cheval au galop" pour reprendre le terme de l'auteur. Profiter de la vie en solo pour se réaliser ailleurs, sur tous les plans : boulot, activités, associations, amis...
Puisque l'autre n'est pas là pour contribuer à construire l'identité, on se la construit tout seul, à travers d'autres repères, sa frame, comme on dit ici (traduction de "repère" en anglais).
Les échanges de ce forum se placent donc tout à fait dans l'analyse de Kaufmann sur les modalités de la vie en solo, à un (gros) détail près...
L'attente du Prince charmant
S'il est une image désagréable, c'est cette femme qui vivote - ou à l'inverse qui a une suractivité - dans l'attente qu'un jour un Prince arrive et lui donne à s'occuper pendant le restant de ses jours. Plusieurs témoignages en attestent dans le bouquin, des femmes avouent qu'elles attendent quelqu'un qui leur dirait quoi faire !
Si cette approche peut sembler empreinte de paresse, l'autre est évidemment celle qui met l'accent sur l'identité qu'on souhaite garder malgré la rencontre : faire entrer l'autre dans sa frame.
C'est là que le bât blesse et c'est un aspect vraiment intéressant du bouquin, car c'est tout autant une approche paresseuse au sens où on souhaite passer du solo au couple mais on n'est pas prêt à changer vraiment. D'où ces critères quant au choix de l'être (potentiellement) aimé, d'où ces hésitations face à une inconnue : me permettra-t-elle d'être toujours le même ? Mais si on est toujours le même, l'histoire vaut-elle la peine d'être vécue ? Je ne sais pas vous mais les histoires fortes que j'ai vécues ont toutes torpillé le mode de vie que j'avais sur le moment. Celles qui ne chamboulent rien, c'est des petites aventures, des passades, qui ne mettent rien en danger - ou pour lesquelles je ne veux pas mettre en danger les plans que j'ai pour moi-même.
La schizophrénie de l'authenticité
Plusieurs personnes refusent la vie en couple par défaut : "oh, moi j'ai des amis qui sont en couple et ça n'a pas l'air terrible". Le nouveau critère pour juger de la qualité d'un couple est l'authenticité de leurs sentiments. Or une valeur tout aussi essentielle à notre époque est le bonheur individuel, le fait d'être bien avec soi-même, de s'assumer tel qu'on est.
Comme déjà évoqué plus haut, Kaufmann met l'accent sur la contradiction entre ces deux demandes : vouloir être soi-même, donc en accord avec la vie solo qu'on s'est construite voire projetée, mais en même temps exiger, pour qu'une relation devienne sérieuse, qu'elle soit authentique, que les sentiments ne soient pas feins... Or il est illusoire d'avoir l'un et l'autre, puisqu'une relation authentique nécessite de se mettre en danger, de s'ouvrir, de s'oublier dans l'autre.
J'ai trouvé ça intéressant d'en parler parce que c'est une chose très peu abordée sur ce forum.
Le piège du lifestyle
Finalement on retrouve dans ce bouquin cette motivation à se construire, à défaut d'être en couple, le fameux lifestyle. Adopter un mode de vie qui nous corresponde, dans l'idée que ça nous rendra plus séduisant.
Ça nous rend sans doute séduisant, mais comme ces femmes belles et inabordables qui donnent l'impression d'avoir une vie riche et épanouissante. À titre d'exemple, la semaine dernière on m'a confié que j'étais "impressionnant", et on a bien précisé que ça n'était pas forcément un compliment.
Dit autrement, ça nous handicape peut-être lourdement pour faire des rencontres sincères et authentiques, car le poids de la vie solo est de plus en plus fort dans la balance. Les attentes sont du coup d'autant plus fortes, et ne parlons pas de l'engagement qui, s'il n'est pas superficiel, nécessite de couper dans certains projets persos. Et le piège est que le lien entre les attentes, les critères d'exigence et la qualité de la relation n'est pas si évident que ça. Un départ sur les chapeaux de roue ne présage pas forcément d'une construction sur la durée, comme des débuts pas folichons peuvent se transformer en une relation épanouissante.
Je me sens parfois enfermé dans le fonctionnement décrit, ce qui explique sans doute pourquoi j'ai été séduit par cette approche sur le concept de "vie en solo".
Et vous, que vous évoque la petite présentation que j'ai faite du bouquin ?
J'ai appris l'existence de ce livre par l'intermédiaire de ce forum, où on m'avait parlé d'un autre bouquin : Premier Matin, qui place cette étape dans la construction du couple.
Contrairement à ce que son titre laisse évoquer, La femme seule et le Prince charmant est loin de ne parler que des femmes. Plus généralement, il parle de la "vie en solo". La vie en solo, c'est quand on n'est ni marié, ni en couple, ni... souvent pas grand chose.
Quand les proches en sont au point de ne plus poser de questions sur la vie sentimentale, c'est que vous y êtes !
Pour y correspondre depuis un moment, j'ai trouvé ce bouquin très fin sur les émotions, les attentes et les comportements qui correspondent à cette vie en solo.
Le fait que ça s'attarde sur la position féminine est intéressant, puisqu'il est finalement difficile de percer le mystère de la femme en solo quand on est potentiellement dans la position du Prince, ou d'un prince en tout cas. L'approche sociologique nous fait découvrir des aspects qu'on oublie parfois, ou que la femme elle-même souhaite (nous faire) oublier.
Les femmes en solo
La découverte de l'intimité de la vie en solo des femmes est simplement passionnante.
Les deux extrêmes sont clairement les journées à broyer du noir en pensant à cette vie qu'elle est en train de rater (le triplet : mari, bébé, maison), et de l'autre côté l'activité débordante rendue possible par le statut de solo - notamment pour les femmes, qui sont beaucoup plus nombreuses à sacrifier leur vie professionnelle en étant en couple. Chaque femme en solo est un mélange des deux, avec une tendance à passer dans la 2ème catégorie quand il s'agit de sortir, de s'afficher.
Résultat, une femme avec du caractère et qui veut cacher ses faiblesses liées à la vie en solo peut facilement paraître inabordable, le fameux piédestal sur laquelle on la place... ou sur laquelle elle se place pour ne pas être dérangée ?
La vie en solo
De la même façon qu'il y a deux comportements extrêmes pour la femme, la vie en solo de façon générale oscille entre deux absolus.
Celui qui nous intéresse est sans doute le comportement de "cheval au galop" pour reprendre le terme de l'auteur. Profiter de la vie en solo pour se réaliser ailleurs, sur tous les plans : boulot, activités, associations, amis...
Puisque l'autre n'est pas là pour contribuer à construire l'identité, on se la construit tout seul, à travers d'autres repères, sa frame, comme on dit ici (traduction de "repère" en anglais).
Les échanges de ce forum se placent donc tout à fait dans l'analyse de Kaufmann sur les modalités de la vie en solo, à un (gros) détail près...
L'attente du Prince charmant
S'il est une image désagréable, c'est cette femme qui vivote - ou à l'inverse qui a une suractivité - dans l'attente qu'un jour un Prince arrive et lui donne à s'occuper pendant le restant de ses jours. Plusieurs témoignages en attestent dans le bouquin, des femmes avouent qu'elles attendent quelqu'un qui leur dirait quoi faire !
Si cette approche peut sembler empreinte de paresse, l'autre est évidemment celle qui met l'accent sur l'identité qu'on souhaite garder malgré la rencontre : faire entrer l'autre dans sa frame.
C'est là que le bât blesse et c'est un aspect vraiment intéressant du bouquin, car c'est tout autant une approche paresseuse au sens où on souhaite passer du solo au couple mais on n'est pas prêt à changer vraiment. D'où ces critères quant au choix de l'être (potentiellement) aimé, d'où ces hésitations face à une inconnue : me permettra-t-elle d'être toujours le même ? Mais si on est toujours le même, l'histoire vaut-elle la peine d'être vécue ? Je ne sais pas vous mais les histoires fortes que j'ai vécues ont toutes torpillé le mode de vie que j'avais sur le moment. Celles qui ne chamboulent rien, c'est des petites aventures, des passades, qui ne mettent rien en danger - ou pour lesquelles je ne veux pas mettre en danger les plans que j'ai pour moi-même.
La schizophrénie de l'authenticité
Plusieurs personnes refusent la vie en couple par défaut : "oh, moi j'ai des amis qui sont en couple et ça n'a pas l'air terrible". Le nouveau critère pour juger de la qualité d'un couple est l'authenticité de leurs sentiments. Or une valeur tout aussi essentielle à notre époque est le bonheur individuel, le fait d'être bien avec soi-même, de s'assumer tel qu'on est.
Comme déjà évoqué plus haut, Kaufmann met l'accent sur la contradiction entre ces deux demandes : vouloir être soi-même, donc en accord avec la vie solo qu'on s'est construite voire projetée, mais en même temps exiger, pour qu'une relation devienne sérieuse, qu'elle soit authentique, que les sentiments ne soient pas feins... Or il est illusoire d'avoir l'un et l'autre, puisqu'une relation authentique nécessite de se mettre en danger, de s'ouvrir, de s'oublier dans l'autre.
J'ai trouvé ça intéressant d'en parler parce que c'est une chose très peu abordée sur ce forum.
Le piège du lifestyle
Finalement on retrouve dans ce bouquin cette motivation à se construire, à défaut d'être en couple, le fameux lifestyle. Adopter un mode de vie qui nous corresponde, dans l'idée que ça nous rendra plus séduisant.
Ça nous rend sans doute séduisant, mais comme ces femmes belles et inabordables qui donnent l'impression d'avoir une vie riche et épanouissante. À titre d'exemple, la semaine dernière on m'a confié que j'étais "impressionnant", et on a bien précisé que ça n'était pas forcément un compliment.
Dit autrement, ça nous handicape peut-être lourdement pour faire des rencontres sincères et authentiques, car le poids de la vie solo est de plus en plus fort dans la balance. Les attentes sont du coup d'autant plus fortes, et ne parlons pas de l'engagement qui, s'il n'est pas superficiel, nécessite de couper dans certains projets persos. Et le piège est que le lien entre les attentes, les critères d'exigence et la qualité de la relation n'est pas si évident que ça. Un départ sur les chapeaux de roue ne présage pas forcément d'une construction sur la durée, comme des débuts pas folichons peuvent se transformer en une relation épanouissante.
Je me sens parfois enfermé dans le fonctionnement décrit, ce qui explique sans doute pourquoi j'ai été séduit par cette approche sur le concept de "vie en solo".
Et vous, que vous évoque la petite présentation que j'ai faite du bouquin ?
Modifié en dernier par Elan le Lun Nov 29, 2010 5:36 pm, modifié 1 fois.