- Dim Nov 27, 2011 1:38 pm
#115768
"Riez, et le monde rira avec vous. Pleurez, et vous pleurerez seul. Car le triste vieux monde doit emprunter sa joie, mais il a bien assez de soucis en propre."
Ella Wheeler Wilcox
Bonjour à tous,
C’est après un nouveau « Je t’aime beaucoup, mais pas comme ça. » que je décide de mettre en application ce qui me courre dans la tête depuis trop longtemps : ouvrir un journal.
Je reviendrai sur le présent râteau sous peu, mais avant, plus de précision sur ma personne.
A 29 ans, je viens de m’installer sur Paris après une année passée à Montréal.
Deux ans plus tôt, jeune garçon surprotégé, détenteur d’une maîtrise d’archéologie qui - si elle m’aide à briller en société - n’est pas d’une grande utilité d’un point de vue professionnel, je végète chez mes parents, sans copine, sans boulot, sans perspective d’avenir. Seuls les romans que j’écris me rendent fier. Seulement, un peu honteux de mes velléités artistiques, je n’en souffle mot qu’à mes plus proches amis. Je vivote ainsi sur la base de mes économies durement gagnées, mon moral baissant lentement, mais sûrement, à mesure que se resserre sur moi l’étau sociétal.
M’enfonçant dans le marasme, cloisonné par mes croyances limitantes, je ne vois partout où je regarde que de noires perspectives et sais qu’il me faudra un électrochoc pour m’en sortir.
Après de longs atermoiements, je décide de couper à ras tous mes liens et de partir à 6000 km du cocon familial. Direction le Canada, Montréal, ville qui m’est en tout points inconnue et dans laquelle je n’ai pas le moindre contact.
Je vis cette arrivée comme une délivrance. Je plane sur le vent de l’aventure et, dans cette ville toute en opportunités, sans personne pour me juger ni me ramener à mon passé, je trouve la motivation pour aller de l’avant et créer un nouveau moi.
Je me pose rapidement dans une colocation avec deux français : Liu, jeune banquier entreprenant le jour, insatiable noceur la nuit, et Marie, petite boule d’énergie à la fibre sociale ultradéveloppée. Nous nous entendons à merveille et, moi-même poussé par l’envie de tout casser, notre colocation devient le centre chaud d’un groupe d’amis hétéroclites, locaux comme expatriés. Nous sommes en Juillet. Les festivals succèdent aux crémaillères dans un vertige de délires et d’ivresses. Mais je rentre le plus souvent bredouille. S’il suffisait de sa simple motivation pour être le tombeur de ces dames, ça se saurait. Mon temps viendra, néanmoins…
A côté de ça, je rencontre par hasard – vraiment ? – le directeur d’une troupe d’improvisation théâtrale amateur, comme il y en a beaucoup au Québec. Nous sympathisons, et l’homme me glisse qu’il aimerait bien voir ce que je donne sur scène. Je n’ai alors pour seule expérience en théâtre que les masques que j’ai porté toute ma vie auprès de ma famille et mes camarades.
Néanmoins l'essai est concluant. La troupe n’a pas pour l’heure un grand niveau, mais je m’éclate, et les improvisateurs qui m’entourent forment une bande de drilles au sein de laquelle évoluer est un plaisir. Nous jouons tous les jeudis soirs dans un bar. Peu de spectateurs, mais l’expérience reste grisante. Jusqu’à…
Jusqu’à ce que le propriétaire des lieux nous mettent dehors pour manque d’attrait. C’est un coup dur. Beaucoup des acteurs se mettent à douter. Mais moi, je me suis découvert une nouvelle passion. Et c’est avec ardeur que je m’investis et fais en sorte de trouver un nouvel endroit pour jouer. Trois mois durant, nous essuyons refus et représentations sans lendemains, mais je tiens bon. Et je gagne du galon auprès des autres. Je me saisis de chaque responsabilité laissée vacante et bientôt, je me vois propulser capitaine d’une troupe de trente comédiens. J’organise, je préside aux speeches, mène les représentations et certains ateliers… bref, dans ce microcosme, je deviens incontournable. Et dire que six mois plus tôt, je ne sortais de la chambre de chez mes parents que pour m'acheter les nouveaux Mad Movies.
A ce moment, je sens bien que je suis le centre des attentions, notamment d’un point de vue féminin. Et les choses se démultiplient quand enfin, après une longue traversée du désert, nous nous établissons dans un bar sympa et bien situé, bien connu de la communauté expatriée. Nous qui jusqu’alors plafonnions à vingt spectateurs par soir, c’est devant cent cinquante convives que nous jouons. Le bar est bondé. La troupe fait parler d’elle et attire de nouveaux talents, aussi bien en terme de jeu que d’organisation (DJs, arbitres, animateurs…) Même des joueurs de la Ligue Nationale d’Improvisation (les professionnels du milieu, la crème de la crème, de ceux qui tournent dans les téléfilms québécois) nous sont fidèles. Car, plus que notre niveau de jeu qui reste somme toute modeste, il se dégage de l’équipe une bonne humeur communicative. Nos sommes en synergie, l’équilibre est parfait. Tout ça se ressent.
Et plus la notoriété de l’équipe grimpe, plus la côte de son fier capitaine s’en trouve élevée. Chaque jeudi soir, lorsque nous descendons des planches pour prendre un verre avec les spectateurs et les habitués du bar, je nage dans un océan de signes d’intérêts. Et moi qui sors de deux heures de show, je déborde d’énergie. Je virevolte de groupe en groupe, conscient de la réputation qui me précède, distille quelques traits et m’envole. Je suis alors au top de moi-même.
En dehors des planches, Marie, ma colocataire, est prise d’un soudain mal du pays et rentre en France. Elle est remplacée par Cyril. Cet ancien professeur de musique de 34 ans a décidé de laisser tomber une vie qui ne lui convenait pas pour s’expatrier lui aussi à Montréal. Chanteur de métal et acteur à ses heures perdues, il est une boule d’énergie trash et d’impertinence qui complète notre triplette à merveille. Nous sommes incontournables dans les soirées, que nous dynamitons quasi-systématiquement. C’est un plaisir et une grande force de savoir que pour chaque blague que vous faites, pour chaque action débile ou chaque tentative d’abordage, il y aura toujours deux amis en back-up prêt à vous épauler. On pouvait tout se permettre – dans les limites de la bonne humeur – et on ne s’en privait pas. Demande de validation : zéro. Tu rentres dans notre jeu ou t’es hors concours.
Cela fait alors six mois que j’ai quitté ma morne vie française pour me réaliser, et je suis fier d’y être parvenu. Je touchais du doigt le bonheur. Mieux, je m’y vautrais avec complaisance et sans retenue.
Pourtant, côté fille, les résultats ne sont pas à la hauteur de ce qu’ils devraient être. Je me sais des prétendantes. Je sais les regards sur moi et ne suis pas aveugles aux signes d’intérêts les plus flagrants. Seulement, au moment d’agir, je me dégonfle. Disons, du moins, que mes progrès en matière de séduction féminine sont moins rapides que ne le sont mes progrès en matière sociale. Si j’ai appris à aborder et à récupérer des numéros, dès qu’il s’agit d’emballer la machine, en soirée ou lors d’un rendez-vous, je suis aux abonnés absents. Et la prétendante qui s’était faite séduire par un gouailleur charismatique se retrouve devant un enfant, un type au final peu sûr de lui et incapable d’assumer l’escalade amoureuse.
Finalement, ce qui aurait pu être une razzia, un stroboscope de parties de jambes en l’air, se trouve être un petit film de vacances tranquillou, où je n’ai conclu qu’avec des filles qui m’ont sauté dessus sans se poser de questions.
Quant à la seule demoiselle qui m’ait plu au point que je me sorte les doigts et d’attaquer, je l’ai fait si maladroitement qu’elle a pris ses jambes à son cou.
Aujourd’hui, de retour en France après l'expiration de mon visa, je repars de zéro. Réputation nulle et groupe d’amis restreint. Là où à Montréal je pouvais compter sur ma position sociale pour assouvir mes besoins, il va bien falloir ici prendre les choses en mains.
Car si mon but est de retourner, à terme, de l’autre côté de l’Atlantique, les délais de traitement administratif pour un nouveau visa me laissent un an à patienter. Année que je n’ai pas l’intention de perdre en attente stérile.
Mon objectif est donc, au cours des prochaines semaines, de trouver le courage de me lancer, de prendre en main le début de la relation, en d’autres termes, de trouver le courage d’être sexué.
A suivre : premier cas pratique – et symptomatique : Zoé.
Ella Wheeler Wilcox
Bonjour à tous,
C’est après un nouveau « Je t’aime beaucoup, mais pas comme ça. » que je décide de mettre en application ce qui me courre dans la tête depuis trop longtemps : ouvrir un journal.
Je reviendrai sur le présent râteau sous peu, mais avant, plus de précision sur ma personne.
A 29 ans, je viens de m’installer sur Paris après une année passée à Montréal.
Deux ans plus tôt, jeune garçon surprotégé, détenteur d’une maîtrise d’archéologie qui - si elle m’aide à briller en société - n’est pas d’une grande utilité d’un point de vue professionnel, je végète chez mes parents, sans copine, sans boulot, sans perspective d’avenir. Seuls les romans que j’écris me rendent fier. Seulement, un peu honteux de mes velléités artistiques, je n’en souffle mot qu’à mes plus proches amis. Je vivote ainsi sur la base de mes économies durement gagnées, mon moral baissant lentement, mais sûrement, à mesure que se resserre sur moi l’étau sociétal.
M’enfonçant dans le marasme, cloisonné par mes croyances limitantes, je ne vois partout où je regarde que de noires perspectives et sais qu’il me faudra un électrochoc pour m’en sortir.
Après de longs atermoiements, je décide de couper à ras tous mes liens et de partir à 6000 km du cocon familial. Direction le Canada, Montréal, ville qui m’est en tout points inconnue et dans laquelle je n’ai pas le moindre contact.
Je vis cette arrivée comme une délivrance. Je plane sur le vent de l’aventure et, dans cette ville toute en opportunités, sans personne pour me juger ni me ramener à mon passé, je trouve la motivation pour aller de l’avant et créer un nouveau moi.
Je me pose rapidement dans une colocation avec deux français : Liu, jeune banquier entreprenant le jour, insatiable noceur la nuit, et Marie, petite boule d’énergie à la fibre sociale ultradéveloppée. Nous nous entendons à merveille et, moi-même poussé par l’envie de tout casser, notre colocation devient le centre chaud d’un groupe d’amis hétéroclites, locaux comme expatriés. Nous sommes en Juillet. Les festivals succèdent aux crémaillères dans un vertige de délires et d’ivresses. Mais je rentre le plus souvent bredouille. S’il suffisait de sa simple motivation pour être le tombeur de ces dames, ça se saurait. Mon temps viendra, néanmoins…
A côté de ça, je rencontre par hasard – vraiment ? – le directeur d’une troupe d’improvisation théâtrale amateur, comme il y en a beaucoup au Québec. Nous sympathisons, et l’homme me glisse qu’il aimerait bien voir ce que je donne sur scène. Je n’ai alors pour seule expérience en théâtre que les masques que j’ai porté toute ma vie auprès de ma famille et mes camarades.
Néanmoins l'essai est concluant. La troupe n’a pas pour l’heure un grand niveau, mais je m’éclate, et les improvisateurs qui m’entourent forment une bande de drilles au sein de laquelle évoluer est un plaisir. Nous jouons tous les jeudis soirs dans un bar. Peu de spectateurs, mais l’expérience reste grisante. Jusqu’à…
Jusqu’à ce que le propriétaire des lieux nous mettent dehors pour manque d’attrait. C’est un coup dur. Beaucoup des acteurs se mettent à douter. Mais moi, je me suis découvert une nouvelle passion. Et c’est avec ardeur que je m’investis et fais en sorte de trouver un nouvel endroit pour jouer. Trois mois durant, nous essuyons refus et représentations sans lendemains, mais je tiens bon. Et je gagne du galon auprès des autres. Je me saisis de chaque responsabilité laissée vacante et bientôt, je me vois propulser capitaine d’une troupe de trente comédiens. J’organise, je préside aux speeches, mène les représentations et certains ateliers… bref, dans ce microcosme, je deviens incontournable. Et dire que six mois plus tôt, je ne sortais de la chambre de chez mes parents que pour m'acheter les nouveaux Mad Movies.
A ce moment, je sens bien que je suis le centre des attentions, notamment d’un point de vue féminin. Et les choses se démultiplient quand enfin, après une longue traversée du désert, nous nous établissons dans un bar sympa et bien situé, bien connu de la communauté expatriée. Nous qui jusqu’alors plafonnions à vingt spectateurs par soir, c’est devant cent cinquante convives que nous jouons. Le bar est bondé. La troupe fait parler d’elle et attire de nouveaux talents, aussi bien en terme de jeu que d’organisation (DJs, arbitres, animateurs…) Même des joueurs de la Ligue Nationale d’Improvisation (les professionnels du milieu, la crème de la crème, de ceux qui tournent dans les téléfilms québécois) nous sont fidèles. Car, plus que notre niveau de jeu qui reste somme toute modeste, il se dégage de l’équipe une bonne humeur communicative. Nos sommes en synergie, l’équilibre est parfait. Tout ça se ressent.
Et plus la notoriété de l’équipe grimpe, plus la côte de son fier capitaine s’en trouve élevée. Chaque jeudi soir, lorsque nous descendons des planches pour prendre un verre avec les spectateurs et les habitués du bar, je nage dans un océan de signes d’intérêts. Et moi qui sors de deux heures de show, je déborde d’énergie. Je virevolte de groupe en groupe, conscient de la réputation qui me précède, distille quelques traits et m’envole. Je suis alors au top de moi-même.
En dehors des planches, Marie, ma colocataire, est prise d’un soudain mal du pays et rentre en France. Elle est remplacée par Cyril. Cet ancien professeur de musique de 34 ans a décidé de laisser tomber une vie qui ne lui convenait pas pour s’expatrier lui aussi à Montréal. Chanteur de métal et acteur à ses heures perdues, il est une boule d’énergie trash et d’impertinence qui complète notre triplette à merveille. Nous sommes incontournables dans les soirées, que nous dynamitons quasi-systématiquement. C’est un plaisir et une grande force de savoir que pour chaque blague que vous faites, pour chaque action débile ou chaque tentative d’abordage, il y aura toujours deux amis en back-up prêt à vous épauler. On pouvait tout se permettre – dans les limites de la bonne humeur – et on ne s’en privait pas. Demande de validation : zéro. Tu rentres dans notre jeu ou t’es hors concours.
Cela fait alors six mois que j’ai quitté ma morne vie française pour me réaliser, et je suis fier d’y être parvenu. Je touchais du doigt le bonheur. Mieux, je m’y vautrais avec complaisance et sans retenue.
Pourtant, côté fille, les résultats ne sont pas à la hauteur de ce qu’ils devraient être. Je me sais des prétendantes. Je sais les regards sur moi et ne suis pas aveugles aux signes d’intérêts les plus flagrants. Seulement, au moment d’agir, je me dégonfle. Disons, du moins, que mes progrès en matière de séduction féminine sont moins rapides que ne le sont mes progrès en matière sociale. Si j’ai appris à aborder et à récupérer des numéros, dès qu’il s’agit d’emballer la machine, en soirée ou lors d’un rendez-vous, je suis aux abonnés absents. Et la prétendante qui s’était faite séduire par un gouailleur charismatique se retrouve devant un enfant, un type au final peu sûr de lui et incapable d’assumer l’escalade amoureuse.
Finalement, ce qui aurait pu être une razzia, un stroboscope de parties de jambes en l’air, se trouve être un petit film de vacances tranquillou, où je n’ai conclu qu’avec des filles qui m’ont sauté dessus sans se poser de questions.
Quant à la seule demoiselle qui m’ait plu au point que je me sorte les doigts et d’attaquer, je l’ai fait si maladroitement qu’elle a pris ses jambes à son cou.
Aujourd’hui, de retour en France après l'expiration de mon visa, je repars de zéro. Réputation nulle et groupe d’amis restreint. Là où à Montréal je pouvais compter sur ma position sociale pour assouvir mes besoins, il va bien falloir ici prendre les choses en mains.
Car si mon but est de retourner, à terme, de l’autre côté de l’Atlantique, les délais de traitement administratif pour un nouveau visa me laissent un an à patienter. Année que je n’ai pas l’intention de perdre en attente stérile.
Mon objectif est donc, au cours des prochaines semaines, de trouver le courage de me lancer, de prendre en main le début de la relation, en d’autres termes, de trouver le courage d’être sexué.
A suivre : premier cas pratique – et symptomatique : Zoé.