- Mer Jan 19, 2011 7:35 am
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Dans un pays démocratique, comment se passe le droit de manifester et comment s'organise une manifestation?
Une organisation de la société civile (une association, un syndicat, un parti) annonce officiellement à l'Etat (au préfet ou au ministère de l'intérieur) qu'il va manifester.
Le rôle de cet état démocratique est de permettre la manifestation au nom de la liberté d'expression et d'en assurer la sécurité.
Dans un pays démocratique, l'Etat est le garant de la liberté d'expression et il doit donc le permettre.
Il discute donc des modalités de l'organisation de cette manifestation avec les organisateurs (défilé, itinéraire, lieu, horaire et modalité de dispersion pour un retour "à la normale") et apporte les moyens nécessaires à son bon déroulement dans le calme. Une expression démocratique est une expression intrinsèquement pacifique (puisqu'elle se déroule dans le cadre de la vie d'une nation "civilisée" dont le processus de débat ne passe pas par les armes ou l'affrontement).
Dans une manifestation, il y a donc une organisation.
De la société civile : qui organise un service de sécurité structuré qui coopère avec les forces de maintien de l'ordre et, le cas échéant, leur signale un débordement, une attaque de casseurs sur les manifestants. Les forces de l'ordre interviennent.
Ce service de sécurité de la société civile veille aussi à la dispersion des manifestants.
A Paris, pour prendre un exemple que je connais, une partie du service d'ordre est affecté à l'arrivée du défilé est a la charge d'orienter les manifestants vers les bouches de métro qui permettent la dispersion de la manifestation.
L'Etat, en l’occurrence, la préfecture de Paris, veille à ce que la RATP affrète suffisamment de métros de manière à avoir un débit qui permette d'absorber la masse des manifestants et sa dispersion sans congestion. Par exemple.
La préfecture donne aussi des consignes aux commerçants sur les abords de l'itinéraire.
(Fermer, rideau baissé, etc)
Dans 99% des cas, ça se passe bien.
Il arrive qu'une manifestation soit non pas "interdite" mais que son droit à manifester soir "refusé". Le motif est principalement le suivant : impossibilité d'assurer la sécurité (des manifestants, des passants, des commerces, etc).
Quand ça ne se passe pas bien :
Il arrive que des manifestants ne souhaitent pas se disperser ou bien spontanément et, hors du cadre de l'organisation de la manifestation, décident de changer l'itinéraire, de se rendre en masse à un autre endroit (pas prévu à l'origine : envahir l'Elysée, l'assemblée, le sénat) et le rôle des forces de l'ordre est de contenir ces débordements.
Auquel cas, ils contiennent les manifestants (les CRS - Compagnies Républicaines de Sécurité) voire les dispersent après quelques heures et de nombreuses demandes (sommations) de se disperser.
Ils pratiquent de même avec ceux que l'on appelle "les casseurs" et pratiquent des arrestations.
S'exprimer est un droit, la violence n'en n'est pas un.
C'est soit un délit, soit un crime dans les cas les plus graves.
Les manifestations spontanées :
Certains se souviennent peut-être de la coupe du monde 1998 où spontanément, la population avait envahi les camps Elysées.
Là, il n'y a pas d'organisation de la société civile,mais le dispositif de l'Etat est le même, avec la même mission : permettre l'expression démocratique et populaire (au sens du peuple) en assurant sa sécurité (fonction régalienne).
Historiquement :
Dans l'expression démocratique, la manifestation est un vieil usage.
Historiquement, face aux manifestations trop importantes en terme de nombre et de mécontentement, le dialogue entre Etat et population se soldait souvent à un affrontement répressif. Les forces de l'ordre n'était celles du maintien de l'ordre dont la mission était d'assurer la sécurité et de permettre l'expression de la divergence d'opinion mais celles du maintien et du retour à l'ordre.
Dans l'histoire, de nombreuses manifestations, contestations se sont terminées dans l'écrasement, la répression et le sang.
Napoléon Bonaparte, alors jeune lieutenant, s'est illustré et s'est fait remarqué en tirant sur la foule avec des canons...
En France, jusqu'à 1986 et la mort de Malik Oussekine sous les coups des voltigeurs, il y a eu des morts dans les manifestations.
J'étais dans ces manifestations de 1986 comme jeune lycéen et j'en ai fait d'autres depuis...je me suis même trouvé dans les services d'ordre de certaines grandes manifestations.
J'ai aussi vu l'évolution de la manière d'encadrer les contestations, les manifestations de toutes sortes par les forces de l'ordre.
Cette évolution va dans le sens de transformer l'appareil de sécurité de l'Etat, d'un outil de répression de l'expression populaire (et d'écrasement anti-démocratique) vers un outil d'encadrement de l'expression de l'opinion en ce sens qu'il la permet en observant une neutralité politique.
Le débat se fait (et doit se faire) entre les parties de la société : société civile et gouvernement. C'est le cadre politique de la société.
Ce que je veux dire : c'est qu'un appareil de sécurité qui "prends part" (prendre parti dans) au débat et au rapport de force de dialogue démocratique est un outil de répression.
Un appareil de sécurité dont le rôle est d'assurer la sécurité des participants, sans prendre parti, sans répression (tant que l'on respecte le cadre du débat démocratique) est un outil de sécurité qui veille au respect de ce cadre.
Il y a tout de même une sacrée différence entre avoir le droit de manifester librement et en sécurité et être réprimé en se faisant tirer dessus à balles réelles!
En matière de maintien de l'ordre, notre pays
sait encadrer des mouvements de contestation, les permettre,
sans passer par une répression sanglante (ce qui est tout de même mieux mais n'a pas toujours été le cas).
Or, quand on réprime un mouvement, ce qui se réduit à un affrontement (et les idées passent au second plan), soit on l'écrase, soit on perd.
Une citation me vient à l'esprit :
"La guerre ne détermine pas qui a raison, mais qui survit."
Là où je pense que la proposition de MAM était plus sibylline qu'il n'y parait, c'est que permettre ce mouvement en Tunisie sans tuer des manifestants, ce n'était pas forcément jouer contre le peuple Tunisien.
C'était tenter, ouvrir une porte dirions-nous, de permettre un processus de changement démocratique sans passer par l'affrontement et la répression.
Vous noterez que l'opposition qui, dans un pays démocratique, organise, structure ou reflète simplement l'opinion, puis la porte dans le débat, le "cadre politique" de la société, n'était pas en mesure d'organiser ce débat (ça me rappelle...).
Vous noterez que le Président a quitté son pays lorsque l'armée a pris parti...