Avoir une vie stylée

Modérateurs: animal, Léo

By Rose Selavy
#126688 [quote]Je la connais bien, la solitude. C'est la vieille copine de ceux qui on accepté de ne ressembler à personne, de regarder en face leur unicité à la fois comme force et comme vulnérabilité. C'est une amie pas facile, exigeante, un peu dangereuse, comme une haute montagne peut-être mortelle si on se met soudain à regarder en bas ou à vouloir redescendre dans la vallée alors qu'on est encordé à flanc de paroi. C'est une épreuve à laquelle on doit se mesurer un jour ou l'autre parce que, pardon pour le cliché, mais on naît seul, on meurt seul et foncièrement, essentiellement, là où c'est important, on vit seul. Sinon on ne deviendrait pas complètement dingue à chaque fois qu'on découvre quelqu'un dont on pense qu'il va comprendre ce qui se joue dans notre solitude. Je regarde le temps que je passe à inventer des ruses d'apache pour essayer de la contourner, les heures cramées sur les réseaux sociaux ou le net pédé, ou dépensées à faire des choses dont le but est au fond un jour d'atteindre quelqu'un qui me reconnaisse et me comprenne : c'est déjà un mode plus noble de gérer la solitude que le cumul d'amis bidons sur Facebook (pardon pour les quelques vrais), mais il y a encore derrière ça un désir fusionnel, l'illusion de pouvoir colmater la brèche, et toutes ces blagues platoniciennes sur la « moitié » égarée dont notre conditionnement est pétri. Il n'y a pas de « moitié », il n'y a que des autres, et aimer ce n'est pas chercher à remplir un vide, c'est aller vers un autre en acceptant de lui montrer la fragilité douloureuse et belle qui a poussé, justement parce qu'on a accepté que le vide soit notre inévitable trésor. Aimer ce n'est pas cesser d'être seul, c'est être assez réconcilié avec sa propre solitude, pour pouvoir en accueillir une autre, sans prétendre la remplir ou la supprimer.

[url]http://www.minorites.org/index.php/2-la-revue/1339-choisir-sa-solitude.html[/url]
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By Eick
#126692 Sur la présentation de l'auteur, il y a une phrase qui m'est resté dans le gosier : "ce qui compte c'est l'élégance avec laquelle on se relève."

Excellent.
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By Dje
#126693 Dans une dimension plus terre-à-terre, ce qui compte c'est l'élégance avec laquelle on se lève.
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By Stéphane
#126694 [quote="Rose Selavy"][quote]Je la connais bien, la solitude. C'est la vieille copine de ceux qui on accepté de ne ressembler à personne, de regarder en face leur unicité à la fois comme force et comme vulnérabilité. C'est une amie pas facile, exigeante, un peu dangereuse, comme une haute montagne peut-être mortelle si on se met soudain à regarder en bas ou à vouloir redescendre dans la vallée alors qu'on est encordé à flanc de paroi. C'est une épreuve à laquelle on doit se mesurer un jour ou l'autre parce que, pardon pour le cliché, mais on naît seul, on meurt seul et foncièrement, essentiellement, là où c'est important, on vit seul. Sinon on ne deviendrait pas complètement dingue à chaque fois qu'on découvre quelqu'un dont on pense qu'il va comprendre ce qui se joue dans notre solitude. Je regarde le temps que je passe à inventer des ruses d'apache pour essayer de la contourner, les heures cramées sur les réseaux sociaux ou le net pédé, ou dépensées à faire des choses dont le but est au fond un jour d'atteindre quelqu'un qui me reconnaisse et me comprenne : c'est déjà un mode plus noble de gérer la solitude que le cumul d'amis bidons sur Facebook (pardon pour les quelques vrais), mais il y a encore derrière ça un désir fusionnel, l'illusion de pouvoir colmater la brèche, et toutes ces blagues platoniciennes sur la « moitié » égarée dont notre conditionnement est pétri. Il n'y a pas de « moitié », il n'y a que des autres, et aimer ce n'est pas chercher à remplir un vide, c'est aller vers un autre en acceptant de lui montrer la fragilité douloureuse et belle qui a poussé, justement parce qu'on a accepté que le vide soit notre inévitable trésor. Aimer ce n'est pas cesser d'être seul, c'est être assez réconcilié avec sa propre solitude, pour pouvoir en accueillir une autre, sans prétendre la remplir ou la supprimer.

[url]http://www.minorites.org/index.php/2-la-revue/1339-choisir-sa-solitude.html[/url]
C'est vraiment très beau. Jusqu'à ce qu'on lise sa présentation un peu agaçante de poète-dj-journaliste-gay qui se torture un peu la nouille
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By Transcendantal
#126697 [quote]Je suis vraiment très sceptique à l'endroit de toute forme de pessimisme. Je trouve que le pessimisme traduit toujours un manque de bonne foi.

Une phrase que j'aurais pu dire moi-même (et que j'ai déjà dite sous une autre forme). Mais non, elle provient de l'un des plus grands philosophes du XXème siècle.

Hans-Georg Gadamer
By Rose Selavy
#126699 [quote="Stéphane"]
C'est vraiment très beau. Jusqu'à ce qu'on lise sa présentation un peu agaçante de poète-dj-journaliste-gay qui se torture un peu la nouille
Les présentations sont assez drôles à lire, typique de la subversion plus conformiste tu meurs .

Exemple : Étudiant en lettres modernes et en études théâtrales, photographe amateur, blogueur assidu sur Tumblr. S'intéresse à beaucoup de questions : la sexualité, la spiritualité, la pop culture, la communication, les pédés, l'immigration et... la future insurrection qui vient.
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By isador
#126758 [quote="Stéphane"]C'est vraiment très beau. Jusqu'à ce qu'on lise sa présentation un peu agaçante de poète-dj-journaliste-gay qui se torture un peu la nouille

Vous êtes durs. Vous est-il déjà venu à l'idée qu'il y a des gens réellement comme ça (et qui s'y plaisent, de surcroît) ?
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By Dje
#126759 Je ne suis pas sûr que ça leur ait échappé.
En revanche, ce qui m'échappe, à moi, c'est comment on peut se réclamer de toutes ces choses sans rapport entre elles et y voir une plus-value.

[color=#f0f0f0]J'évite d'écrire sur mon CV que j'aime sodomiser des otaries, pour une raison peut-être inattendue je trouve que ça fait désordre.[/color]
By Masca
#126774 Je vous recopie une page assez parfaite de Marivaux. C'est long, mais d'une acuité terrible. A transposer à l'époque actuelle, avec nos mots (AFC, allumeuse, flirt, etc) et l'on s'aperçoit que les relations hommes femmes ont toujours été ce qu'elles sont.
De même le passage sur la femme vertueuse une fois appliqué à l'homme explique les gentils garçons : "n'a plus de sexe, quelque aimable qu'elle soit, aux yeux d'une infinité de gens"

"§ La coquette ne sait que plaire, et ne sait pas aimer ; voilà pourquoi on l'aime tant. Quand une femme nous aime autant qu'elle nous plaît, pour l'ordinaire, elle ne nous plaît pas longtemps ; son amour nous a bientôt fait raison du pouvoir de ses charmes.
§ La femme vertueuse, avérée pour telle, et par conséquent inaccessible à la fleurette, n'a plus de sexe, quelque aimable qu'elle soit, aux yeux d'une infinité de gens ; ce n'est plus une femme pour eux, elle ne leur est bonne à rien. Dites leur : Elle est belle femme ; ils vous répondront : Fort belle. Mais c'est un mot qu'ils vous disent, et non pas une réflexion qu'ils font avec vous.
§ Les vraies coquettes n'ont l'âme ni tendre ni amoureuse ; elles n'ont ni tempérament ni coeur. Je crois qu'il ne leur en coûterait rien d'être sages, s'il ne fallait pas quelquefois manquer de sagesse pour garder leurs amants. Leurs bontés, toujours rares, ne sont pas des faiblesses ; ce sont des actes de prudence. Elles n'ont pas besoin d'être faibles ; mais vous avez besoin qu'elles le soient un peu.
Un homme serait bien honteux de tous les transports qu'il a auprès d'une coquette qu'il adore, s'il pouvait savoir tout ce qui se passe dans son esprit, et le personnage qu'il fait auprès d'elle; car elle n'a point de transports, elle est de sang-froid, elle joue toutes les tendresses qu'elle lui montre, et ne sent rien que le plaisir de voir un fou, un homme troublé, dont la démence, l'ivresse et la dégradation font honneur à ses charmes. Voyons, dit-elle, jusqu'où ira sa folie; contemplons ce que je vaux dans les égarements où je le jette. Que de soupirs! Que de serments! Que de discours emportés et sans suite! Comme il m'adore! Comme il m'idolâtre! Comme il se tait! Comme il me regarde! Comme il ne sait ce qu'il dit! Allons, ma vanité doit être bien contente: il faut que je sois prodigieusement aimable; car il est prodigieusement fou.
Quelquefois aussi se trompe-t-elle. Cet homme, qu'elle appelle fou; peut n'être de son côté qu'un fripon, qui croit avoir attendri la friponne, et qui s'écrie en lui-même: Ah! que je suis aimable, et qu'elle est folle!"

Dans Le cabinet du philosophe
ByWicked
#126783 Maintenant, tu vas être obligé de passer dans le sujet Livre pour nous présenter l'auteur :mrgreen:
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By animal
#126784 [img]http://25.media.tumblr.com/tumblr_maiucbYqss1qeyov3o1_500.jpg[/img]

[quote="Bob Marley"]How to love a woman.
“You may not be her first, her last, or her only. She loved before, she may love again. But if she loves you now, what else matters? She’s not perfect - you aren’t either, and the two of you may never be perfect together but if she can make you laugh, cause you to think twice, and admit to being human and making mistakes, hold onto her and give her the most you can. She may not be thinking about you every second of the day, but she will give you a part of her that she knows you can break - her heart. So don’t hurt her, don’t change her, don’t analyze and don’t expect more than she can give. Smile when she makes you happy, let her know when she makes you mad, and miss her when she’s not there.
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By Murakami
#126814 Il a tout résumé en quelques phrases, quelques lignes... Voilà pourquoi ce gars suscitera toujours de l'admiration chez moi.

Merci d'avoir posté cette citation Animal, elle tombe pile au bon moment pour moi.
By Masca
#126846 [quote="Wicked"]Maintenant, tu vas être obligé de passer dans le sujet Livre pour nous présenter l'auteur :mrgreen:

Marivaux tout de même, aller la culture G :lol: ... Je le présenterai donc ici!
Auteur du XVIIIème, de théâtre surtout. Sa grande particularité a donné un mot depuis son nom : le marivaudage. Qui signifie "échanger des propos galants et d’une grande finesse, afin de séduire un homme ou une femme" ou bien le badinage, tout simplement, mais pour faire passer de plus grandes idées.
Il se distingue surtout par son rire sur les autres hommes : "et de moi-même que je vois dans les autres", car la réalité est toujours plus complexe et fugitive que les cadres rigides dans lesquels on tente de l’enfermer.

Je ne m’étendrai pas plus, mais en bref c'est du bon classique, avec des touches très intéressantes par moment ;)
ByWicked
#126999 " Le développement de l'esprit critique est en effet pour chacun le seul moyen de se forger une opinion personnelle sans céder aux conformismes ambiants ni aux modes passagères, pour être acteur et non spectateur, décideur et non-exécutant, libre et non pas asservi. "

De l'un de mes professeurs.
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By Orphée
#127025 Deux citations de La horde du contrevent que j'avais noté dans un coin durant la lecture car elles m'avaient faites sourire et que je viens de retrouver :

« Debout, accoudée au plat-bord, sa simple présence n’avait plus maintenant cette apparence de seuil, de porte ouverte sur un grand large qu’elle suscitait hier encore. Je ne me projetais plus à travers elle, le drapeau de mon rêve pendait sur sa hampe. »

« La séduction est dévolue au pont ; elle le sera au feu central, dans la prairie, tout à l’heure. Ceux qui jouent sont les plus timides, de jeunes boutefeux que leur chibre soulève mais qui n’osent, sur le pont, affronter cette joute autrement délicate de l’amour impossible. Alors ils s’envolent et fanfaronnent, restent entre eux, prompts à mater, à déstabiliser les séducteurs aguerris qui demeurent, eux, les pieds stratégiquement rivés au plancher du navire… »