- Mer Aoû 11, 2010 3:11 pm
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C'est vrai que son parcours est intéressant. En voici une esquisse :
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Le contexte :[/size]
Ses parents ne travaillaient pas jusqu'à récemment, milieu défavorisé, élevé dans les pires quartiers. Des gens pauvres, donc, mais à l'histoire familiale riche et glorieuse cependant, en d'autres lieux et d'autres temps. Scolarité chaotique, il se battait en permanence. A l'époque il n'avait qu'un seul ami : moi, qui pourtant était son contraire. Je me rappelle encore lorsque des types s'y mettaient à cinq pour le tabasser. Le lendemain s'il les croisait, il les chargeait à nouveau, comme sur un champ de bataille, comme Charles Martel ou le Duc d'Aquitaine à la tête de leurs armées. A la différence près qu'à l'époque, il n'avait pas d'armée. A vrai dire il n'avait même pas d'habits neufs : il portait ceux offerts par les oeuvres de charité, et une fois les cours terminés il allait trier les fruits pourris pour gagner quatre sous.
Puis nous nous sommes presque perdus de vue. Il venait me donner de ses nouvelles une fois par an, je ne lui donnais jamais des miennes. Jusqu'à ce que j'entre en médecine et que nous ne nous voyons plus du tout.
Enfin, nous nous sommes retrouvés il y a deux ans, au hasard bienheureux du couloir d'une boite de nuit. J'avais enfin muri, enfin plus adulte alors que lui l'était depuis longtemps par la force des choses, nous nous sommes redécouverts.
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Sa formation :[/size]
Brevet des collèges, 1 CAP mécanique, 1 CAP maçonnerie, 1 CAP électricien.
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Son parcours :[/size]
Aujourd'hui il a vingt cinq ans.
Pendant plusieurs années il a travaillé comme mécano dans, successivement, quasiment tous les garages du département. Non pas qu'il se fasse régulièrement virer, mais il a cette caractéristique qu'il ne tient pas en place, recherche avant tout le changement, l'apprentissage, la découverte. Il voulait voir de nouvelles choses et de nouvelles têtes.
Durant ces années là il habitait chez ses parents, il ne dépensait rien de ce qu'il gagnait. Il engrangeait méthodiquement chaque euro.
Ainsi s'est-il créé un premier capital.
Au bout de trois ans il me semble, il a monté son propre garage. Sa première affaire.
L'année suivante, il ouvrait un restaurant. Sa deuxième affaire.
Puis il s'est fait embaucher comme commercial par un gros groupe. Il est entré vendeur, puis est devenu responsable d'agence, puis de département, puis de région.
Pendant trois ans, sans interruption, il a été invariablement premier à tous les challenges nationaux (trois par an). Cela, sans négliger ses autres affaires précédemment créées.
Il s'est forgé une réputation en acier trempé : "
ce type peut vendre n'importe quoi, à n'importe qui, à n'importe quel prix".
Alors il a continué à étendre son activité, comme il l'a toujours fait et le fait toujours, guidé par cette incapacité à rester gentiment à sa place, depuis les bancs du collège. Comme, du fait de son métier, il rencontrait énormément de personnes, il s'est développé un réseau parmi des milieux très aisés. Il connaissait tout le monde. Untel cherche un appartement ? Tel autre veut vendre sa voiture ? Tel troisième une maison ? Chacun savait à qui faire appel.
Il était au courant de tous les bons plans. Grace à ses trois CAP, il était aussi capable de faire énormément de travail lui-même.
Puis est venue une très grosse proposition par une entreprise célèbre : un contrat de commercial toujours, mais avec des conditions extrêmement avantageuses pour un grand vendeur comme lui. Dans une période de troubles, après un enchainement de deux séparations difficiles et une petite dépression, il a accepté.
Il a passé six mois étranges : il travaillait jusqu'à minuit et demie chaque soir durant une semaine, puis partait sur un yacht faire la fête la suivante. Ou bien il travaillait un jour, et le lendemain il avait la flemme.
Nous nous voyions énormément, presque tous les jours. Nous étions tous les deux plus ou moins célibataires, nous avions la même ambition et la possibilité de sortir aux mêmes endroits en parlant business toute la nuit. Nous nous prenions pour des milliardaires. Ça nous plaisait.
C'est à cette époque là qu'on a commencé à construire des choses précises, chacun dans nos cordes. On a pris conscience du fait que c'était
maintenant qu'on était jeunes et fous et qu'on ne devait pas perdre de temps. Nous nous sommes fixés des objectifs, nous sommes devenus plus raisonnables. Les gens ne voulaient pas réussir, se satisfaisaient des miettes. Nous, nous voulions le gâteau en entier. Il y avait largement la place, pour peu qu'on y mette le coeur et les moyens.
Autant lorsque je discute avec un autre très bon ami, je me sens heureux, et ça conforte mes acquis, autant lorsque je discute avec lui, je sens le futur qui palpite et qui se crée.
Il continuait de développer son réseau. C'est la clef. Actuellement ce réseau lui rapporte plus que son travail (qui lui rapporte déjà beaucoup). Il se prépare à ouvrir une nouvelle affaire et on lui propose une association à 50% dans une quatrième avec un très gros bonnet.
En fait ce parcours qui semble atypique ne l'est pas. Il se résume à :
1) Se faire des relations pour se créer des opportunités.
2) Accepter ces opportunités et se créer de nouvelles relations, et ainsi bénéficier de nouvelles opportunités.
3) Le tout en montant d'une marche à chaque fois, et continuant à avancer, toujours.
Son moteur est une volonté souveraine, et les moyens : des capacités sociales ahurissantes. C'est de lui que je parlais dans un post précédent avec l'anecdote de l'ambassadeur, post intitulé
Hors normes.
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Remarque :
Lorsque l'on parle ascension sociale, et gagner toujours plus, on entend souvent des gens ruminer :
« Oui mais est-ce que tu seras plus heureux, bla bla ? Qu'est-ce que ça cache, gna gna ? Ça n'aura pas de fin, hein ? »
Voilà ce que je pense :
Tout d'abord, ces gens ne
savent pas de quoi ils parlent. Ils n'ont aucune expérience personnelle de la grande richesse. Seulement une approximation extérieure biscornue.
Ensuite, bien sûr que ce n'est pas une quête du bonheur. En ce qui me concerne, je suis
déjà heureux. En toute honnêteté, j'aime ma vie, tout de ma vie, j'aime les gens qui m'entourent, j'aime ce que j'ai et m'en satisfait pleinement. Et je m'aime.
D'ailleurs, devenir chirurgien ne permet pas, seul, d'être milliardaire, loin de là. Il n'y a là aucune trace de motivation financière mais celle de mes valeurs et de mes inclinations naturelles : choses plus importantes que l'argent.
Ce qui motive mon ambition financière et ma volonté d'aller toujours plus haut, c'est le
plaisir, le défi que ça représente, et le caractère passionnant du chemin qui y mène. Pour mon ami c'est différent, lui a une revanche à prendre sur la vie. Il a des fantômes qui le hantent, comme cette vieille prof d'anglais qui le regardait de haut lorsqu'il était gosse, et lui disait en souriant à pleine dents, dégoulinante de vinaigre et de condescendance :
« Mon pauvre ami, tu feras du carrelage... »