- Lun Avr 08, 2013 9:29 pm
#132862
C'est en faisant mes courses au Monop' que je me suis fait une réflexion en rapport avec le thème des confessions trop hâtives.
Pour ce qui est des effets, la messe est dite : se confier trop, trop tôt à une personne que vous appréciez n'est pas la chose à faire, au risque de la voir s'éloigner.
Je m'étais alors interrogé sur les causes.
Considérons un autre. Cet autre n'est pas forcément une fille, une petite-amie. Considérons que c'est une connaissance que nous connaissons depuis peu, mais avec laquelle on se découvre une certaine affinité intellectuelle.
Les sujets de conversation avec cet autre sont légers et en même temps intellectuellement nourrissants.
Soudain cet autre décide de rompre cette corde fragile de conversation légère pour évoquer un sujet grave, lourd, sérieux.
Qu'est-ce qui, dans l'esprit humain, fait que nous ne recevons pas le pathos de manière au pire neutre ou indifférente, mais bien avec une certaine répulsion ?
Je pense qu'un élément de réponse est donné dans la situation que je viens de poser : la transformation du léger en
lourd.
L'être humain est plus fort que la Physique : il est capable d'alourdir une conversation. Pied de nez à Newton !
Cette notion de légèreté/pesanteur n'est pas anodine* : « Quel boulet ! », « Quel lourd ! », « Porter sa croix ».
Les gens empreints de pensées lourdes vivent leur vie au ralenti, sans énergie, comme s'il portait sur leur dos l'équivalent d'un piano à queue.
Autre élément de réponse : l'
empathie. Tout le monde possède de l'empathie. Cette capacité à recevoir et prendre avec soi le ressenti de l'autre.
Ce qui est malheureux avec cette empathie c'est que, d'une part il faut que l'autre s'exprime pour qu'elle puisse fonctionner, d'autre part elle est plus sensible à la tristesse qu'à la joie.
Si cet autre évoque ses problèmes, mon humanité ne va pas avoir d'autres choix que de recevoir ces problèmes et de construire sa peine dans ma tête pour la faire mienne. On peut comme si on vous lancer un cactus en criant attrape.
Vous n'êtes pas insensible aux cris d'un enfant qui pleure ; une récente connaissance qui se confie, c'est un enfant qui pleure.
Par notre empathie, donc, nous prenons avec nous la peine de l'autre. Et quelle impression est-ce que de recevoir ce cadeau empoisonné alors que nous le connaissons à peine ?
La même impression que de visiter un appartement sale et pas rangé,
la même impression que d'écouter un groupe qui vrille les tympans.
On a beau se dire que c'est mieux (que ça va mieux) la plupart du temps, on a du mal à vous construire une autre représentation.
Ce n'est pas la première impression qu'on a de l'autre, mais
c'est une des premières impressions, et elle est mauvaise.
* Lire l'excellent « L'insoutenable légèreté de l'être » de Milan Kundera.
Si tu peux être amant sans être fou d'amour,
Si tu peux être fort sans cesser d'être tendre
[...]
Et si tu peux aimer tous tes amis en frère
Sans qu'aucun d'eux soit tout pour toi ;
[...]
Tu seras un Homme, mon fils.