- Dim Déc 05, 2010 3:45 pm
#102737
Bonjour,
Personnellement, je pratique la méditation assise (zazen) de façon intermittente depuis plusieurs années, et quotidiennement depuis quelques mois. Je dirais qu'il y a trois aspects à considérer.
Physiologiquement, c'est une technique de relaxation. Quand on médite, l'organisme sort du mode actif et passe en mode régénération, ce qui fait baisser le cortisol (le stress, en gros), etc.
Psychologiquement, le but de zazen n'est pas d'accéder à un état altéré de conscience, mais au contraire de revenir à l'état « naturel » de l'esprit. Si vous me permettez une métaphore fort peu zen, notre cerveau est comme un ordinateur : « l'affichage » consomme beaucoup de ressources et ralentit énormément le processus par rapport à le faire tourner « en arrière-plan ». Prenons un exemple : vous êtes assis dans une chaise longue sur une terrasse par un chaud après-midi d'été ; vous avez soif ; vous allez simplement tendre la main vers le verre posé sur la table à côté de vous, l'amener à votre bouche et boire. Vous n'allez pas consciemment penser « oh, j'ai soif. Quand on a soif, le mieux est de boire. Oh, ça tombe bien, j'avais justement commandé une limonade ! Bon, tendons le bras, fermons la main autour du verre, ramenons-le à la bouche, versons, avalons ». Tout le processus a lieu de façon intentionnelle (j'insiste : le but n'est pas de faire les choses machinalement, mais intentionnellement), mais sans pensée verbalisée.
Alors bon, je viens de le dire, mais ça vaut le coup de le répéter:
[quote] le but de zazen n'est pas d'accéder à un état altéré de conscience, mais au contraire de revenir à l'état « naturel » de l'esprit.
(et Hadrien inventa l'auto-citation dans le même message. Technologie brevetée).
Je me souviens d'avoir lu quelque part que les gens qui doivent prendre des décisions vitales très rapidement (pensez chef de brigade chez les pompiers ou officier dans l'armée) ne « réfléchissent » pas aux différentes options ; ils prennent une décision en apparence instantanément, en réalité les calculs ont eu lieu inconsciemment. De même, l'état dont je parle de concentration sans verbalisation est bien connu des sportifs et des artistes (ex: danseur ou musicien). Tous ces gens ont retrouvé, souvent sans le savoir, cet état fondamental. Zazen n'est pas du vaudou de tortue ninja, c'est juste une technique qui permet d'accéder plus facilement à cet état.
Et pour finir, peut-on faire zazen sans être bouddhiste ? J'ai envie de dire « oui et non ».
Oui bien sûr, rien ne vous empêche de vous asseoir en lotus à 50 cm d'un mur sans vous intéresser le moins du monde au bouddhisme. Et comme le disait le moine bouddhiste avec qui j'ai découvert zazen (c'était lors de mon premier voyage dans le système Dagobah... Bon en vrai vous allez voir que c'était moins glamour que ça) ; mon moinillon donc disait que la plupart des gens commencent zazen dans un but purement utilitaire (soulager le stress, favoriser la concentration avant une compétition, etc), que certains s'arrêtent là et que d'autres creusent plus loin, et que dans les deux ça lui allait très bien. Et oui, il n'y a rien de moins contrariant qu'un bouddhiste.
En même temps, zazen c'est le bouddhisme, et le bouddhisme c'est zazen. Contrairement à ce que la plupart des gens croyent, le bouddhisme n'est pas une religion. Pour paraphraser Bodhidharma, ce qu'il y a après la mort, personne n'est revenu pour le raconter, alors au lieu de se prendre le chou à échafauder des théories à ce sujet, on ferait mieux d'essayer de vivre une vie bonne et sereine ici-bas. Le bouddhisme est un art de vivre ; et le rapport bouddhiste à l'autre, aux objets, à la vie en général, tout découle de la pratique de zazen. Donc on peut pratiquer zazen sans se revendiquer bouddhiste, mais si vous voulez l'étiquette, vous pouvez la prendre, il n'y a pas d'acte de foi ou de cérémonie nécessaire.
Cela dit, ce dont je vous parle, c'est mon expérience et mon interprétation de mes lectures et de mes discussions avec des bouddhistes. Et je n'ai même pas abordé la question des différences entre le bouddhisme japonais et le bouddhisme indien ou chinois. Donc plutôt que de remplacer vos préjugés par mes idées, j'espère juste vous avoir donner l'envie de creuser la question un peu vous-même. Et chance ! Pour ceux qui habitent Paris, le dojo zen de la rue de Tolbiac organise des séances d'initiation à zazen tous les samedis, suivies d'un moment d'échange et de questions-réponses avec les moines (d'où mon moinillon).
Et je ne saurais terminer un post sur le zen sans un haïku :
Le voleur
M'a tout pris, sauf
La lune à ma fenêtre
-- Hadrien --