- Jeu Oct 02, 2014 9:50 pm
#158597
Encore une belle citation du CRN
[size=150]Tyrannie d'oxymore[/size]
[quote]Qu’un humain puisse dépendre d’autre chose que de lui-même, qu’il puisse être tributaire de ce qui est inéluctable ou permanent – que ce soit du fait d’un dieu, de l’inné ou de l’acquis – qu’il ne soit pas en toutes circonstances son seul maître et sa propre boussole, ô comme ça les défrise les bienveillants prédicateurs qui chantent les louanges du millénaire nouveau. Le Destin les répugne… Mais ils sont de moins en moins contrariés ; et, ravis du monde qui va, ils bêlent ce refrain :
A bas l’Amor Fati
Le sort au pilori !
Le sort à la potence,
A bas la Providence !
Aussi celle qu’ils ont toujours abhorré c’est la sœur du Destin. La Nature… cette infâme fourbasse qui impose tout plein de trucs à tout plein de gens sans jamais consulter qui que ce soit, et surtout pas eux, les grands utopistes au cœur tagada… Il faut dire qu’elle a de quoi les débecter ! Pétrie qu’elle est d’altérités et d’aléas… C’est de sa faute si jusqu’ici les membres de leur Humanité chérie ne sont jamais parvenus à cohabiter tous ensemble dans la joie et la bonne humeur… Alors, pour y remédier, ils l’ont amadouée la Nature, ils lui ont fait des courbettes ! des papouilles ! Ils lui ont donné un nom pompeux, ils l’ont appelée l’Être Suprême. Ils se sont complus devant elle en génuflexions, lui ont fait croire pour mieux la lui mettre à l’envers qu’ils étaient ses dociles serviteurs… Mais ils n’ont pas abattu la Nature et le Destin, ils n’ont renversé ni la sœur ni son frère, car trop attachés à l’existence de l’Homme et de ses Droits. Il eût pourtant suffi qu’ils déclenchassent une pétarade atomique ! Il eût été cocasse le feu d’artifice ! Quelques boutons pressés, quelques bombes larguées, et hop c’en eût été fini… Mais non, les prêche-joie sont très prudents ; si ce n’est pas en Lui, ils ont gardé la foi. Et puisqu’il leur était impossible, sans renoncer au réel, de liquider la Fatalité, ils ont décidé de l’amender par l’érection d’un jargon officiel et de la rectifier…
Son Altesse Oxymore, empereur de la Négation, grand duc de l’Indifférenciation, est pour le moins autoritaire. Se rendra coupable de félonie tout contempteur du prince de l’Absurdie. Ne vous avisez pas de fomenter de soulèvement contre lui ou c’est en réactionnaire que vous serez réduits. En son domaine la seule ligne qui vaille est celle-ci : toute discrimination se doit d’être abolie.
Dorénavant, plus besoin de s’accommoder du déterminisme, plus besoin d’aimer ce que la nature a donné en gage ou ce que la destinée a engendré ; on altère, on contrecarre, on riposte par un langage effectif et efficient du correctif et du nivellement. Comme chaque mot comporte un sens – donc une disparité – on lui accole son contraire. Est à présent révolu le paradigme obscurantiste à cause duquel, autrefois, on osait établir entre les êtres des distinctions. Il est désormais désuet de considérer que l’art est affaire d’élite, qu’à un athlète la santé est nécessaire ou que le mariage est l’union de personnes de sexes différents… Culture et Démocratie, Mariage et Homosexualité, Sport et Handicap sont enfin réconciliés !
Enfin… Enfin les tarlouzes ont acquis le droit de se passer la bague au doigt ! Enfin les bouffeuses de fouffes adoptent des gosses et convolent en justes noces ! Enfin aux gouines et aux fiottes on fait la part-belle… enfin la sodomie contractuelle ! Ratifiée par le maire… en pleine lumière… Enfin ! Enfin… Enfin les toiles de maître sont accessibles qu’on porte ou non le bermuda et la casquette, qu’on chausse ou non les sandalettes ! Enfin la visite du Louvre en tongs… enfin les culs-de-jatte exhibent leur talent au ping-pong ! Enfin les bigleux jouent au ballon et caracolent en sprint, en demi-fond ! Abrogées, proscrites, infirmité, vulgarité et perversion… Enfin les prothèses aérodynamiques… enfin les trous de balle monogamiques ! Enfin Patoche et Mireille explorent les musées ! Enfin la danse et le judo pour amputés… Enfin Mathias et Rémi ont eux aussi leur pièce montée ! Depuis le temps qu’on l’attendait… Enfin, enfin ! Depuis l’aube des temps… Enfin la culture pour tous… le mariage pour tous… le sport pour tous… Anus outragés, finie la contrition ! Gloire à l’impotence, aux mutilations !…
Sous la tyrannie d’Oxymore, ce qui ne tue pas ne rend plus fort ; ce qui ne tue pas rend pareil, pareil à tous, pareil au même, le même que tous ; un privilège qui, jadis, était celui de la mort. Et soyez-en sûrs, la dynastie oxymorienne a de l’avenir et des projets en pagaille ! Bientôt du risque sonnera le glas et le péril périra. Bientôt l’aventure contrôlée, l’épopée sécurisée… les guerres douces et les croisades tranquilles… Bientôt les charniers humanistes et les carnages paisibles… Bientôt… bientôt… Bientôt le clairon pacifique… et déjà ce refrain magnifique…:
A bas l’Amor Fati
Le sort au pilori !
Le sort à la potence,
A bas la Providence !
Que j'illustrerai par une magnifique image :
[img]http://www.essonne.fr/typo3temp/pics/0bebe9c45c.jpg[/img]
Si tu peux être amant sans être fou d'amour,
Si tu peux être fort sans cesser d'être tendre
[...]
Et si tu peux aimer tous tes amis en frère
Sans qu'aucun d'eux soit tout pour toi ;
[...]
Tu seras un Homme, mon fils.
