Recueil d'un tendre

- Jeu Aoû 01, 2013 10:57 pm #136446 [img]http://www.zenithfm.fr/sonia/photo/art/default/2500468-3518472.jpg?v=1290518634[/img]

Lorsque je suis devenu spectateur du monde et plus un acteur du théâtre « Terra », deux personnes sont venues m'aborder depuis mon fauteuil rouge.

La première, très agitée par les émotions et les humeurs, s'approcha de moi et me demanda pourquoi je refusais de tenir le rôle que je pouvais me confier.
Sur le moment, je lui répondis qu'il fallait m'excuser, car j'étais devenu un misanthrope à force d'entendre.
Elle ne comprit pas ma réaction et retourna jouer son rôle sur scène.

La deuxième — silencieuse et raisonnée — s'approcha de moi et me regarda plusieurs secondes sans prononcer un seul mot.
Sur le moment, je lui répondis que j'étais un rêveur.
Elle comprit ma réaction et elle profita de l'occasion pour me parler.
" — Si vous vous ennuyez, pensez donc à regarder les jeux de lumière, le décor, la régie juste à l'arrière, et puis profitez aussi de la présence des mécaniciens, des musiciens, et des spectateurs comme vous. Cet ensemble discret que nous autres, acteurs, nous ne pouvons voir est un spectacle plus honorable que celui que nous nous tuons à réaliser."


La nature humaine est une longue jérémiade.
Le fond humain est une courte symphonie.

- Jeu Aoû 01, 2013 11:24 pm #136447 [img]http://image.toutlecine.com/photos/a/m/a/amants-du-pont-neuf-1991-01-g.jpg[/img]

"Sous le feu de l'action,"

Une nouvelle vient de m'apprendre qu'un rancard est annulé.
La déception me bouleverse : une charrette vient de me percuter.

Une nouvelle vient de m'apprendre que mon ex se tape de vieux jetons.
La stupeur me bouleverse : une moto vient de me percuter.

Une nouvelle vient de m'apprendre que ma mère est peut-être malade.
La fureur me bouleverse : un Boeing vient de me percuter.

________

Une dépêche vient de m'informer qu'une prime me sera bientôt octroyée.
La joie rayonne : je pourrais soulever un rocher.

Une dépêche vient de m'informer que ma copine ne peut s'empêcher de parler de moi à son entourage.
L'extase rayonne : je pourrais soulever des montagnes.

Une dépêche vient de m'informer que mon projet vient d’impressionner une kyrielle d'inconnus.
L'orgasme rayonne : je pourrais presque défier Dieu.

- Jeu Aoû 01, 2013 11:39 pm #136450 [img]http://img.over-blog.com/500x313/3/94/38/73/mouton_noir.jpg[/img]

Que pourrions-nous dire, messieurs, d'un être voué à devenir un monstre ? D'un être qui connait son mal et qui se fait douleur afin de lutter contre sa propre programmation ? Devenant ainsi un conflit à lui tout seul.
Que pourrions-nous dire d'un homme qui lutte le jour contre ce qu'il doit être et qui profite de la nuit pour savourer le goût de la fuite ?

Nous conviendrons qu'il est un héros.

Le choix. Il n'y a que ça dans une vie. Des choix. Et puis voilà. Le reste, tu le fous à la corbeille. C'est du pipeau pour tuer le temps.

- Jeu Aoû 01, 2013 11:57 pm #136451 [img]http://turntherightcorner.files.wordpress.com/2012/11/les-miserables-marius-and-enjolras.jpg?w=800[/img]


J'voudrais que ma vie se termine à la façon d' un piano concerto de Rachmaninov : un grand tumulte et puis une fin tragique. Fusillé ! Galeux ! Enragé comme dirait l'autre.
L'enfance de Debussy deviendrait ridicule. La vie adulte de Chopin me ferait rire.
J'imagine crever en hiver, sous le poids de la neige, bien à l'abri des crottes de la rue et de la beauté suédoise.
J'entendrais les dernières notes d'une somptueuse symphonie romantique depuis mon chevet ; j'me dirais ainsi que tout ça aura été utile. Putain. Le grand coup d'émotion me passera dans les dents avant d'être paralysé une bonne fois.
Je repenserais une dernière fois à une minette qui m'aura vu puceau, amoureux ; je la reverrais attachée à mes postures cyniques, me suppliant de revenir ; J'me sentirais bien de la posséder un petit peu comme autrefois. Rien que quelques minutes. Comme ma mère que je voulais garder rien que pour moi à la gardienne.
Je jubilerais de savoir qu'une demoiselle souffre encore un peu en pensant à ma vieille trogne.
Vieux fantasme d'un jeune con quoi.

- Sam Aoû 03, 2013 11:27 pm #136564 [img]http://tpe.t5.recamier.free.fr/images/gain_acoustique.gif[/img]

Je voudrais installer une petite machine dans un coin de ma chambre. Un truc qui peut générer de l’électricité.
Bon, pas une dynamo, mais bien un dispositif capable de recouvrir ma bouche, de l'isoler — à la façon d'un masque à oxygène — pour que les bruits qui s'en échappent ne viennent pas me rendre débile pour les voisins.
Dans ces conditions j'en viendrais à propulser une gueulante, à chanter des conneries, à insulter dans le vent, à hurler mon bagou pour le monde. J'effectuerais ma part de travail. Le tout partirait en ligne droite dans une turbine au fond du réceptacle là ou se trouverait le générateur, qui convertirait cette énergie sonore en une énergie électrique — mes décibels partiraient à la bonne cause.

Ainsi, trois à quatre fois par jour, j'irais enguirlander l'appareil pour recharger mes appareils électroménagers et tout le tralala de mon nid douillet sans payer une seule redevance. Car à y penser de plus près, je sais que j'ai de la consistance à donner. Ça pourrait encore mieux marcher que des panneaux solaires. Les riches jalouseraient puisqu'un miteux s'amuse.
Je gagnerais enfin à m'exprimer sans gêner autrui. EDF me demanderait peut-être des nouvelles. Mais comme je ne suis pas le seul client, ils ne diront rien

- Sam Aoû 03, 2013 11:56 pm #136565 http://www.youtube.com/watch?v=-ip64cG7gK4

Ma sonate de Vinteuil.
Dommage que Twilight se soit mis à l'utiliser pour sa soundtrack. Ça coupe un peu le charme. Mais bon. On va rien dire.

Je trouve que la fin de Clair de lune est ineffable. J'ai tiqué sur ce morceau. J'en suis amoureux comme on pourrait l'être de la belle Juliette.
J'ai à chaque fois l'impression que Debussy a réussi à entrevoir un début de l’Arcadie ; et pour s'en rendre compte, il suffit de concentrer toute son attention sur les dernières notes. C'est tellement fort. Il y a quelque chose là-dessous. Quelque chose de pas humain.
D'ailleurs, on se sent presque transporté ailleurs. Loin. Très loin d'ici.
Pas vrai ?