- Mer Fév 25, 2009 11:36 am
#69264
"Les filles ça n'est pas compliqué tu sais, il suffit d'être gentil et serviable, ou mieux, deviens poète pour elles."
Ma mère.
Voici ce que ma mère m'a toujours ressassé à propos des filles.
Quand j'étais plus jeune je voulais bien la croire car à part jouer aux billes et lire le journal de Mickey, rien ne m'intéressait. Et je fais partie de cette génération abreuvée aux films hollywoodiens où le gentil garçon réussit toujours à séduire la plus belle fille sans faire grand chose si ce n'est paraître idiot.
Je m'imaginais donc aisément que les filles tomberaient à mes pieds naturellement, surtout que bon, c'est pas donné à tout le monde d'être le meilleur joueur de billes de la cour de récré.
Puis j'ai grandi et dès mon premier jour au collège, j'ai compris que la vision qu'on m'avait donné de la séduction était fausse.
"Bizarrement", les garçons ayant une petite amie ne ressemblaient pas - et ne ressemblent toujours pas - à des gentils garçons poètes vivant dans le sublime.
En effet, ces garçons étaient les grands sportifs ou encore les "racailles" du collège.
Heureusement j'ai vite compris qu'ils étaient appréciés car ils offraient aux filles une impression de sécurité, de changement et une validation sociale sans pareil.
J'avais compris tout cela mais malgré tout, en quatrième, j'ai comme qui dirait merdé.
Je causais avec une fille que j'appréciais énormément. Vous avez déjà compris que je l'aimais en secret. Une belle cristallisation stendhalienne dans les règles de l'art qui m'a fait tout oublier de ce que j'avais appris en observant la population du collège.
Un jour je lui ai donc déclaré ma flamme, à froid, avec une petite phrase bateau et un "Je t'aime".
Et là, c'est le drame. Je n'étais pas très populaire, j'étais aussi sexué qu'une huître de Super U et pire, j'avais dis je t'aime avec des yeux pleins d'étoiles (ou de crasse remarquez vu la bourde que cela représente dans de telles conditions).
"Je t'aime est sans nuances. Il supprime les explications, les aménagements, les degrés." Roland Barthes
Cela peut donc être très positif comme très négatif. Inutile de dire que dans mon cas c'était négatif.
Je me suis donc fait jeter.
Mais, j'avais encore une carte importante dans mon jeu, ses amies m'adoraient.
Et sans rien que je leur demande, elles lui ont fait changer d'avis. Du moins en apparence.
Nous sommes donc sortis un petit temps ensemble et évidemment, j'enchaînais les erreurs : je la collais, je semblais tout à elle et j'en passe.
Grosses erreurs évidemment car, comme le dit Lagerfeld dans Lagerfeld confidentiel,
il faut que l'autre sente toujours qu'il peut perdre son compagnon à chaque instant.
Mais dans mon cas cela ne servait à rien car finalement j'étais sur un siège éjectable dès le début étant donné qu'elle n'avait aucun intérêt pour moi.
Je me suis donc refait jeter (et vlan le deuxième effet kiss kool).
Et plutôt que de m'apitoyer sur mon sort, j'ai observé objectivement les choses et j'ai vu que tout était entièrement de ma faute, comme souvent en séduction d'ailleurs, c'est rarement la fille qui fait tout capoter.
J'ai donc encré en moi les préceptes que j'avais appris et je les ai par la suite consolidés en découvrant la communauté.
J'ai également compris que de cette fille de quatrième, je n'avais aimé qu'une image, trompeuse qui plus est.
Et ironie du sort en écoutant Fabrice Luchini réciter Valéry au mois d'octobre m'est venue à l'oreille cette magnifique phrase
Il n’existe pas d’être capable d’aimer un autre être tel qu’il est. On demande des modifications car on n’aime jamais qu’un fantôme. Ce qui est réel ne peut être désiré car il est réel. Valéry
C'est marrant de voir comme tout ce que ce forum donne indirectement comme outils pour comprendre tout ce qui se passe dans notre vie. Il suffit d'accepter de porter sur soi un regard critique et d'y passer du temps.
Maintenant que le passé est à peu près balayé, en avant vers le présent.