- Jeu Aoû 06, 2015 1:00 pm
#172907
[quote="Paperangel"][quote]Être trop gentil, c'est en général pas bon.
Je tiens à marquer la différence entre "trop gentil" et "gentil".
Mon grand-père me disait souvent quand j'étais plus jeune qu'être gentil, c'est devenir fort du bien que l'on fait aux autres, et dépasser les frontières de son égo.
Et c'était un ancien légionnaire... C'est d'autant plus étonnant.
Du coup, j'ai toujours vu ça comme une force, et parfois même comme une supériorité par rapport à l'irrespect, le manque de tact, l'impolitesse, qui semblent se généraliser.
Cette vision de la gentillesse, c'est un peu comme cette tendance de dénigrer des valeurs comme l'intelligence, la mesure, notamment dans les établissement scolaires. (je suis professeur stagiaire) J'ai même vu des enseignants s'y mettre !
Il faut la cultiver et en faire une force, non pas une faiblesse. La rejeter systématiquement, c'est ça la vraie faiblesse à mon sens.
Repense à ce que ton grand-père faisait concrètement. Je suis sûr qu'il pratiquait sa gentillesse envers des gens qui la lui rendaient en gratitude, et/ou qui avaient besoin de lui.
Et si jamais il donnait sa gentillesse au premier venu, souviens-toi que tu n'es pas au même point de ta vie. Lui avait vécu la sienne, avait une situation, un vécu et plus rien à prouver. Dans un état d'esprit comme ça, être gentil gratuitement a du sens. Quand tu es jeune, ton corps a un besoin de conquête (de femmes, d'un domaine, de lui-même, d'un instrument de musique), et si tu le brides par tes croyances, tu finiras frustré et aigri, et tu n'atteindras jamais l'état d'esprit d'un retraité qui estime avoir vécu une vie pleine et qui dédie ses dernières années aux autres.
En plus ton grand-père fait sûrement partie de l'ancien monde, qui n'était pas encore pourri par le libéralisme libertaire. Donner sans compter fait sûrement partie de son logiciel. Les générations nées plus tard sont structurées en profondeur par le libéralisme et son besoin compulsif de tout maximiser, et en premier lieu, ce que nous donnent les autres par rapport à ce qu'on leur donne. Nous ne sommes pas aussi "équipés" pour le don que les générations précédentes.
« Quelle malédiction a frappé l’Occident pour qu’au terme de son essor il ne produise que ces hommes d’affaires, ces épiciers, ces combinards aux regards nuls et aux sourires atrophiés, que l’on rencontre partout, en Italie comme en France, en Angleterre de même qu’en Allemagne ? Est-ce à ces dégénérés que devait aboutir une civilisation aussi délicate, aussi complexe ? Peut-être fallait-il en passer par là, par l’abjection, pour pouvoir imaginer un autre genre d’hommes. »
E. Cioran