- Mar Déc 10, 2013 8:24 pm
#142455
Bonjour,
J'ai récement lu le désert de l'amour de François Mauriac. Les sujets de la séduction et de l'apporche y sont souvent évoqués.
Voici un extrait, qui évoque deux inconnus qui se regardent dans le tramway et la peur de l'approche:
[quote]En dépit de leur silence, le temps seul tissait entre eux une trame, qu'aucun mot qu'aucun geste n'eussent pu rendre plu résistante. Ils sentaient qu'une heure était proche où s'échangerait la première parole, mais Raymond ne faisait rien pour en hâter l'approche : forçat timide, il lui siffisait de ne plus sentir ses chaînes; ce lui était pour l'instant une joie suffisante que de devenir un autre tout à coup.
Sublime, n'est-ce pas ? J'ai recopié pour votre plaisir cet autre passage, qui vous fera comprendre pourquoi les femmes ne nous regarde que dans les transports en commun
[quote]
Or, ce soir-là, il vit en face de lui cette femme , cette dame. Entre deux homme aux vêtements souillés de cambouis, elle était assise vêtue de noir la face découverte . Raymond se demanda plus tard pourquoi sous ce regard, il n'avait pas d'abord éprouvé la honte que lui donnait la dernière des errantes. Non aucune honte , aucune gêne ; peut-être parce que , dans ce tramway, il se sentait anonyme, et qu'il n'imaginait aucune circonstance qui le pût mettre en rapport avec l'inconnue. Mais surtout il ne déchiffrait sur ses traits rien qui ressemblât à de la curiosité, à de la moquerie, à du mépris. Comme elle l'observait pourtant ! Avec l'application, la méthode d'une femme qui dû se dire : " Ce visage va me consoler des minutes misérables qu'il faut vivre dans une voiture publique ; je supprime le monde autour de cette sombre figure angélique. Rien ne peut m'offenser : la contemplation délivre ; il est devant moi comme un pays inconnu ; ses paupières sont les bords ravagés d'une mer ; deux lacs confus sont assoupis aux lisières des cils. L'encre sur les doigts, le col gris, et ce bouton qui manque, cela n'est rien que la terre qui souille le fruit intact, soudain détaché de la branche, et que, d'une maint précautionneuse tu ramasses. Et lui aussi, Raymond, plein de sécurité, puisqu'il n'avait à craindre de cette inconnue aucune parole, qu'aucun pont ne les reliait l'un à l'autre, il la contemplait avec cette insistance tranquille qui retient notre regard sur une planète.
Ce livre est tout simplement magnifique. Il est court (120 pages). Son sujet principal n'est pas la séduction mais plutôt la relation père fils. Si vous avez une relation distante et silencieuse avec votre père (j'ai l'intuition que c'est le cas de beaucoup de gens qui ont des difficulté avec les femmes), ce livre pourrait vous émouvoir jusqu'aux larmes...
PS: je suis nouveau sur le forum, j'espère ne pas me tromper en postant cela ici !
J'ai récement lu le désert de l'amour de François Mauriac. Les sujets de la séduction et de l'apporche y sont souvent évoqués.
Voici un extrait, qui évoque deux inconnus qui se regardent dans le tramway et la peur de l'approche:
[quote]En dépit de leur silence, le temps seul tissait entre eux une trame, qu'aucun mot qu'aucun geste n'eussent pu rendre plu résistante. Ils sentaient qu'une heure était proche où s'échangerait la première parole, mais Raymond ne faisait rien pour en hâter l'approche : forçat timide, il lui siffisait de ne plus sentir ses chaînes; ce lui était pour l'instant une joie suffisante que de devenir un autre tout à coup.
Sublime, n'est-ce pas ? J'ai recopié pour votre plaisir cet autre passage, qui vous fera comprendre pourquoi les femmes ne nous regarde que dans les transports en commun
[quote]
Or, ce soir-là, il vit en face de lui cette femme , cette dame. Entre deux homme aux vêtements souillés de cambouis, elle était assise vêtue de noir la face découverte . Raymond se demanda plus tard pourquoi sous ce regard, il n'avait pas d'abord éprouvé la honte que lui donnait la dernière des errantes. Non aucune honte , aucune gêne ; peut-être parce que , dans ce tramway, il se sentait anonyme, et qu'il n'imaginait aucune circonstance qui le pût mettre en rapport avec l'inconnue. Mais surtout il ne déchiffrait sur ses traits rien qui ressemblât à de la curiosité, à de la moquerie, à du mépris. Comme elle l'observait pourtant ! Avec l'application, la méthode d'une femme qui dû se dire : " Ce visage va me consoler des minutes misérables qu'il faut vivre dans une voiture publique ; je supprime le monde autour de cette sombre figure angélique. Rien ne peut m'offenser : la contemplation délivre ; il est devant moi comme un pays inconnu ; ses paupières sont les bords ravagés d'une mer ; deux lacs confus sont assoupis aux lisières des cils. L'encre sur les doigts, le col gris, et ce bouton qui manque, cela n'est rien que la terre qui souille le fruit intact, soudain détaché de la branche, et que, d'une maint précautionneuse tu ramasses. Et lui aussi, Raymond, plein de sécurité, puisqu'il n'avait à craindre de cette inconnue aucune parole, qu'aucun pont ne les reliait l'un à l'autre, il la contemplait avec cette insistance tranquille qui retient notre regard sur une planète.
Ce livre est tout simplement magnifique. Il est court (120 pages). Son sujet principal n'est pas la séduction mais plutôt la relation père fils. Si vous avez une relation distante et silencieuse avec votre père (j'ai l'intuition que c'est le cas de beaucoup de gens qui ont des difficulté avec les femmes), ce livre pourrait vous émouvoir jusqu'aux larmes...
PS: je suis nouveau sur le forum, j'espère ne pas me tromper en postant cela ici !