- Lun Aoû 01, 2011 9:55 pm
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Les bonnes rencontres[/size]
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(et les autres)[/size]
En lisant le journal d'Animal et les interventions associées, m'est apparue cette
idée saugrenue : la vie est un jeu de billes.
[img]http://lewebpedagogique.com/valtrede/files/2011/05/bille1201695301.jpg[/img]
Les personnalités s'entrechoquent et changent de trajectoire, les gens roulent
tantôt la tête en bas, et le reste du temps les pieds en haut. Moi-même actuellement,
où en suis-je dans mon cheminement ? Maxi mammouth ou mini galot ? Agathe de
porcelaine sortie du jeu, ou boule d'argile calibrée, précise et bien lancée ?
Comment percute-t'on la bonne bille ? Je trouve que le gamin qui a lancé la mienne
(un gamin bourré de talent, un petit flibustier à la tignasse en bataille, têtu comme un
vieux sous un chêne, et les poches pleines de caramels pour ses petites camarades,
bref, un gosse qui a du chien), ne l'a lancé ni au hasard, ni contre le vent.
Ce gosse-là a visé comme un chef.
J'y ai repensé souvent : j'ai véritablement su quel type fille me conviendrait en fin
d'année dernière. Auparavant mes choix n'étaient justifiés que par des constructions
branlantes. Mais lorsque octobre deux mille dix est arrivé, je savais, vraiment. Cela s'était
imposé à mon esprit progressivement au fil des relations. Des caractéristiques simples et
précises, concernant son caractère, son corps, son niveau social et d'études,
sa vie sexuelle, son éducation et sa cellule familiale, et le reste, tout le reste dont je ne
savais rien mais sentait tout. En clair, je sentais de quelle personne je pourrai non
seulement tomber amoureux, mais en plus, et surtout, avec laquelle m'embarquer sinon
pour le voyage du reste de ma vie, du moins pour une croisière mémorable.
Et quoi ? Le gosse a bien visé : il a trouvé la bonne bille cible, et il m'a lancé. Comme un
as. Je me suis retrouvé précipité dans les airs, les fesses en l'air, la tête dans les étoiles.
Non, je ne crois pas que ce soit par hasard que j'ai rencontré cette fille-là. Brune italienne
avec de la classe et cultivée, d'un milieu social équivalent et issu d'une famille à
l'ancienne, belle et farouche cavalière, et j'en passe : je passe le plus important. Ce qui ne
se voit pas, ce qui se sent dans le regard. Dans son regard j'ai reconnu tout de suite
cette profondeur qui me fait palpiter, cette détermination perdue au milieu de certitudes
nouvelles et trop vastes pour une seule personne, j'y ai reconnu tout cela, et tout cela m'a
m'a fait penser d'elle : toi, toi tu es là. Le monde est grand mais tu es en face de moi.
Un jour, je suis allé voir un marabout. Un guérisseur, reconnu par ceux qui le
reconnaissent, bref, quelqu'un que je payais pour qu'il me tripote les muscles, me dise
que je ressemble à ma mère, et me donne des gouttes dans un flacon jaune. Il m'a affirmé
que je suis un chêne, et que je porte le poids du monde sur mes épaules. J'aime ma vie
pourtant, je ne l'échangerai contre aucune autre, souvent gai, toujours intéressant, même
lorsque je ne dis rien. Je comprends tout, ou alors je ne comprends rien, et lorsque
j'avance, je suis toujours droit.
Alors j'ai ajouté
Le chêne et le roseau à mon recueil mental de fables de La Fontaine.
Certains trouvent de bon goût de placer de savantes citations dans leur conversation, je
leur préfère les fables : tellement plus belles, elles ont le mérite de se suffir à elles-
mêmes, chose dont la plupart des gens est incapable. Et La Fontaine est tellement plus
classe dans son verbe, exact à la pointe de sa plume, farfelu dans ses bottes et grand
sous son chapeau qu'après une récitation, je m'assois, je regarde le monde et je le vois.
Je ne sais pas si ce fut un coup de foudre. Je sais qu'il y a un regard qui m'a plu,
surpris, transpercé : elle ne me regardait pas, mais regardait devant elle, et je la
regardais regarder, et j'ai aimé sa façon de regarder. Rapidement nous nous sommes
emboîtés, et au fil des mois je me suis rendu compte de ce fait étrange : elle correspond
exactement à ce que j'aspirais.
En mieux.
Merci gamin.