Parce qu'il est impossible d'être heureux en faisant ce qu'on n'aime pas

Modérateurs: animal, Léo

ByEyesWideShut
#116211 Merci pour ta contribution wu-weï.
Je ne voulais pas trop rentrer dans les détails, puisque je ne savais pas vraiment que le Spike Club avait de si bons conseils à prodiguer.

Ma principale crainte vient dans ma capacité intellectuelle à gérer le projet. Parfois je me dis que je ne suis pas assez compétent.

Petite réflexion rapide :
J'ai une formation d'ingénieur dans les technologies de l'information (école post-bac). Si vous connaissez un peu ces écoles, nous avons un salaire que je juge mirobolant au regard de nos compétences.
J'ai eu tous les jours pendant ces 5 ans d'étude, l'impression d'acheter mon diplôme. On nous apprend plein de choses sans jamais suffisamment approfondir. Je peux donc dire (c'est parti les geeks !) que je connais une 10aine de langage, mais à propos de combien puis-je dire que je suis fiable ?
Tous ceux qui ont un peu touché au développement logiciel savent qu'ils y a 10000 chemins différents pour arriver à une solution. La majorité seront source de bugs, de failles, de performances médiocres. Être intéressant pour une entreprise, c'est avoir une suffisamment bonne expertise de ces langages pour réduire les chances de prendre un très mauvais chemin.

Du haut de mes 22 ans, je n'ai qu'une expérience de développement "amateur". Et je suis embarqué dans un projet de développement sans personne pour me rassurer quant à la qualité du logiciel en sortie.

Je peux tester très simplement l'ergonomie :
- Baby test (l'appellation est sans doute erronée), on laisse un enfant jouer un peu avec le logiciel. On voit ce qu'il arrive à faire.
Pareil avec des néophytes dans l'informatique (qui a parlé de ma mère ?). Si les utilisateurs arrivent à se repérer dans le logiciel sans le connaitre, c'est gagné. Sinon, c'est perdu. Dans mon cas c'est plutôt gagné (à 2-3 détails près)

Je peux tester les performances :
Tests sur différentes configurations médiocres, et optimisation le cas échéant.

Je peux réduire le nombre de bugs :
Beta proposée à un panel de clients-tests, avec posibilité de remonter les bugs.


Mais quant est-il est des failles ?
Quand on voit que des géants de l'informatique (FBI, sites gouvernementaux, Facebook, sites bancaires ou beaucoup plus simples, des forums style Invision PowerBoard) se font avoir par des pirates, comment puis-je avoir la prétention que moi, jeune diplômé de 22 ans, pourrait garantir à mes clients que les données qu'ils me confieront seront en sécurité ? Je ne peux pas, je n'ai qu'à croiser les doigts pour qu'un pirate ne s'attaque pas à moi. Il existe certes des assurances, mais c'est un peu léger quand même.


Deux solutions s'offrent à moi :
- Je me documente et je deviens un expert de la sécurité, mais autant dire que le logiciel ne sortira ni dans 3 mois, ni dans 3 ans...
- Je recrute quelqu'un de compétent pour m'épauler. Et là, il suffit de regarder ce que coûte un employé. On va dire allez, à la louche 60000€ de salaire pour quelqu'un de compétent dans la sécurité, ce qui doit revenir pour l'entreprise à quelque chose comme 90 000€-100 000€ de coût (à la louche, je peux me tromper)
Ca fait un peu beaucoup pour une entreprise dans le service... Et puis n'oublions pas qu'il y a les dépenses en commerciaux (sans doute prioritaires pour une bonne expansion de l'activité).
J'en parlais avec un prof de compta, il m'assurait qu'en général, on ne recrutait personne à moins d'avoir 150 000€ de CA.
J'ai beau faire pas mal de simulations optimistes, c'est pas tout de suite tout de suite que j'aurai une telle quantité d'argent...!


Bref, il va falloir que je l'accepte, je suis seul pour porter le poids de la réussite de ce projet. Il faut des épaules solides, un peu de folie, et sans doute pas mal de talent. Je ne suis pas toujours convaincu d'avoir les 3 ;-)

Enfin, les deadlines se rapprochant dangereusement, on a tendance à vouloir aller plus vite, et donc être moins rigoureux en terme de qualité logicielle. Ce qui est bien évidemment la technique de développement rêvée pour la proliférations de failles et de bugs.

Bref, le temps me manque. Les bras aussi. Peut-être que si le lancement fonctionne je chercherai des investisseurs pour parier sur un gros développement. Peut-être que je chercherai de manière plus intense un associé compétent et de confiance (on en voit pas tous les jours)
Mais à l'heure actuelle il faut que j'ai la tête un peu partout : pour faire avancer le développement (être en retard, c'est un coup à perdre des clients ça !), pour développer une offre cohérente, et aussi pour avoir une vie sociale épanouie (je refuse de m'asseoir sur mes soirées du vendredi et samedi soir. Déjà que je passe mes weekends et mes autres soirées dessus...)

Se lancer dans l'entrepreneuriat, c'est bien souvent vivre pour son projet. Il est partout, on connait ses moindres détails.

C'est en ça que je doute, c'est en ma capacité à ne pas transformer ma vie en vaste foutoir rempli d'échecs. Et quand on pense à la position d'un salarié, c'est du haut de ma non-expérience, plus simple : une hiérarchie pour se reposer, des gens compétents pour nous épauler, une séparation nette entre vie professionnelle et personnelle.
Le travail ne devient plus passion, il devient une obligation nécessaire pour profiter des temps libre. Mais quand je vois les weekends que passent mes amis, parfois je suis un peu envieux ;-)
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By kero
#116212 [quote="EyesWideShut"]C'est en ça que je doute, c'est en ma capacité à ne pas transformer ma vie en vaste foutoir rempli d'échecs.

Le seul vrai échec dans la vie, c'est de ne pas prendre le risque d'un échec.

Connaissant un peu le monde de l'informatique, et l'immense quantité de projets morts-nés dont son sol est pavé, ET que parallèlement, je vois le descriptif de l'avancée de ton projet, je me dis que tu sembles faire partie de ces gens qui ont l'énergie et la volonté de partir d'une idée et en faire une réalité. Sinon, tu n'aurais pas un logiciel utilisable sous la main.

C'est là ce qui importe.

Le reste, ce ne sont que des détails. Chiants, mais des détails.
By FastForward
#116215 Bonsoir,

Je trouve ton sujet touchant, t'as l'air d'être en zone de doute profond ;)

Je ne suis pas entrepreneur mais la question commence à me tarauder tant le salariat me parait de plus en plus chiant et aliénant. Je viens cependant d'une famille d'entrepreneurs qui ont plutôt réussit et je travaille dans le conseil ce qui me donne un peu de recul sur la gestion des entreprises (+ toutes les lectures sur le sujet).

Je pense que tes doutes sont en partie le résultat d'un contrôle social qui tend à te ramener vers le modèle de vie dominant (job correct mais pas fou, salaire moyen à la Défense avec des collègues à la con, etc...). Ce contrôle social s'exécute par les remarque de ton entourage qui te dit que c'est trop risqué et qui va probablement finir par t'exclure parce que tu seras en décalage.
D'où la bonne idée de s'entourer d'autres entrepreneurs ou de gens qui pense que ça va marcher. D'ailleurs sur ce site je crois qu'il y a quelques personnes qui ont lancé leur activité (ne serait-ce que le patron du site).

Il faut ajouter à cela la culture française qui n'aime pas l'échec (l'échec c'est quand tu peux pas payer les gens qui t'ont prêté du fric) et qui peut avoir tendance rejeter les gens qui ont merdé une ou deux fois des projets.

Concernant le succès ou l'échec des entreprises, c'est un sujet que je tente de mieux comprendre. A ce sujet, les livres de Jim Collins sont très intéressants et peuvent être une bonne source d'inspiration pour toi.

Beaucoup de gens échouent parce qu'ils sont mauvais et n'ont pas de talent, d'autres ont un certain talent mais n'ont pas la vision globale pour développer un business. Ces gens là ne doivent pas rester seuls ou doivent se salarier pour survivre.
D'autres causes d'échecs peuvent être le manque de discipline ou le fait de s'entourer de gens bidons.

Pour gérer un business, il faut comprendre toutes les composantes d'une entreprise :
Comprendre ce qu'est un produit
Comprendre ce qu'est un marché
Comprendre ce qu'est un client
Comprendre ce qu'est un coût et une rentabilité
Comprendre ce qu'est un collaborateur ou un partenaire
Comprendre ce qu'est l'administratif
Etc...

Tout ça pour remplir tes objectifs sous contrainte de ton environnement, par la mise en oeuvre de ton talent et ton intuition.
Tu as un produit et des prospects intéressés, le plus gros du job est fait. Tu dois ensuite maîtriser le reste pour pas faire d'erreurs fatales.

Je pense qu'il faut tout de même te mettre en garde contre certains risques :
- Comme évoqué, l'échec fait peur en France et si t'emprunte du fric à la banque et que t'arrives pas à la rembourser, les investisseurs futurs se feront rares.
- Tu vas emprunter une voie différente de celle de tes amis, tu vas peut être en perdre certains en route.
- Si tu décides au bout de quelques temps de renoncer et revenir dans un emploi salarié, ce sera probablement plus dur parce que ton parcours ne sera pas Ecole - Diplôme - Stage - Premier CDI donc tu rentreras plus trop dans les grilles de merde de la plupart des sociétés structurées, et parce que tu auras beaucoup appris et été indépendant et revenir à un job d'esclave intellectuel te sera difficile.

Voila quelques éléments de ma réflexion qui n'a pas grand chose d'empirique, donc à relativiser.

Bonne chance ;)

PS: pour la motivation, tu peux lire la biographie de S.Jobs qui donne quelques pistes sur le lien entre le mental du dirigeant et sa réussite entreprenariale.
ByEyesWideShut
#116216 [quote="FastForward"]
Je trouve ton sujet touchant, t'as l'air d'être en zone de doute profond ;)

Oh tu sais, je ne suis plus autant au fond du gouffre qu'à mon premier message, je crois que c'est une déformation familiale... Ma mère nous a toujours appris à prévoir le pire pour l'éviter ;-)

Non j'ai bien envie de rêver, j'ai bien envie de tenter le coup ! Je suis un peu fou, mais j'ai envie de croire en un joli destin.
L'échec peut peut-être valoriser mon parcours auprès de certaines entreprises s'il est bien présenté. Mais en effet, face à beaucoup d'entreprises ultra carrées, déclarer qu'on a créé sa boite, c'est se tirer une balle dans le pied.
Et rien que d'un point de vue personnel, cette expérience m'aura beaucoup appris sur moi-même et sur le marché du travail. Sans penser à rien d'autre qu'à moi, c'est une super chose, réussite ou non.

"Le seul vrai échec dans la vie, c'est de ne pas prendre le risque d'un échec."
Ta phrase Kero, est vraiment superbe. C'est le genre de phrase qu'on a envie d'imprimer sur un joli papier, pour l'encadrer dans son bureau ;-)
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By Tizit
#116217 J'imagine que tu as déjà eu l'occasion de voir cette vidéo, étant déjà passée par ici ;).
-> http://www.youtube.com/watch?v=OoF-_1YKjSU

A 4:30 :
"Ils ont utilisé leur échec et l'ont transformé en projet. C'est devenu la matière première pour rebondir sur autre chose. Dès lors, la chance n'est pas ce qui vous arrive, mais c'est ce que vous allez faire avec ce qui va vous arriver."

Je ne saurais rentrer dans le détail des marchés, des tendances économiques relatives à la création d'entreprise, étant totalement étranger à ce secteur. Mais si ça peut te conforter dans le choix de continuer ce que tu as commencé à entreprendre, là est l'essentiel.

Kero a tout résumé vis-à-vis de l'échec ; si tu estimes que tu peux retomber sur tes pattes*, et tu n'en auras aucun mal, alors fonce :P.

[size=50]Ce qui est plus délicat pour Zuckerberg, toujours en sandale. D'ailleurs, je ne sais pas vraiment si on peut considérer ça comme une totale réussite personnelle... :mrgreen:[/size]
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By wu-weï
#116440 Développes le produit.
L'offre commerciale se construit bien plus rapidement.

Dicton de marketeur : l'important n'est pas toujours d'avoir un bon produit, c'est de savoir bien le vendre.

Une notion essentielle dans les produits informatiques : la licence et les droits qui assurent une "rente" sur le long terme.
Tu vends une licence une fois, tu la touche une fois.
Tu vends un produit avec une licence annuelle à renouveler, tu la touche tous les ans.

La licence "annuelle" se cache parfois sous la forme d'une assistance et maintenance.

Le produit, ensuite le marketing.
:wink:
ByEyesWideShut
#116443 Oui, après avoir développé plusieurs contrats en "one-shot", on se rend compte que même 4000-5000€ ça part relativement vite, et que ça demande un effort conséquent.

Alors on réalise qu'on peut gagner un peu moins, mais sans avoir à refournir un effort aussi important en développement. Le modèle SaaS (Software as a Service) est particulièrement à la mode :
le client paie une somme par mois pour avoir accès au logiciel. Il ne se soucie plus de rien, l'entreprise qui fournit le logiciel fournit également la maintenance, les serveurs, les MAJ etc.

Dans l'idéal, d'ici quelques mois, je ne retoucherai plus au logiciel, et je multiplierai les abonnements. Bon c'est dans l'idéal, dans la pratique il faut régulièrement mettre à jour son logiciel pour qu'il reste compétitif, il faut corriger les bugs etc.

Bel inconvénient à mon goût : les abonnements font des rentrées d'argent régulière (sécurité), mais beaucoup moins importantes qu'un one-shot. Car personne ne paiera 500€ par mois pour accéder à un logiciel qu'il pourrait acheter 5000€.
Du coup, pour développer l'entreprise (et recruter), il faut en avoir un paquet de client (ce qui implique donc un suivi de la clientèle plus complexe)
By Donnell
#120670 [quote="wu-weï"]Sur de nombreux logiciels que l'on utilise dans ma boite, on achète des licences...et une assistance-maintenance payante.

Je confirme, c'est un mode de fonctionnement qui devient de plus en plus accepté.

[quote="EyesWideShut"]Merci pour ta contribution wu-weï.
Mais quant est-il est des failles ?
[...]
J'en parlais avec un prof de compta, il m'assurait qu'en général, on ne recrutait personne à moins d'avoir 150 000€ de CA.
J'ai beau faire pas mal de simulations optimistes, c'est pas tout de suite tout de suite que j'aurai une telle quantité d'argent...!


Le conseil de ton prof de compta s'applique dans la réalité, je confirme, et encore plus si tu pars avec aucun investissement, ce qui semble être le cas.

Je pense que problème est le suivant : tu ne veux pas commercialiser ton service parce que tu veux le finir.
C'est le problème de beaucoup de perfectionnistes, et j'en suis un.
Alors évidemment, sans reconnaissance sur le marché, tu n'as pas envie de vendre un service qui te semble bancal, normal.

Sauf que :
- en cherchant à maximiser les fonctions de ton service (sécurité, bugs...), ta motivation décroit tous les jours
- tes ressources financières diminuent elles-aussi, ou du moins, ce que tu pourrais gagner par ailleurs te fait réfléchir

Ce que je ferais
Dans ce type de cas, je développe une version légère que je peux commercialiser rapidement avec des clients tests (ou pilotes). Ils bénéficient :
- d'une tarification promotionnelle par rapport aux autres clients
- des améliorations correctives et évolutives en priorité
- d'un retour en termes d'images sur tes futures opérations commerciales, si ton projet se concrétise.

Avec un nombre limité de clients, tu minimises aussi l'impact en cas de faille de sécurité. Tes clients savent bien que tu ne peux pas tout garantir à 100%, sinon ils sont stupides, et ce ne sont pas ceux que tu cherches dans un premier temps.

De cette manière, tu as la possibilité de faire de la trésorerie, de respirer un peu, et capitaliser sur leurs expériences.
Ensuite, il te sera bien plus facile de continuer le développement, fignoler ton service, commercialiser etc.

Ce conseil est peut-être inutile pour toi EyesWideShut, puisque ce sujet date de plusieurs mois, mais pourrait servir à d'autres.