- Sam Mar 30, 2013 9:58 pm
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[size=150]Episode 6 : «je sais que nous nous reverrons»[/size]
[img]http://www.spikeseduction.com/wp-content/uploads/imagewell/agata7.jpg[/img]
La journée a commencé avec les questions légitimes de mon acolyte, auxquelles je répondais avec d’autant plus de facilité que - contrairement à l’heure actuelle - c’était tout frais. L’essentiel dit, il avait faim et j’ai enfilé mon deuxième et dernier bermudas (le même que l’autre, en rouge) pour aller prendre le petit déjeuner sur la plage.
A vrai dire les petits déjeuners ne se prenaient pas vraiment sur la plage. Non qu’il n’y avait pas de plage, mais il n’y avait pas de petit déjeuner dans ce pays. Certains restaurants y préparaient des substituts, sur base d’inspiration en provenance d’un peu tous les pays du monde. Il y avait ainsi du fruit aux céréales, de l’omelette au cochon, des galettes de riz frites et du café à la crème. J’ai choisi les fruits coupés, du yoghourt et un café et lui les galettes, ou bien c’était l’inverse je ne sais plus. Puis, déjà proches du zénith du soleil, nous sommes sortis faire ce que tout le monde fait sur une île perdue en vacances : s’emmerder.
A ma grande surprise, cette région pays ne pratiquait plus le jetski, ni le wakeboard, ni le ski nautique, suite à de trop nombreux accidents de vacanciers. Restait la plongée sous-marine, dont mon baptême était pour le lendemain, le tour de l’île en bateau (déjà fait la veille), et les raquettes. Nous avons donc joué aux raquettes sur la plage pendant une heure avant de rentrer à l’hôtel devant lequel la directrice cassait des noix de coco à la machette au milieu d’une portée de chats sauvages tous blancs. La présence intacte de ses deux mains et de ses deux pieds attestait d’une pratique minutieuse et d’une habileté certaine.
Devançant la faim d’une bonne heure, nous sommes allés choisir un des restaurants de la plage, comme d’habitude, à l’odeur, en passant derrière les cuisines. Les nouilles sautées aux noix de cajou ou équivalent étaient grasses et brûlantes, mais ce n’était rien à côté du soleil, qui aurait pu cuire un oeuf. Quelques touristes à la peau marron comme du cuir installaient leur serviette près du ponton pour une intense après-midi allongée. Lourds comme des outres, nous sommes rentrés par le chemin le plus ombragé qui prenait la ville par derrière, tout au bas de la colline. Un européen barbu en t-shirt blanc fabriquait des bracelets en corde et en métal, il en avait au moins cinq cent, étalés sur des tréteaux. J’en ai choisi un à la fois régulier et dodu, mais au moment de payer il a insisté pour me l’attacher lui-même au poignet et a commencé d’entrelacer les lanières trois par trois, faisant tant de tour que jamais il n’aurait pu s’ôter autrement qu’avec une paire de ciseaux. Apprêté de mon accessoire, je suis rentré à la chambre ne rien faire. La chaleur baissait, ce serait bientôt le soir.
Vers cinq heures le soleil avait fini d’écraser la vie et le monde a pu reprendre son souffle. Une colonne de nuage montait de la mer comme un gratte ciel. Ce n’était pas un tsunami, pas même un petit cyclonet, mais c’était intriguant alors j’ai sorti mon appareil photo pour tenter d’en faire du souvenir. Mais le temps de me sortir de tous les pièges du réglage manuel, la tour s’était envolée alors j’ai fini à photographier des coquillages et des cailloux. Ceux qui s’intéresseraient au résultat peuvent me demander les photos dont je suis relativement satisfait eu égard à mon faible intérêt pour ce qui touche à la photographie (un appareil photo, eut-il une forme accentuée de pénis, est infiniment moins sexué qu’un ampli, un tuner ou une platine vinyle, surtout si ceux-ci ont été fabriqués avant 1980).
En poussant la porte de la chambre je découvrais avec plaisir qu’on avait rapporté mes deux chemises du pressing local. Elles sentaient une tenace odeur d’acidifiant chimique, ce qui en langage de nettoyage à sec devait vouloir dire qu’elles étaient «propres». Une douche fraîche achevait de me rappeler ce que j’avais maladroitement tenté d’oublier toute la journée : je ne désirais rien d’autre que revoir Agata ce soir.
Certains d’entre vous pensent peut-être que la raison pour laquelle je n’ai évoqué aucun échange de numéro de téléphone hier soir est que celui-ci ne pouvait être qu’implicite au vu de ce qui avait précédé. Il n’en a rien été. Comme beaucoup de gens en voyage hors des frontières de son continent, Agata n’allumait son téléphone qu’une à deux fois par semaine, et pour le reste s’organisait en direct avec le destin, la chance, le sens du vent et tout ce que la nature et les Dieux voulaient bien donner comme repères aux vacanciers un peu curieux et aventuriers. Nous n’avions donc évoqué aucun rendez-vous, aucun lieu précis, et la seule phrase dont je me souviens d’elle (je m’en souvenais car elle l’avait prononcé avec un vrai sourire de timide, celui qui s’accompagne d’un hochement de tête gêné) était :
[quote]«je sais que nous nous reverrons».
Armés d’une certitude nettement moins franche que la sienne, nous sommes donc repartis chercher l’aventure dans les rues animées du village ou le tintement des couverts et des assiettes résonnait sur les murs inégaux des maisons. Je pensais, si je ne l’avais croisée d’ici là, me rendre sur la même plage que la veille, où le hasard (ainsi que peut-être la perspective de me rencontrer) l’auraient peut-être menée aussi.
C’est pendant cet agréable songe que je remarquais la vision d’une créature attablée à côté de moi. Elle me dérangeait. On pouvait même dire que je la sentais plus que je ne la voyais. Au milieu de touristes fluos et gluants, elle émettait l’onde éloquente de la propreté parfaite et une animalité laiteuse qui, je dois aujourd’hui l’avouer, m’attirait énormément. Oubliant Agata un instant, je n’ai pu donc pu m’empêcher de me retourner pour voir celle qui venait perturber mes plans.
[size=150]A suivre[/size]
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La journée a commencé avec les questions légitimes de mon acolyte, auxquelles je répondais avec d’autant plus de facilité que - contrairement à l’heure actuelle - c’était tout frais. L’essentiel dit, il avait faim et j’ai enfilé mon deuxième et dernier bermudas (le même que l’autre, en rouge) pour aller prendre le petit déjeuner sur la plage.
A vrai dire les petits déjeuners ne se prenaient pas vraiment sur la plage. Non qu’il n’y avait pas de plage, mais il n’y avait pas de petit déjeuner dans ce pays. Certains restaurants y préparaient des substituts, sur base d’inspiration en provenance d’un peu tous les pays du monde. Il y avait ainsi du fruit aux céréales, de l’omelette au cochon, des galettes de riz frites et du café à la crème. J’ai choisi les fruits coupés, du yoghourt et un café et lui les galettes, ou bien c’était l’inverse je ne sais plus. Puis, déjà proches du zénith du soleil, nous sommes sortis faire ce que tout le monde fait sur une île perdue en vacances : s’emmerder.
A ma grande surprise, cette région pays ne pratiquait plus le jetski, ni le wakeboard, ni le ski nautique, suite à de trop nombreux accidents de vacanciers. Restait la plongée sous-marine, dont mon baptême était pour le lendemain, le tour de l’île en bateau (déjà fait la veille), et les raquettes. Nous avons donc joué aux raquettes sur la plage pendant une heure avant de rentrer à l’hôtel devant lequel la directrice cassait des noix de coco à la machette au milieu d’une portée de chats sauvages tous blancs. La présence intacte de ses deux mains et de ses deux pieds attestait d’une pratique minutieuse et d’une habileté certaine.
Devançant la faim d’une bonne heure, nous sommes allés choisir un des restaurants de la plage, comme d’habitude, à l’odeur, en passant derrière les cuisines. Les nouilles sautées aux noix de cajou ou équivalent étaient grasses et brûlantes, mais ce n’était rien à côté du soleil, qui aurait pu cuire un oeuf. Quelques touristes à la peau marron comme du cuir installaient leur serviette près du ponton pour une intense après-midi allongée. Lourds comme des outres, nous sommes rentrés par le chemin le plus ombragé qui prenait la ville par derrière, tout au bas de la colline. Un européen barbu en t-shirt blanc fabriquait des bracelets en corde et en métal, il en avait au moins cinq cent, étalés sur des tréteaux. J’en ai choisi un à la fois régulier et dodu, mais au moment de payer il a insisté pour me l’attacher lui-même au poignet et a commencé d’entrelacer les lanières trois par trois, faisant tant de tour que jamais il n’aurait pu s’ôter autrement qu’avec une paire de ciseaux. Apprêté de mon accessoire, je suis rentré à la chambre ne rien faire. La chaleur baissait, ce serait bientôt le soir.
Vers cinq heures le soleil avait fini d’écraser la vie et le monde a pu reprendre son souffle. Une colonne de nuage montait de la mer comme un gratte ciel. Ce n’était pas un tsunami, pas même un petit cyclonet, mais c’était intriguant alors j’ai sorti mon appareil photo pour tenter d’en faire du souvenir. Mais le temps de me sortir de tous les pièges du réglage manuel, la tour s’était envolée alors j’ai fini à photographier des coquillages et des cailloux. Ceux qui s’intéresseraient au résultat peuvent me demander les photos dont je suis relativement satisfait eu égard à mon faible intérêt pour ce qui touche à la photographie (un appareil photo, eut-il une forme accentuée de pénis, est infiniment moins sexué qu’un ampli, un tuner ou une platine vinyle, surtout si ceux-ci ont été fabriqués avant 1980).
En poussant la porte de la chambre je découvrais avec plaisir qu’on avait rapporté mes deux chemises du pressing local. Elles sentaient une tenace odeur d’acidifiant chimique, ce qui en langage de nettoyage à sec devait vouloir dire qu’elles étaient «propres». Une douche fraîche achevait de me rappeler ce que j’avais maladroitement tenté d’oublier toute la journée : je ne désirais rien d’autre que revoir Agata ce soir.
Certains d’entre vous pensent peut-être que la raison pour laquelle je n’ai évoqué aucun échange de numéro de téléphone hier soir est que celui-ci ne pouvait être qu’implicite au vu de ce qui avait précédé. Il n’en a rien été. Comme beaucoup de gens en voyage hors des frontières de son continent, Agata n’allumait son téléphone qu’une à deux fois par semaine, et pour le reste s’organisait en direct avec le destin, la chance, le sens du vent et tout ce que la nature et les Dieux voulaient bien donner comme repères aux vacanciers un peu curieux et aventuriers. Nous n’avions donc évoqué aucun rendez-vous, aucun lieu précis, et la seule phrase dont je me souviens d’elle (je m’en souvenais car elle l’avait prononcé avec un vrai sourire de timide, celui qui s’accompagne d’un hochement de tête gêné) était :
[quote]«je sais que nous nous reverrons».
Armés d’une certitude nettement moins franche que la sienne, nous sommes donc repartis chercher l’aventure dans les rues animées du village ou le tintement des couverts et des assiettes résonnait sur les murs inégaux des maisons. Je pensais, si je ne l’avais croisée d’ici là, me rendre sur la même plage que la veille, où le hasard (ainsi que peut-être la perspective de me rencontrer) l’auraient peut-être menée aussi.
C’est pendant cet agréable songe que je remarquais la vision d’une créature attablée à côté de moi. Elle me dérangeait. On pouvait même dire que je la sentais plus que je ne la voyais. Au milieu de touristes fluos et gluants, elle émettait l’onde éloquente de la propreté parfaite et une animalité laiteuse qui, je dois aujourd’hui l’avouer, m’attirait énormément. Oubliant Agata un instant, je n’ai pu donc pu m’empêcher de me retourner pour voir celle qui venait perturber mes plans.
[size=150]A suivre[/size]
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