Vos soirées, rendez-vous, aventures, etc.

Modérateurs: animal, Léo

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By Stéphane
#131865 [img]http://www.spikeseduction.com/wp-content/uploads/imagewell/agata1.jpg[/img]

[quote]"La matière organique est la part de la matière formée des êtres vivants végétaux, animaux, ou micro-organismes. Elle se distingue du reste de la matière - minérale -, à plusieurs titres, notamment une faible proportion dans l'univers et  une évolution rapide au sein de cycles où elle passe par des étapes de décomposition" (http://fr.wikipedia.org/wiki/Matiere_organique)

Il parait que les blogueuses très actives reçoivent régulièrement des demandes de contact sur Facebook, des invitations à dîner, des culottes, des déclarations d’amour, ou carrément des propositions à le faire (l’amour). Je n’ai aucune preuve à l’appui de cette affirmation, sinon une intuition : c’est probablement vrai.

Et pourtant, dans la réalité, j’en connais finalement assez peu, voire plus aucune : mes deux seules rencontres avec des professionnelles du blogging ont tourné court. La première fois c’était pour un dîner organisé par Joe, le webmestre de CommeunCamion. Il avait invité cette rédactrice de mode parfaitement inconnue de tous sauf de ses lectrices. J’ai oublié son nom, son prénom, et aussi son visage, mais pas sa manière éhontée de refuser de se lever pour aller saluer les convives installés de l’autre côté de la table, sous prétexte que celle-ci était longue et qu’il lui aurait fallu quitter ses amies l’espace d’un instant. Il y a des femmes qui, à ne concevoir que d’être toujours fourrées ensemble, donneraient envie d'acquiescer à Michel Constnace*.

L’autre, dont le pseudonyme était aussi la couleur de ses cheveux, tenait un blog d’histoires personnelles véridico-érotiques dans lequel, chaque semaine, de banales soirées débutées avec des anonymes rencontrés sur Internet finissaient, à l’issue d’une indescriptible tension sexuelle, par une pénétration vaginale dans le taxi qui les ramenaient à l’un de leurs deux appartements. Ou a minima par un intense travail bucal de la jeune fille en question pour éviter au garçon l’implosion tant son désir en fusion semblait ne plus pouvoir être contenu dans l'étroite limite de son pantalon.

Invitée à co-animer un de mes ateliers Intense pour nous dévoiler les secrets d’un tel pouvoir d’attraction, j’ai fait la connaissance d’une jeune fille fragile et gentiment auto-destructrice dont il était clair que les photos d’elles sur Internet avaient été sévèrement recadrées pour ne laisser voir que la partie la plus sympathique de son anatomie, et avec laquelle je ne parvenais vraiment pas à concevoir de me livrer à une étreinte brutale derrière une porte cochère. J’étais le seul, apparemment.

Je ne serais néanmoins pas si surpris que bon nombre de ces propositions (acceptées ou refusées) soient vrais, l’homme ayant toujours un peu de courage en réserve pour surmonter le sordide de la rencontre nocturne réelle (duperie du maquillage, mensonges inhérents au flirt, cigarettes accompagnant le verre de vin avant que celui-ci ne finisse irrémédiablement renversé sur votre tapis, émanations de bière fermentée si la scène a lieu dans un bar, vomi**, etc.) quand la simple idée du coït - ou de ce qui s’en rapproche - est en vue.

Bref, la sociologie de la déclaration anonyme est assez simple : les hommes ne prennent la peine d’écrire qu’aux femmes qui écrivent déjà qu’elles aiment les hommes.

Sans pouvoir ni fortune ni casier judiciaire, n’entrant dans aucune des catégories mentionnées ci-dessus, je ne reçois donc ni invitations à dîner, ni billets d’avion, ni culottes, mais s’il y a quelque chose que j’ai beaucoup entendu ces derniers mois, c’est «à quand le prochain récit de rencontre ?» Vous l'aurez deviné, la réponse est donc : maintenant.

L’histoire qui va suivre s’est étalée sur 24h, pas une de plus, mais elle compte tant d’étapes que c’eut pu être une semaine complète. Elle est récente (comptez quelques étés de cela), et une fois n’est pas coutume elle n'a pas eu lieu en ville mais sur une île dite "de vacance", au milieu du mois le plus vacant : août. Bref, tout pour sombrer dans le cliché, mais vous avez de la chance je déteste ça alors de cliché il n'y aura pas.

Tout avait commencé dans une cacophonie indescriptible, que je ne vais donc pas décrire pour aller directement à ce qu'il y a toujours de plus intéressant dans une histoire : les personnages.

Ceci est donc l'histoire d'une fille qui était assise et ne voulait pas se lever.

[size=150]A suivre, épisode 2 : viens danser[/size]


* Eliopé et les zèbres
** Vrai surtout chez les très jeunes filles. Avant 22-23 ans, une soirée n’est réussie qu’accompagnée de son vomi, sans quoi subsiste toujours un arrière goût de ne pas profiter assez

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By roland
#131873 [quote]** Vrai surtout chez les très jeunes filles. Avant 22-23 ans, une soirée n’est réussie qu’accompagnée de son vomi, sans quoi subsiste toujours un arrière goût de ne pas profiter assez.

Mouii, j'ai pu le vérifier... :mrgreen:
En tout cas, tu sais bien mettre le lecteur dans l'ambiance. ça promet pour la suite.
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By Stéphane
#131879 [size=150]Episode 2 : viens danser[/size]

[img]http://www.spikeseduction.com/wp-content/uploads/imagewell/agata2.jpg[/img]

Un empilement de haut-parleurs amplifiés d'origines diverses massacrait la musique avec détermination. Les basses (la basse, devrais-je dire, puisqu’avec les musiques électroniques c’est presque toujours le même boum après un autre boum) étaient sales, le medium inexistant et les aigus d’une qualité et d’un niveau carrément dangereux pour la santé. C’était la soirée du vendredi sur la plage principale de l’île, celle par laquelle il est obligatoire de passer pour rejoindre toutes les autres. Mais une avalanche de mauvais son finit toujours par me plomber les oreilles et le moral, alors c’est désespérés, après avoir infructueusement tenté de nous laisser gagner par la transe, que nous avons quitté les lieux par la plage voisine à la recherche d’un semblant de sens à la nuit.

Nous avons marché et marché dans le sable qui finissait par nous poncer les pieds. Les plages s’enchaînaient, ou du moins c’est ce qu’il me semblait comme les chaises et les tables changeaient de couleur tous les cent à cent cinquante mètres. Et c’est seulement au bout de quelques minutes que j’ai entendu les premières notes de ce qui pouvait ressembler à de la musique. Il s’agissait d’une compilation des plus grands succès de Bob Marley (la même que vous avez trouvé un jour dans le placard de votre père à l’âge de 14 ans).

D’habitude, quand les choses ont leur ordre normal, je n’aime pas beaucoup le reggae non plus. Il m'évoque les photos de vacances d’été des filles sur Facebook, le soir où elles se sont encanaillées à acheter de l’herbe à des garçons de mauvaise vie sur la plage et où elles fini les paupières gonflées mi-closes sur des yeux rouges dilatés, à comparer leurs iphones et à faire par inadvertance des photos de leurs pieds et de leurs mégots. Je n’aime guère le reggae, disais-je donc, mais à côté l’entreprise de démolition sonore et mentale (car les deux sont toujours liés, ce que vous écoutez influe sur votre moral dans la minute) dont nous venions de nous échapper Bob Marley était le raffinement incarné dans une oasis de classe. Il m’a fallu plusieurs minutes pour retrouver mes esprits et réaliser que nous étions en assez peu nombreux sur ce morceau de sable et qu’il constituait en fait la toute pointe de la baie, où tous les fuyards comme nous s’étaient exilés pour sauver le reste de leurs tympans.

Les gens n’aimant danser que cachés au milieu d’une forêt d’autres : personne ne s’y risquait donc, par peur d’être vu. La plupart regardaient le ciel allongés sur une serviette ; c’était période de pleine lune, qui donnait d’ailleurs lieu à la traditionnelle «Full Moon Party» à quelques archipels de là mais dont, n’y étant été, je ne pourrai pas vous dire un mot. Debout, c’est donc devant un petit attroupement de serviettes et de jambes regroupés que nous nous sommes mis à dansouiller gentiment au rythme de la musique, les pieds dans l’eau et le tympan léger.

A ce stade je n’avais rien vu d’Agata, sinon qu’elle avait les plus jolis dessous de pieds de la plage. Fins, cambrés, et blancs comme la neige à l’ombre, ils battaient machinalement la mesure sur Is this love, ce qui m’apparut comme un signe évident du destin que nous devions nous connaître. A vrai dire, cette dernière phrase est fausse. Je ne crois pas qu’il y ait de destin commun à deux êtres, mais en l’occurrence ça m’arrangeait bien de le croire, puisque du moment que vous vous sentez prédestiné plus rien ne peut vous arrêter , même une préparation insuffisante.

De préparation il n’y avait pas du tout. J’avais de l’eau à mi-mollet, une paire de tong Havaïanas en plastique à la main (la tong Havaïanas, à l’instar de la Smart ou du stylo bille, étant un des rares objets au monde à ne pas être discriminant socialement, au sens où tout le monde en porte le temps s’y prête), mon increvable bermudas milanais et une chemise italienne en seersucker à fines rayures rouges et bleu, à emporter partout en vacances car elle se lave avec un rien et sèche en 30 minutes sur un fil. Comme quoi avec deux vêtements seulement on peut respecter la règle des 3 couleurs, et il faut toujours respecter les règles car elles permettent de s’affranchir du doute au moment de se sortir les doigts et de passer à l’action.

Comme je n’ai pas l’habitude de parler aux pieds des filles - et encore moins de me mettre à leurs pieds - j’ai attendu qu’elle se redresse, ce qui me permet maintenant de finir de vous la présenter. Agata avait une peau de bébé, un grand front intelligent et de longs cheveux noirs («et c’était sa couleur naturelle», comme disait l’autre). Elle me faisait penser à l’écrivain irlandaise Alex Barclay, souvenir furtif de rencontre avortée ; pourquoi se souvient-on toujours avec vivacité de ce qui ne s’est pas fait, alors que ça n’a pas existé ?

En nous voyant danser ainsi elle a souri, a sorti son appareil photo croyant que nous ne la devinions pas et a pris un cliché. C’est là que, plein de confiance, de sable et de transpiration, je suis allé lui parler.

A suivre

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By Stéphane
#131936 [size=150]Episode 3 : avant qu’il n’y ait plus la mer[/size]

[img]http://www.spikeseduction.com/wp-content/uploads/imagewell/agata3.jpg[/img]

C’était à moi de faire le premier pas.

Plus exactement les premiers pas car elle n’avait pas bougé de sa serviette, à une dizaine de mètres de là. J’ai marché avec une désinvolture simulée, quelques pas pendant lesquels elle a successivement eu le temps d’avoir l’air surprise, de me regarder avec amusement, puis de prendre l’air occupée et pensive. Arrivé devant elle comme devant l’énoncé d’un contrôle un peu appréhendé, toute tension s’est évanouie et c’est armé d’un sourire confiant et d’un naturel désarmant que je l’ai invitée à quitter sa serviette pour venir danser avec nous.

Il y avait dans son regard sombre et orageux plein d’arrières-pensées dont j’ignorais totalement la nature et j’en étais d’autant plus surpris qu’elle semblait encore gaie et enjouée à quelques mètres de distance. Je tentais de l’ignorer mais mon corps - qui savait, lui - se raidit en attendant la réponse.

[quote]Non. Pas pour l’instant

Alors si voulais écrire comme dans 50 shades of grey je vous décrirais pendant une dizaine de lignes et avec une purée d’adjectifs qualificatifs et d’adverbes l’inflexion de sa voix qui recelait une infinité de nuances cachées à déflorer une à une. mais je n’écris pas comme une gonzesse alors nous nous contenterons de la réalité : elle avait une prononciation à la fois monocorde et descendante qui n’annonce pas une partie de plaisir mais ne laissait guère de doute sur ses origines qui devaient se trouver quelque part au fond, tout au fond de l’Europe de l’Est.

Econduit comme un bleu, sans manières et sans équivoque, je ne trouvais rien d’autre à faire que d’avoir l’air surpris. Mes havaïanas me seraient peut-être tombées des mains, si je ne les avais oubliées dans l’eau. Je suis allé les ramasser avant que la marée ne les emporte car, la nuit, et de côté de l’île en tous cas, celle-ci ne faisait pas de quartier quand elle remballait la mer et tout ce qui pouvait traîner dedans en même temps, bateaux compris. C’est que les tongs ne sont ni chères ni dures à retrouver ; sauf en taille 46.

En les sortant de la vase je remarquais qu’Agata et sa binôme de serviette me regardaient à nouveau avec le même amusement tendre que j’avais cru déceler lors du premier regard, et qui avait reçu comme une gifle le démenti de la réalité.

Nous sommes remonté jusqu’au bar en haut de la butte commander une Pina Colada, ce à quoi le serveur nous a répondu en anglais touristique (c’est à dire sans les pronoms ni les conjonctions) que la maison n’en faisait pas. Nous avons demandé si la maison faisait du jus de noix de coco, d’ananas, et du rhum au verre, ce qui semblait être le cas. Nous avons alors mélangé les trois dans des proportions approximatives et bu le substrat, qui s’est révélé être la meilleure Pina Colada de ma vie. Nous avons répété l’opération jusqu’à plus soif, ce qui a nécessité environ 3 verres supplémentaires et un tour par la case WC. Expression qui ne doit rien au hasard puisque les WC logeaient bel et bien dans l’obscurité et dans une case, quelques mètres en contrebas. La marée avait bien fait reculer la mer d’une dizaine de mètres, ce qui, associé à la dose d’alcool qui fermentait dans mon sang, me donna l’idée d’une deuxième amorce :

[quote]
- Vite, viens danser, avant qu’il n’y ait plus la mer
- Peut-être plus tard

Ne vivant pas la nuit, il me semblait qu’il était déjà assez tard comme ça, ce qui achevait de me décider à l’abandonner elle et son porte serviette. Mais comme je me retournais vers mon faux espoir je croyais discerner dans le noir un léger attendrissement et des attentes non formulées. Nous avons attendu quelques ultimes secondes. Puis elles se sont levées, ont épousseté leur short en coton et sont allées fumer une cigarette, à l’endroit où le reflux avait effacé nos empreintes.

Agacé par ces simagrées de bébé capricieux, j’ai lâché mes tongs au hasard dans le sable pour retourner à grandes enjambées leur demander - avec un cynisme dont j’ai hélas hérité, comme d’autres le sens du commerce ou les yeux bleus - si elles mettaient toujours aussi longtemps pour se décider à se bouger le cul. Ce qui n’est pas si difficile à dire que ça en anglais du moment que l’on sait mettre le r au bon endroit, ce qui nous donne un arse de voyou élégant au lieu d’un ass de racaille américanisée de banlieue).

Et c’est là que j’ai constaté non sans surprise que le noeud venait de se délier. Détendue et concentrée, son poids sur sa jambe droite et les genoux légèrement en dedans comme il se doit, elle me parlait et m’écoutait naturellement, attentivement, comme si notre conversation durait depuis une demi-heure (ce qui, d’une certaine façon, était un peu le cas). Je n’ai même pas remarqué tout de suite que son amie était partie avec le mien. J’étais bien.

Si la plupart des hommes ont une peur panique (avouée, comme c’est votre cas, ou inavouée pour tous les autres) d’adresser la parole à une inconnue, c’est à bien y regarder que les quelques secondes de l’approche sont un tunnel pendant lequel ils passent - sans aucune forme possible de transition douce - d’un état de relative inconscience d’eux-mêmes à une sur-conscience. En un instant le monde, qui les ignorait et qu'ils ignoraient, les sonde, les juge et les scrute : tenue, expressions faciales et corporelles, voix, gestes, tics. Comme les sportifs qui sortent du vestiaire par le tunnel et passent d’une perception assourdie de l'extérieure à la violence des flashs. Comme le nouveau-né dont les poumons saignent à respirer de l'air pour de vrai. Aborder une femme qui nous plaît c'est se faire mal, puisque c'est sortir du ventre de sa mère une deuxième fois.

C’est la réflexion qui m’est venue pendant qu’elle me regardait avec ses yeux sombres dans lesquels l’orage, tout à l’heure menaçant, venait de s’écarter un peu.

A suivre

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By Stéphane
#131968 [size=150]Episode 4 : émergés[/size]

[img]http://www.spikeseduction.com/wp-content/uploads/imagewell/agata4.jpg[/img]

En me réveillant ce matin j’ai lu un mail qui réclamait plus de dialogues dans ce récit. Bien sûr, je pourrais les inventer. Mais la scène s’étant déroulée il y a plusieurs années, il ne serait pas honnête de prétendre me souvenir de l’intégralité des répliques mot à mot. Je prétends néanmoins m’en souvenir assez bien pour en retranscrire l’essentiel, c’est à dire ce qui à mes yeux était important. Tout récit est une sélection parmi des souvenirs, et celle-ci eusse été faite par Agata aux manettes, nul doute qu’elle en eût choisi d’autres que moi. C’est d’ailleurs la seule partie intéressante de 50 shades : celle qui consiste à imaginer ce que serait le récit «miroir» du livre, eusse t-elle été écrite par l’homme et non la femme : «Aujourd’hui, contraint par l’amitié que j’ai avec son papa, j’ai reçu une courge dans mon bureau. Ou peut-être hier je ne sais plus. Elle était si prétentieuse et si bête qu’elle m’a donné l’idée d’un jeu consistant à l’humilier en lui proposant de s’avilir contre de l’argent. A ma demi-surprise, elle a accepté. Tout le monde accepte tout depuis que je suis très riche. 400 pages plus loin, je l’ai giflée et frappée pour avoir été aussi prévisible, vénale et bête». Le stylo eut été dans les mains de l’homme, telle eut été l’histoire du tome 1. Quand aux 2 et au 3, n’ayant pas eu la force de les enchaîner je n’en sais rien mais ce doit être du même acabit.

Mais revenons à mon histoire qui, aussi irréaliste qu’elle semblera à certains (car je sais que certains ne peuvent s’empêcher de lire tous mes récits tout en ne pouvant s’empêcher de douter que ce fût vrai - définition même du pouvoir de séduction), l’est toujours 1000 fois plus que 50 shades, au sujet duquel j’ai encore envie de croire qu’il existe encore des jeunes filles qui refuseraient de signer un contrat consistant à accepter de se faire fister en échange d’argent, ce que déclinerait même une vieille prostituée bulgares de la promenade des Anglais à Nice. Mais après tout on ne sait jamais, il y en a toujours pour coucher avec le Diable du moment que le matelas est fourré de billets. Il ne faut pas s’étonner qu’après elles enfantent des petits monstres.

La plage se vidait au fur et à mesure que nous parlions car le DJ improvisé n’avait qu’un seul disque et c’était la 4ème fois que revenait I shot the Sheriff. La chanson s’arrêtait et sautait régulièrement sur le mot «deputee» car du sable avait du s’introduire. Je ne comprenais pas bien pourquoi Agata avait montré tant de résistance et pourquoi cette résistance, sans effort, se retirait au rythme de la mer qui était déjà loin et laisser les embarcations échouer comme des centaines de baleines abandonnées, dévoilant leurs quilles couvertes de coquillages. En regardant l’une d’entre elles poétiquement happée par le sable, je me souvenais de la promenade en bateau que nous avions faite l’après-midi même, où j’avais eu droit à un petit descriptif des entrailles de la bête. Je me proposais donc à mon tour de faire une visite guidée de celui échoué le plus près, qui semblait abandonné.

Les distances ne sont pas toujours faciles à évaluer, surtout de nuit, et avec une mer qui n’arrête pas de bouger. Ainsi celui que j’avais identifié comme le plus près était en réalité à plusieurs centaines de mètres et nous progressions à pas ralentis par le sol qui s’enfonçait, collant et mou, sous ma voute taille 46 mais curieusement pas sous son 38 fillette cambré. Arrivés à l’embarcation, elle ne ressemblait pas vraiment à ce que je voyais tout à l’heure avec la distance, et je commençais de croire qu’il s’agissait d’une épave. De plus je constatais en me retournant que nous étions beaucoup plus loin du bord qu’il ne m’avait semblé. Je me rassurais en me disant que si la mer remontait brusquement nous pourrions toujours grimper dans le bateau, ou bien courir, ou encore nager.

Agata semblait me faire confiance ; à tort, j’étais un peu perdu. Nous sommes monté dans le bateau qui avait des faux airs de pirogue améliorée et j’ai fait de mon mieux pour lui expliquer le rôle de cette grande barre qui dépassait à l’arrière et pointait vers le ciel, ainsi que l’origine de cette odeur mélangée d’huile et d’essence propre aux moteurs deux temps. Autant d’explications propres à intéresser un garçon pour autant qu’il ne soit pas totalement désincarné, mais qui chez une fille ne recueillait évidemment ni intérêt ni même une quelconque curiosité. Mon explication laborieuse terminée, nous avons fait la seule chose qui restait à faire, s’asseoir sur le côte émergé de l’embarcation et remuer nos jambes dans le vide en regardant la lune. La mer était déjà plusieurs centaines de mètres derrière nous et avec elle avait emporté le vent, laissant place à un silence impressionnant. C’est dans ce silence que nous avons d’abord entendu le bateau craquer légèrement, puis la voix d’un homme planté juste derrière nous.

A suivre

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By liobail
#132114 C'est agréable à lire.

Par contre, quand dans ce dernier paragraphe, tu laisses ressentir une attitude penaude, peut-être gauche (qui n'a jamais voulu faire impression en partageant un peu de savoir, pour se rendre compte tout à coup que la fille s'en balance totalement ?), où il y a un zeste de flottement ("Mon explication laborieuse terminée, nous avons fait la seule chose qui restait à faire, s’asseoir sur le côte émergé de l’embarcation et remuer nos jambes dans le vide en regardant la lune"), je trouve ça jouissif.

Je continue à croire que face à une femme humaine, se laisser une marge d'erreur laisse une possibilité à l'attendrissement. Après, si la fille se plaît à nous voir galérer, c'est un autre problème...
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By Stéphane
#132187 [size=150]Episode 5 : ancrés dans la chair[/size]

[img]http://www.spikeseduction.com/wp-content/uploads/imagewell/agata6.jpg[/img]

L’irruption de cette présence humaine depuis le plus profond du bateau avait en soi largement de quoi faire l’effet d’une bonne gifle. Mais dans cette langue aux antipodes de la nôtre dont chaque syllabe était une énigme, et en pleine nuit, et au beau milieu de la mer, c’était proprement terrifiant. Agata s’est jetées sur mon bras et l’a agrippé si fort qu'il a encore la trace de ses ongles. J’ai donné le change mais je n’en menais pas vraiment large. Dans les quelques dixièmes de seconde où je ne tournais pas encore la tête j’imaginais derrière nous le fantôme pâle et à moitié translucide d’une espèce de samouraï nautique venu venger la carcasse dépouillé de son bateau avec deux sabres-épées ou que sais-je encore. Et puis, les ongles d’Agata ancrés dans la chair, il fallu se retourner et aller voir ce qui se passait.

[quote]...

Le coupable avait l’air inoffensif. Râblé et moustachu, avec un grand sourire comme pour refuser un cadeau qui n’avait pas lieu d’être. Dans un anglais plus mimé que parlé, il nous a fait comprendre qu’il profitait de la marée basse pour réparer la coque de son bateau tout en nous invitant à rester dessus. J’ai évidemment décliné sa proposition d’un geste de la main assez éloquent mais il insistait tant et tant que je me suis demandé s’il n’éprouvait pas un intense plaisir à observer notre couple naissant, voyeur silencieux d’une scène dont il espérait peut-être plus qu’elle n’allait donner. Nous avons pris nos jambes à notre cou aussi dignement que possible et nous avons décampé. En nous voyant filer dans la vase à demi solidifiée, il essaya de nous retenir de quelques paroles rassurantes mais, désormais certain qu’il s’agissait d’un pervers, je tirais sans ménagement le bras de l’être dont la grâce, il faut l’avouer, souffrait tout de même de cette épaisse couche de vase verte kaki qui collait à ses chevilles blanches comme une sangsue.

[quote]Run, run... Just run

Arrivés à distance raisonnable du pirate, nous nous rendus compte qu’il pleuvait. Je me suis exclamé qu’il n’y aurait pas de moment plus romantique pour sceller cette rencontre d’un baiser. En bonne fille de l’Est elle avait pour le romantisme des considérations toutes pragmatiques aussi faisais-je preuve d’une forme de délicatesse péremptoire qui allait finir par jouer contre moi. C’est au milieu d’une phrase que j’ai décidé de l’embrasser. Ou plutôt, j’ai décidé de l’embrasser au milieu d’une de ses phrases.

J’ai d’abord senti ses lèvres prêtes à embrasser surtout la forme du mot suivant avant de m’embrasser moi puis, entraînées par le corps tout entier qui semblait vouloir dire «prends-moi dans tes bras», se sont relâchées pour accueillir les miennes. Agata embrassait avec élégance, les lèvres toujours un peu pincées, à l’ anglaise - c’est le corps qui disait tout le reste -, ce qui lui faisait gagner d’autant plus de points avec moi que je déteste ces grands léchages de gosier auxquels les gens s’adonnent dans les couloirs sombres de bars et pendant lesquels ils semblent s’échanger consciencieusement tous les restes de leur dernier repas. Montherlant n’a pas écrit beaucoup sur le baiser, mais quand on est capable d’intituler une pièce «Celles qu’on prend dans ses bras» et de remarquer qu’éternité est l’anagramme d’étreinte, on doit aussi avoir des notions relativement précises sur le sujet. A défaut de savoir lesquelles, je continuais de la butiner.

Embrasser quasi nu sous une pluie tiédasse est un plaisir de fin gourmet mais, une fois n’est pas coutume, je ne pouvais m’empêcher de penser que nos corps avaient quelque chose à se dire en privé, dans une forme de communication bien à eux, et qu’ils ne nous laisseraient pas de répit avant que cela n’ai été dit. On met bien souvent sur le compte d’une performance d’éloquence, de courage et de charisme ce qui n’est en réalité que la manifestation purement physique d’une attraction hormonale, et je décidais de ne pas quitter cette île pour la suivante avant d’avoir la confirmation de mon intuition selon laquelle nos hormones devaient se causer de près.

Comme d’habitude la fin du baiser était moins adroite que le début, alors pour briser le silence qui allait nous retomber dessus elle décida de me pincer les abdos. Heureusement pour moi, j’étais allé à mon cours de boxe avant de partir aussi ne put-elle réprimer un petit contentement quand elle n’y découvrir ni gras ni eau mais une petite couche de muscle bien tendue. Et c’est là, à l’instant le plus inattendu de la nuit, qu’une rafale de questions incohérentes est survenue, parmi lesquelles cette poignée dont je me souviens :

[quote]
- Pourquoi tu dis ça ? (ps : je n’avais rien dit)
- Pourquoi tu cherches ton copain (ps : je ne cherchais rien du tout)
- Quel type de fille tu crois que je suis ?
- Tu as l’habitude avec les filles non ?


D’elle ou du pirate fantôme, je ne savais plus vraiment de quoi je devais avoir peur. Je tentais tout de même, pendant que nous marchions vers la rive, d’apporter des éléments de réponse à la dernière question : on est bien obligé d’avoir un peu l’habitude avec les filles pour ne pas se réveiller un jour avec un tyran qui, de fille, n’a que le nom. Exception faite des frustrés qui veulent surtout trouver un moyen de s’enlever la crampe en bas du ventre, les viandards véritables adeptes du quantitatif façon Thierry Lhermite dans les bronzés sont plus rares qu’on ne le croît. Du moins j'ose l'espérer.

[quote]Je te ramène à ton hôtel ?
J’aurais volontiers attendu le lendemain pour lui poser cette question mais l’expérience dont il est question quelques lignes plus haut m’a notamment appris qu’une fois la glace brisée, il fallait toujours passer pour (un peu) plus entreprenant qu’on ne l’est réellement. Cela permet de rappeler son orientation sexuelle et à l’autre la petite jouissance de décliner une première fois. Après m’avoir logiquement refusé, nous sommes rentrés chacun à notre bungalow passer une nuit qui, pour ma part tout du moins, s’est montrée excellente. Jusqu’au petit matin.

A suivre.

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By Stéphane
#132221 Déjà plus de 4000 lectures et toujours aucun commentaire / question / étonnement / interrogation sur cette histoire qui n'est quand même pas banale ?

Qu'auriez-vous fait à ma place ?
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By Fizzy
#132222 La première réaction que j'ai envie de donner en achevant la lecture de ce récit : Dépêche-toi donc de publier la suite !

En revanche, imaginant la scène et surtout l'environnement de ces plages Thaïlandaises à la lumière d'une lune fantastique, je me demande si au lieu de rentrer profiter d'un simple lit, je n'aurais pas été chercher un recoin de sable plus isolé encore afin de profiter au mieux de cette nuit si particulière.
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By ornitorink
#132226 [quote="Stéphane"]Embrasser quasi nu sous une pluie tiédasse est un plaisir de fin gourmet
Ho que oui. Beaucoup de gens n'aiment pas la pluie, moi je trouve que l'écouter tomber à un coté apaisant.
Quand à s’embrasser et s’étreindre sous la pluie, cela donne toujours plus d’intensité et d’érotisme, le genre de baiser que l’on n’oublie pas. Alors pour ce qui est de faire l’amour sous la pluie…
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By Stéphane
#132229 Ah ben vous ne devriez pas être déçus de la suite alors. Enfin je dis ça je dis rien, il faut encore que je me souvienne assez bien pour retranscrire ;)
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By lolalola
#132231 [quote="Stéphane"]Déjà plus de 4000 lectures et toujours aucun commentaire / question / étonnement / interrogation sur cette histoire qui n'est quand même pas banale ?
Allez, pour faire mon flagorneur, et parce que j'aime les compliments à double tranchant, sais-tu ce qu'on dit du silence qui suit Mozart ?
By Oksana
#132356 Putain, quel style! Ok, les fringues, les chaînes Hi-Fi, c'est une chose, mais là je suis conquis. Très belle plume vraiment. J'ai eu l'impression de vivre la scène en te lisant.

J'attends le prochain chapitre avec impatience. Vous êtes rentrés séparément, mais on va voir si ta fameuse "connexion" a malgré tout porté ses fruits le lendemain ;)