Avoir une vie stylée

Modérateurs: animal, Léo

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By Clem'T
#144252 Bonsoir,

Je lis beaucoup et j'avais envie d'avoir votre avis sur cette question. Est-ce que vous lisez beaucoup de livres (romans ou autres) et est-ce que vous arrivez à les partager aux autres, même aux non-lecteurs ?

Si oui, comment ?

Si non, pourquoi est-ce que vous avez une idée de pourquoi ça ne semble pas intéresser les gens aujourd'hui ?
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By la mouche
#144296 Pour montrer sa culture intelligemment, il faut être très fin, ca prend du temps.

La plupart du temps, mieux vaut taire sa culture, tu te rendras assez vite compte qu'il y a rarement des retours. Je ne parle culture qu'avec mes amis les plus proches. Le reste du temps, je ne peux aborder que des parties très précises de ma culture, genre tout ce que j'ai lu sur la voile et les récits d'explorateurs. La dimension voyage peut intéressé.

Le reste, philosophie, littérature, gardes le pour toi tant que tu sais pas en parler efficacement. Après, tu verras que naturellement, ton sens de la répartie se développera, à force de lire Alphonse Allais, j'ai réussit à placer quelques jeux de mots ambigus qui m'ont parfois aidé à sexuer.

En résumé, lis mais n'en parle pas.
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By Dje
#144297 [quote="la mouche"]gardes le pour toi tant que tu sais pas en parler efficacement
[...]En résumé, lis mais n'en parle pas.
Ca me parait être la recette miracle pour ne jamais apprendre à partager efficacement ses passions, et par extension pour ne jamais retenir l'attention de celles qui s'intéressent aux hommes de lettres.

J'ai l'approche rigoureusement inverse : Clem'T, parles-en quand ça te fait envie et avec le temps tu apprendras à bien le faire. Quelle que soit ta passion, elle peut être reçue avec entrain ou dégoût. J'ai certaines fois entendu des messes basses du genre "il se prend pas pour de la merde" / "il se la joue" alors qu'avec le même discours j'en ai passionné d'autres qui m'ont demandé encore et toujours plus de détails sur un aspect ou un autre.

Il faut lâcher innocemment, au détour d'une conversation, un morceau de ce qui te passionne. Plus tard, un autre. Si ton interlocuteur est mordu au sujet que tu as effleuré, la première fois il peut ne pas t'avoir interrompu par politesse (il est important de savoir communiquer la possibilité d'être interrompu), mais la seconde fois il y manquera rarement. Une fois que tu as reçu ce feu vert, tu peux aborder le sujet plus en profondeur.

Au delà de ça, j'ajouterais qu'il y a une chose essentielle dans la façon que tu as d'aborder un sujet-passion. Il ne faut pas s'en tenir à dire "j'ai voyagé ici / j'ai visité ça". C'est factuel, c'est naze, ça n'intéresse que ceux qui sont déjà passionnés et répété indéfiniment ça finit effectivement par transmettre de la fierté mal placée. Il faut donc aborder ton sujet-passion sur le plan du pathos. Comment tel ou tel endroit t'a fait sentir, comment tel ou tel voyage t'a changé, comment tel ou tel roman t'a inspiré. Là on rentre dans quelque chose d'intéressant parce que ça dit quelque chose sur toi, sur ton caractère, sur ta vie, plutôt qu'une vague liste de ce qui trône sur tes étagères.

Fondamentalement, on s'en fout un peu de savoir que tu as l'intégrale de la Pléiade chez toi ou que tu as lu 17 fois À la recherche du temps perdu. Tu intéresseras les passionnés du sujet et les spécialistes, mais le reste du monde se sentira étranger à la discussion et incapable d'y participer. Mais si tu traînes tout ça sur le plan émotionnel, là tu tiens quelque chose. Non seulement ils ne touchent pas à ce que tu sais mais à ce que tu es, ce qui est bien plus intéressant, mais en plus les oiseaux à l'ego meurtri ne te voleront pas dans les plumes.

Si tu t'es fait tacler, c'est que tu étais soit entouré d'illettrés fiers de l'être (on peut être un illettré tout à fait respectable tant qu'on n'y puise pas de fierté), soit que tu t'es mal arrangé dans la communication de ta passion. Démerde toi pour que ce soit 1. inoffensif et 2. personnel.
By Synchronn
#144298 Savoir lire c'est à la portée de n'importe qui.
Comprendre, on fait déjà le tri.
Savoir en parler/raconter/retranscrire, on touche une faible proportion de la population .
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By Elan
#144303 [quote="DesEsseintes"]Encore une fois, écouter Fabrice Luchini si vous voulez un exemple de quelqu'un qui sait parler de livres, de littérature, de théâtre, de philosophie... ne peut être que bénéfique et inspirant.C'est pareil pour les autre domaines d'ailleurs, tant qu'on sait en parler.

Je dois avoir les mêmes bouquins de voile et d'explorateurs que la mouche, en parler peut être passionnant même si une discussion de voileux peut vite devenir sans aucun intérêt pour une personne extérieure :mrgreen: Les anecdotes pas trop techniques ok, le vocabulaire moins.
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By coug
#144304 [quote="Clem'T"]Bonsoir,

Je lis beaucoup et j'avais envie d'avoir votre avis sur cette question. Est-ce que vous lisez beaucoup de livres (romans ou autres) et est-ce que vous arrivez à les partager aux autres, même aux non-lecteurs ?

Si oui, comment ?

Si non, pourquoi est-ce que vous avez une idée de pourquoi ça ne semble pas intéresser les gens aujourd'hui ?
Simple question: pourquoi diable veux tu partager quelque chose d'intéressant (à priori), avec des personnes qui ne s'y intéressent pas... ?
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By coug
#144307 Merci Synchronn pour cette intervention comique :mrgreen:

Un minimum d'intelligence sociale et de Quotient Émotionnel permet de comprendre au plus tard, au bout de ta première phrase, si en face, la personne est intéressée par le sujet. Souvent, s'intéresser et observer la personne avec qui on interagit, c'est mieux que les chaussettes...

Par ailleurs, l'une des questions de l'auteur est de savoir comment intéresser les personnes afin de pouvoir en parler, qui pourtant, ne s'y intéressent pas.

D'ou mon interrogation: Pourquoi diable vouloir partager sur un sujet, qui n'intéresse pas ton interlocuteur?

C'est une vrai question, on a tous des connaissances comme ca, qui peuvent pas s'empêcher de partager leur "passion", sans le moindre discernement vis a vis de l'interlocuteur qu'ils ont en face. Alors certes, c'est moins pire quand il s'agit de littérature que de tuning, mais tout de même..
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By la mouche
#144311 [quote="Dje"]Ca me parait être la recette miracle pour ne jamais apprendre à partager efficacement ses passions, et par extension pour ne jamais retenir l'attention de celles qui s'intéressent aux hommes de lettres.

Comme je l'ai dis un peu avant la phrase que tu cites, j'en parle avec mes amis, des gens intéressés. Avant d'apprendre (pour autant que ce soit possible) aux gens à s'intéresser à de nouveaux sujets, faut d'abord apprendre à leur parler de ce qu'ils connaissent et apprécient. Mais en dehors de cadres cultivés (suite de conférences, certains milieux sociaux), parler de littérature n'est pas une bonne approche. Hors, là on a quelqu'un qui visiblement à peu de gens intéressé par les lettres autour de lui. Mieux vaut qu'il apprenne à parler de choses qu'il aime mais autre que la littérature.

Pour pousser l'exemple de la voile, j'ai parlé littérature avec certain voileux, et même si c'est un sujet sur lequel les gens m'écoutent habituellement, je suis vite passé pour un snob.


[quote="Elan"]Je dois avoir les mêmes bouquins de voile et d'explorateurs que la mouche, en parler peut être passionnant même si une discussion de voileux peut vite devenir sans aucun intérêt pour une personne extérieure :mrgreen:
Je confirme, même après avoir expliquer 15 fois à mes amis ce qu'est un foc, ils y arrivent toujours pas. J'ai envie de les enlever et de faire un aller/retour en Angleterre sur un 30pieds, au moins ils comprendront. :mrgreen:
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By eddy
#144312 [quote]Je lis beaucoup et j'avais envie d'avoir votre avis sur cette question. Est-ce que vous lisez beaucoup de livres (romans ou autres) et est-ce que vous arrivez à les partager aux autres, même aux non-lecteurs ?

Quand un livre est particulièrement pertinent à la conversation que je suis en train d'avoir, alors oui je le mentionne: "tiens tu pourrais jeter un coup d'oeil à X, il en parle très bien, je te le prêterais si tu veux". Faut déjà avoir un certain intérêt en commun avec la personne par contre... Mais les trois quarts du temps, quand un truc me passionne, la personne lambda en face de moi en a rien a ciré et je vais l'ennuyer avec mes histoires. On ne partage pas tout avec n'importe qui.

[quote]Si non, pourquoi est-ce que vous avez une idée de pourquoi ça ne semble pas intéresser les gens aujourd'hui ?

C'est un peu comme la musique classique où il faut tendre l'oreille. La lecture est moins accessible aujourd'hui qu'un show à la con à la TV. Lire requiert la petite dose d'effort qui est suffisante à dissuader la majorité des gens... C'est bien dommage, parce que tout le monde sans exception adore lire un bon livre.
By Synchronn
#144313 Le problème n'est donc pas les livres mais savoir en parler. Quand on est intéressant, on est susceptible d'intéresser même les plus crétins.

La lecture est une activité commune, se croire intéressant ou spécial parce qu'on lit est la première erreur.

Mais oui c'est plus simple de croire que l'autre est fermé. .. n'a pas cette finesse d'esprit.
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By Ventel
#144314 Peut-être parce que la littérature en tant que telle est « une source » qui peut amener des thèmes de discussion très variés et très riches en anecdotes/scoops.
Je pense à certains domaines en particulier : l'art, le cinéma, la philosophie, la psychologie, la culture, la dévalorisation du français au quotidien, la vie intime des auteurs, des problèmes moraux, des figures héroïques, des souvenirs, la fascination de l'objet livre, l'apport idéologique, etc.
Ex : on peut commencer à parler de la rivalité entre Sartre et Camus ; puis, on peut tergiverser vers ce que pouvait être le Paris des années cinquantaine ; et, ensuite, on en vient à finir à parler des différentes capitales européennes, des pays qui nous ont marqués, etc.
On est ainsi bien loin de la discussion sur le dernier job qui n'a pas marché ou sur les études qui ont été longues et chiantes

Pour compléter les propos de Dje (toujours aussi pertinents et audacieux), je pense qu'il faut à tout prix éviter l'attitude du geek autiste et du mauvais pédagogue qui veut déballer un exposé ou une démonstration de valeur
Dans un contexte où il faut être badin et se montrer très bref, j'aurais tendance à utiliser des anecdotes succulentes/méconnues qui pourront impressionner/épater les gens qui n'ont pas un pied dans le domaine que je veux partager. Surtout du vécu personnel, du ressenti, des émotions, des petites gaffes, des trouvailles, et des étonnements.
Michel Onfray, peut-être assez creux dans le fond, arrive assez bien à partager son goût pour la philosophie. Il vit son sujet ; il le partage ; et il le ressent.


Pour ma part, je sais pertinemment que rien ne changera dans la tête de ceux à qui je parle. Au soir, chez eux, ils n'auront pas envie de consulter Proust/Hugo/Camus pour en savoir plus ; ils continueront à lire trois ouvrages pas an (dont deux sur la psychologie et les problèmes affectifs) ; mais, par contre, je sais que j'aurais marqué leur mémoire et qu'en ma compagnie, ils se seront sentis plus « pensants », « ouverts », « imaginatifs » que d'habitude. Ils auront eu un aperçu de l'univers qui est le mien. Et ils resteront libres d'y rentrer ou de le fuir.
Par contre, si je sens que de l'attrait se manifeste, je n'hésite pas à faire un peu de maïeutique socratique et à utiliser leurs prérequis pour mesurer leurs a priori et les obliger à s'exprimer. Le but étant de briser le monologue et d'entamer un dialogue dirigé où la fille construit elle même le thème.

C'est toujours ce qui me fait sourire à la fin d'une date, la fille me dit souvent : « - Ho j'ai l'impression d'avoir parlé des heures ! Et finalement, je ne sais rien du tout sur toi ! »
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By coug
#144315 [quote="Synchronn"]Mais oui c'est plus simple de croire que l'autre est fermé. .. n'a pas cette finesse d'esprit.
En effet, d'ailleurs Synchronn, n'est ce pas être sois même fermé et manquer de finesse d'esprit, que de penser que la seule raison qui pourrait amener quelqu'un à ne pas s'intéresser à de la poésie ou des alexandrins, serait un manque d'ouverture? ;)

D'ailleurs, avant de faire du binaire "être fermé, être ouvert", ou de résumer une problématique complexe au simple "il faut savoir en parler", il conviens peut être de considérer la conjoncture. La même personne peut être tout à fait réceptive, ou tout à fait hostile, en fonction des circonstances, à écouter quelqu'un sur un thème.

D'ailleurs, c'est un peu égocentrique, que de penser qu'il suffit de savoir en parler pour intéresser quelqu'un. Peut être qu'en toute sincérité, ca ne l'intéresse pas le moins du monde, peu importe comment c'est abordé.