Parce qu'il est impossible d'être heureux en faisant ce qu'on n'aime pas

Modérateurs: animal, Léo

ByEyesWideShut
#116045 Bonjour à tous,

Je me permets de soumettre à la critique de votre jugement ma situation personnelle, qui rencontre un problème purement lifestyle.

Je suis en phase de terminer mon école d'ingénieur sous peu, j'aurai bientôt un salaire relativement important et une situation plutôt stable. Sauf que non, j'ai pris il y a un an une décision un peu folle, celle de commercialiser un logiciel ayant un fort potentiel, bref, d'entreprendre.

Pourquoi ? Sans doute parce qu'on a des rêves fous, et qu'à cet âge on ne sait au final pas bien qui on est et ce qu'on fera de sa vie. J'ai vu le plus grand, et je me suis dit que l'entrepreneuriat m'offrait une liberté d'action et de réussite que ne m'offrait pas une vie rangée de salarié.
Toute la réussite ou l'échec de ce projet passe par moi. La réussite de ma vie passe entièrement par moi. On oublie l'idée des rencontres amoureuses à côté de la machine à café, on opte pour une vie de relative solitude professionnelle. Si je veux trouver une femme, ça ne sera pas fortuit, il aura fallu que j'aille ramer comme on l'explique ici. On oublie le fait de pouvoir se reposer sur sa hiérarchie, chaque décision amène un risque important : celui d'être un génie si tout fonctionne, celui d'être un raté si ça foire.

Cette nuit encore, Morphée n'est pas mon pote, et cette nuit pour la première fois depuis 1 an, j'émet l'hypothèse sérieuse d'abandonner face à la difficulté pour retrouver une vie rangée et toute bien tracée.
Aujourd'hui je me dis que j'ai été leurré par les sirènes qui te font croire que tout est possible. Non, tout n'est pas possible, certains en sont capables, d'autres non. J'aurais beau lutter pour devenir quelqu'un de stylé, quelqu'un qui réussit, tout ça c'est du flan, je suis quelqu'un de normal, ni plus, ni moins. Je ne me sens plus à la hauteur d'être ce que je souhaite devenir.

Je réalise aujourd'hui que suivre sa route est affreusement compliqué, affreusement stressant. Dieu que j'envie le mouton de base, celui qui a pour rengaine métro boulot dodo avec sa petite femme chez soi... Bon objectivement parlant, je vous aurais dit le contraire 2 jours plus tôt.

Bref, venons en au faits :
1 an/1an et demi de boulot derrière moi sur ce projet
3-4 mois encore requis pour une première commercialisation
De nombreux clients attendent le logiciel
Tout mon entourage est évidemment au courant
Aucun revenu actuellement


Je ne me sens plus capable de me battre pour une vie de rêve. Je ne me sens pas assez intelligent, je ne me sens pas assez talentueux, alors je me dis qu'il faut parfois mieux sauver les meubles en étant "moyen". Je me suis peut-être vu trop beau, je me suis peut-être voilé la face pour voir ce que je voulais voir, peut-être ne suis-je pas si exceptionnel que ça.

Je me sens prisonnier de cette situation. La honte d'annoncer à tout le monde que finalement j'abandonne vient défier cette terrible envie d'abdiquer.

Et je me retrouve perdu. Avec une vie potentiellement folle, une vie potentiellement ratée, et aussi une vie comme tant d'autres, une vie simple, sans paillette. Ne dit-on pas que le mieux est l'ennemi du bien ?

Quel regard avez-vous sur la situation ? Avez-vous déjà été confronté à ces problèmes ?

Merci de m'avoir lu !
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By jazzitup
#116048 Ne mélange pas réussite de ton produit, être quelqu'un qui réussit aux yeux de ton entourage, et ta réussite personnelle.

Arrange-toi d'avoir un réseau autour de toi pour te soutenir dans les moments de doute (trouve une association d'entrepreneurs avec une bonne dynamique par exemple).

Finalement, tu as quel âge si tu sors d'une école ? C'est le seul moment où tu peux réaliser quelque chose d'un peu fou et manger des pâtes. Une fois habitué à un certain train de vie, ou mieux avec une famille à entretenir, tu ne pourras plus. Chéris le voyage que tu entreprends maintenant, parce que c'est rare et précieux, pas la destination (succès ou échec) qui dépend assez peu de toi au final.
By Memphis
#116049 [quote="EyesWideShut"]
Quel regard avez-vous sur la situation ? Avez-vous déjà été confronté à ces problèmes ?


Dans la période de ma première création d'entreprise, quelques temps avant la concrétisation, oui, ça ressemblait à ça.
D'après ce que je lis, tu traverses une phase de doutes tout à fait "normale", tout au moins assez fréquente.
Ne reste pas seul à ruminer ça, mais n'écoute surtout pas les pessimistes, tous ceux qui te diront que tu as raison, qu'il vaut mieux que tu rejoignes le troupeau. En général, ce sont les mêmes qui n'ont jamais rien créé. Ou alors ils se sont plantés et voudraient que ça arrive aussi aux autres. Bref, il faudrait que tu puisses discuter avec des créateurs d'entreprises, des gens dans la même dynamique que toi, ça aide énormément.
Tu parles surtout de "l'après", tu envisages ta vie future selon les alternatives "si ça marche" et "si ça ne marche pas". Tu flippes, en somme :-) Pour l'instant, ce n'est pas le sujet qui devrait te préoccuper, car ce ne sera que la conséquence de tes choix précédents. Va au bout de ton projet, fais ce que tu as à faire pour que ça marche. Apparemment, c'est très avancé, ce serait dommage, et tu le regretterais sûrement tôt ou tard. Tu as déjà des clients prêts à te l'acheter, franchement il te faut quoi de plus ?
ByEyesWideShut
#116072 Bonsoir et merci de vos réponses !
Donc pour apporter quelques précisions, j'ai 22 ans, et comme vous dites, il est vrai que c'est sans doute maintenant qu'il faut tenter le coup.

Deux catégories de personnes m'entourent :
- Les contacts professionnels (entrepreneurs, clients, futurs clients...) qui ne cessent de me dire "c'est génial, fonce, ça va cartonner !"
- Les contacts personnels (amis, père...) qui parfois me disent "tu sais, c'est difficile l'entrepreneuriat, c'est peut-être mieux pour toi de viser moins haut. C'est quand même bien d'avoir un boulot à 38K€". Ma mère me soutient comme jamais, mon père lui même entrepreneur ne cesse de me répéter les différentes difficultés du métier. Sans doute parce que pour lui, ça n'a jamais très très bien marché.

Comme vous le dites, je crois que je suis en ce moment assez terrifié, un peu comme avant un examen. Durant des années j'ai rêvé pouvoir faire quelque chose de ma vie, et là c'est bientôt l'heure du jugement : je saurai si je rêvais éveillé ou pas.
Alors, ne pas ouvrir cette petite boite qui contient la réponse est tentant. Ne pas savoir qu'on échoue, ça laisse de l'espoir quant à l'avenir.
Un peu comme lorsqu'on refuse d'aller discuter avec une femme qui nous plait, un "elle aurait peut-être accepté un café" est nettement moins douloureux qu'un "dégage".

J'ai lu [url=http://www.lesechos.fr/formations/entreprendre/articles/article_5_5.htm]un article intéressant[/url] sur le sujet, et je me retrouve dans de nombreux points. Comme le dit Memphis, ça a l'air d'être le lot de chacun.

Un point qui me fait particulièrement peur :

[quote]La solitude. Dès le processus de création et pendant de longs mois, l'entrepreneur se retrouve confronté au quotidien à une réalité nouvelle : la solitude. Seul dans sa tête et seul face à la prise de décision et à l'action. En effet, quel que soit le soin qu'il ait pu apporter à la constitution de son équipe (voir l'article de Vicky Meakin et Bill Snaith, dans le cahier 6 de L'Art d'Entreprendre), les relations qu'il entretient avec ses « compagnons d'aventure » se situent, presque fatalement serait-on tenté de dire, sur un terrain radicalement différent de celui qui caractérise les rapports entre un directeur et ses collaborateurs au sein d'une entreprise.
Je n'ai aucun problème de vie sociale actuellement, seulement je constate que les relations amicales se renouvellent régulièrement. Dans mon cas, je ne connais mes amis que depuis 5 ans.
Plus jeune, lorsqu'on change d'établissement scolaire, créer de nouveaux liens sociaux est aisé. Mais que se passe-t-il si pour X ou Y raison, mon cercle social rétrécit ?
Un salarié dans une grosse entreprise pourra très bien aller boire des coups avec les collègues, on remarque d'ailleurs qu'une bonne partie des liens sociaux provient du milieu professionnel.
En tant qu'entrepreneur, c'est différent. On accepte de passer sa vie dans une relative solitude.
Un peu effrayant.

Et pourtant, dieu sait que cette façon de vivre amène fierté lors des réussites. La possibilité de gérer soi-même sa vie, sa façon de travailler, d'être le seul maitre à bord, c'est quand même très bon.
Mais on a tendance à oublier que le prix à payer est quand même relativement élevé...
ByEyesWideShut
#116073 L'idée de l'association d'entrepreneurs est vraiment très bonne jazzitup.
Merci :-)
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By Dje
#116074 Il faut être incommensurablement fou et malheureux pour pousser vers la sécurité quelqu'un qui a 22 ans, la niaque, un projet, et des clients.
Ils ne pensent qu'à deux choses : leur propre âge, et leur propre sécurité.

Fonce. Mais fonce.

Au sommet de toutes les croyances limitantes : croire que si on échoue aujourd'hui il ne restera pas assez de demains pour nous en consoler. Au pire, tu te plantes. Et alors ? Au mieux, tu te gaves.
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By jazzitup
#116086 [quote]Un salarié dans une grosse entreprise pourra très bien aller boire des coups avec les collègues, on remarque d'ailleurs qu'une bonne partie des liens sociaux provient du milieu professionnel.


Un salarié dans sa grosse boîte peut aller boire des coups avec les collègues pour devenir qui fera partie de la prochaine charrette de licenciements, voir en pousser quelques-uns vers la sortie. N'aie pas d'illusions sur les amitiés entre collègues dans le job à 38 kE à la Défense.

[quote]En tant qu'entrepreneur, c'est différent. On accepte de passer sa vie dans une relative solitude.

C'est bien faux, et c'est pour cela que tu peux aller faire quelques heures de bénévolat dans une association que tu auras choisie avec précaution. Tu risques même d'y rencontrer des clients ou ton futur associé.
ByEyesWideShut
#116088 Merci pour tes lumières jazzitup, l'associatif m'était totalement sorti de l'esprit !

Vos réponses m'ont redonné le coup de boost qu'il me fallait, et si on ajoute à celles-ci les nombreux bons threads qui constituent cette partie du forum (conference-fail-conf-echouer-pour-reussir-vt8683.html par exemple), je suis l'homme le plus heureux du monde :D
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By madnessfr
#116116 [quote="EyesWideShut"]

Bref, venons en au faits :
1 an/1an et demi de boulot derrière moi sur ce projet
3-4 mois encore requis pour une première commercialisation

De nombreux clients attendent le logiciel
Tout mon entourage est évidemment au courant
Aucun revenu actuellement



plus de 80% du chemin fait, ca serait bête d'abdiquer non ?

Il y a quelques temps j'avais assisté à une conférence sur l'échec (Failcon), le leitmotiv:

"It's time to stop being afraid of failure and start embracing it."
Regardes qqvidéos si ca peut te remotiver, mais encore une fois, si tu lâches, c'est un peu comme si tu arretais l'école à 4 mois de la fin de ton diplôme.

Si tu rates, tu ne meurs pas avec ton idée. Un mec qui a le culot et ose se lancer seul,ca se revend très bien par la suite. Bien mieux que celui qui a abandonné à quelques marches du sommet ;-) !
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By Dje
#116120 [quote="madnessfr"]plus de 80% du chemin fait, ca serait bête d'abdiquer non ?
C'est un peu faux de considérer que 80% du chemin est fait, puisqu'il reste à faire vivre la boîte.
L'idée derrière tout ça, c'est surtout que EyesWideShut arrive bientôt à la frontière de ce qu'il connait (développer son produit dans son coin sans en dépendre) et de ce qui l'attend (construire là dessus). Sa remise en question ne porte pas véritablement sur la valeur de ce qu'il a déjà fait, mais fondamentalement sur son angoisse de ne pas être à la hauteur du prochain défi.

On a beau être expert en aéronautique, concevoir des trains d'atterrissage ou piloter soi même un avion, le parachutisme n'a rien à voir. Il faut débrancher de ses angoisses une demie seconde, et sauter sans se préoccuper de ce que le cerveau hurle.
ByEyesWideShut
#116159 [quote="Dje"][quote="madnessfr"]plus de 80% du chemin fait, ca serait bête d'abdiquer non ?
C'est un peu faux de considérer que 80% du chemin est fait, puisqu'il reste à faire vivre la boîte.
L'idée derrière tout ça, c'est surtout que EyesWideShut arrive bientôt à la frontière de ce qu'il connait (développer son produit dans son coin sans en dépendre) et de ce qui l'attend (construire là dessus). Sa remise en question ne porte pas véritablement sur la valeur de ce qu'il a déjà fait, mais fondamentalement sur son angoisse de ne pas être à la hauteur du prochain défi.

On a beau être expert en aéronautique, concevoir des trains d'atterrissage ou piloter soi même un avion, le parachutisme n'a rien à voir. Il faut débrancher de ses angoisses une demie seconde, et sauter sans se préoccuper de ce que le cerveau hurle.
Exactement. Entreprendre (et pas seulement d'un point de vue professionnel), c'est parier. Parier que le jeu en vaut la chandelle. Parier que notre entreprise sera source de réussites.

Parfois il est bien plus simple de ne pas parier et de rester dans sa zone de confort. Vos messages sont pleins de bon sens, si je ne prends pas le risque alors que je suis célibataire, aidé par les parents, avec une super opportunité et un marché dégagé pour me retourner, je ne prendrai tout simplement jamais le risque.
Et ça sera peut-être ça, l'échec : celui de n'avoir jamais tenté sa chance.

Je me donne 6 mois pour voir ce que ça donne, si dans 6 mois j'arrive à vivre de mon projet (et vue qu'ô joie, l'informatique ne demande quasiment pas d'apport financier, ça pourrait arriver) ou que les perspectives sont très bonnes, je vous ferai tous 20% ;-)
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By wu-weï
#116203 Une contribution sous forme d'idée pour aider à ton lancement :

Si ton produit tourne et fonctionne, commences à le vendre.

Autour de tes premiers clients, qui deviendront tes références et tes partenaires "historiques", crée un club d'utilisateurs.

Ce club d'utilisateurs te permettra plusieurs choses :
- conserver une relation privilégiée avec ces clients
- dialoguer en direct avec eux
- obtenir des retours d'informations sur ton produit, son usage, sa technicité, ce qui lui manque, les besoins de tes clients, les fonctions à développer, les améliorations, etc.
- Ca te sort de la solitude de la conception et te met un pied dans le pratique et le concert, i.e. brise la "solitude"
- en terme de positionnement social, tu deviens le fédérateur d'un réseau interprofessionnel

Je vais te donner plusieurs exemples de grandes sociétés qui pratiquent ainsi :

- Adobe, qui tient une conférence annuelle style TED, ou Fail-conf sur des développements extérieurs qu'ils intègrent parfois ensuite. J'ai vu une vidéo dune fonction de "défloutage/augmentation du nombre de pixels/résolution" carrément bluffante.
un des dirigenats d'Adobe plaisantait en public en disant qu'il faudrait peut-être intégrer ça au prochain Photoshop.

- Porsche : dés sa création et les années 50, Porsche a mis en place un retour d'information client poussé. De ce retrou, Porsche a systématiquement pesé chaque demande de la clientèle, mené des essais et pris en compte/ecarté ces propositions.
Toutes les cgrandes marques d'automobiles de luxe ou de sport ont un [Marque] owner's club.
=> c'est un "club utilisateurs" des produits automobiles.

- ESRI : leader mondial du SIG (système d'information géographique). Ils ont évidemment des clubs utilisateurs dans tous les pays et on pourrait penser qu'une entreprise informatique d'une telle puissance vend des solutions "clés en mains - 0 bugs".
Et bien, je peux témoigner que même des "grands" vendent des logiciels dont la mise en pratique, lorsque tu es le client qui essuie les plâtres tient plus du prototypage et du Beta que du "prêt à fonctionner".

A te lire, je n'ai pas bien compris ce qui te bloquait.
L'hésitation, la peur, on la connait tous.
L'échec aussi.
Tu remets ton ouvrage sur le tissage (ou l'inverse?) et recommences...en mieux!

Il n'y a que ceux qui ne font rien qui ne risquent rien...et surtout pas de se réaliser, parce qu'au-delà de de réussir ou d'échouer, et donc de se soumettre à al validation des autres, c'est de vivre et d'apprendre qui est important. :wink: