- Mer Juil 09, 2014 10:36 pm
#155247
L'histoire commence il y a maintenant quelques années. C'était durant l'hiver.
Notre école possédait des locaux qu'elle réservait pour certaines banques, afin d'une part de permettre à celles-ci de se rapprocher à l'avance de clients intéressants, et aux élèves d'avoir leurs conseillers à proximité.
J'avais ouvert un compte dans l'une d'elle.
J'étais alors membre d'une association d'élèves pour laquelle je faisais un peu de comptabilité. Et il se trouve qu'une partie de mon travail consistait à vérifier les comptes de cette association avec l'aide de cette même banque.
Danae en était la principale conseillère.
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Danae m'impressionnait trop. Quand j'ai commencé à faire partie de cette association d'élèves, mon prédécesseur pris en charge ma formation et me présenta à elle.
Je la voyais alors rire et badiner avec lui avec beaucoup d'aisance dans sa féminité. Mon prédécesseur, de son côté, participait au badinage avec beaucoup de détachement, un détachement que je n'aurais pas su avoir à l'époque. (Mon ex avait un caractère plus H et les femmes trop féminines m'impressionnaient.)
Durant les premiers mois qui ont suivis cette présentation, nous nous sommes alors vus régulièrement dans son bureau, au rythme d'environ une fois par semaine.
Le registre était très formel et nous ne nous parlions jamais autrement que par le vouvoiement.
Où en sont les comptes, quelles factures manquent à l'appel, tout un tas de broutilles professionnelles sans grand intérêt...
Danae avait de beaux cheveux volumineux, de couleur auburn, avec une frange sur le côté.
C'était une personne qui savait vous mettre à l'aise quand vous lui parliez. Tout le contraire de la rigidité : elle cherchait à comprendre votre besoin et s'adaptait en fonction, autant dans le service qu'elle offrait que dans son comportement.
Elle savait séduire à petite dose, une séduction très innocente bien entendu, celle de la relation conseiller-client.
Son arme fatale était sans doute cette petite fossette sur la joue quand elle vous souriait.
Le mot était bien choisi pour elle : il s'agissait d'une toute petite (mais bien visible) fossette qui se creusait entre l'oreille et la commissure des lèvres. Elle savait parfaitement en jouer.
A y faire attention et avec le recul, son comportement n'avait rien de spontané. Ni son rire ni son sourire, qu'elle maîtrisait telle une parfaite comédienne pour jouer son rôle de conseillère.
Pourtant, par la fluidité avec laquelle elle jouait ce rôle et le confort dans lequel elle savait vous plonger, ce manque de spontanéité n'était pas repoussant, au contraire.
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Au cours du mois de mars, j'avais pris un peu de recul par rapport à cette association pour me consacrer à un projet qui me tenait plus à cœur.
Le projet serait difficile à mettre en place : il faudrait convaincre l'école de fournir une salle, acheter le matériel, faire la campagne de communication, trouver un professeur.
Mais une chose après l'autre, il fallait d'abord que j'ouvre un compte.
Je me rendis dans son bureau durant cette période.
« Bonjour Quentin, vous venez pour les comptes de l'association ?
─ Pas aujourd'hui, aujourd'hui je voulais vous voir pour un projet plus personnel.
─
Elle s’assoit et fronce les sourcils, toujours dans son rôle parfaitement maîtrisé. Dites-moi.
─ Voilà, je vais bientôt ouvrir un atelier artistique et j'aimerais ouvrir un compte.
─
Elle tourne la tête, plisse les yeux et la petite fossette réapparaît sur le coin de sa joue. Vous avez donc une fibre artistique ? »
Dans ce dernier mouvement, il y a néanmoins eu quelque chose qui semble s'être échappé du rôle, un bouton qui aurait sauté d'une chemise trop impeccable.
Sa tête avait tourné après un léger arrêt, trop léger et trop peu perceptible pour avoir été consciemment piloté.
Une corde avait vibré chez elle.
Si tu peux être amant sans être fou d'amour,
Si tu peux être fort sans cesser d'être tendre
[...]
Et si tu peux aimer tous tes amis en frère
Sans qu'aucun d'eux soit tout pour toi ;
[...]
Tu seras un Homme, mon fils.