- Dim Mar 16, 2014 10:15 pm
#148675
Je ne vais certainement pas écrire une critique* alors que je n'ai lu qu'un ouvrage de Jakob (L
'or de Cajalmanca).
D'ailleurs, je vais essayer de me procurer en librairie
L'Affabulateur,
L'affaire Maurizius, et
Gaspard ou la paresse du cœur, car je pense qu'il y a de la matière à creuser dans les livres de cet auteur oublié.
Promis, j'en dirais plus sur lui dans les deux semaines à venir.
Petit passage de L'or de
Cajalmanca pour vous montrer la beauté de la prose de Wasser (j'avoue m'être un peu emporté en écrivant mon dernier message) :
[size=85](C'est un conquistador qui s'exprime dans son journal après avoir participé aux massacres des Incas).[/size]
"J’ai vu la mort sous toutes ses formes qu’elle prend sur terre ; j’ai vu les amis s’en aller, les chefs tomber, les peuples disparaitre : j’ai vu l’inconstance de tout bonheur et la duperie de toute espérance ; j’ai gouté le dépôt amer de toutes les boissons et le poison secret de toutes les nourritures ; j’ai souffert de la discorde dans les communautés, de la folie, y compris celle des gens éclairés ; j’ai subi la cruauté tranquille du Temps qui passe sur cette terre de douleur ; j’ai reconnu la vanité de l’avoir et l’éternité de l’être, et je me suis mis à désirer au plus profond de moi-même l’existence d’une étoile meilleure, que le soleil, dans sa magnificence, irradierait d’une lumière plus pure et d’une âme plus noble.
Peut-être que celle sur laquelle je vis a été abandonnée de Dieu."****
*Je ne suis certainement pas comme toi, Maurice, qui lit pour se délecter et apprécier comme on apprécierait la cuillerée d'un sorbet glacé sur le milieu de la langue.
En fait, j'en viens même à me demander si ça ne doit pas être une tradition française (ou gauloise) de consommer pour ensuite prononcer, sous la forme d'un compte-rendu, une évaluation de quinze pages, souvent agrémentée de vingt formules de politesse.
Une appréciation du style : « Oh c'était très délicieux ! Oh je me suis régalé ! Le parfum à la fraise fondait sous le voile du palais ! Néanmoins, moi, à la place du préparateur, j'aurais mis un peu de raisin sur le dessus des boules et un peu d'alcool sur le bord du bol pour atténuer le sucré du fruit ! Oh oui ! Ça aurait été excellent ! Qu'en penses-tu, Ludivine ? (Et là, Ludivine répond : oh oui Francis, une petite larme d'alcool sur le bord du bol ! Ça aurait été sublime ! Ah là on aurait payé pour quelque chose ! Quel dommage, enfin ! Nous repasserons dans un mois pour voir si le restaurateur a changé sa recette ! Qu'en dis-tu Francis ?) ».
J'ai une approche plus célinienne des choses (c'est étonnant puisqu'il était gaulois).
Je recherche
les styles et la crème chantilly m'embête. Je n'aime pas les analyses, les appréciations ou les évaluations d'une œuvre qui deviennent encore plus romancées que le roman lui-même.
Lorsque je visite un livre, je regarde comment le type s'y est pris pour faire avancer son histoire, et puis je sors en essayant de retenir, avec quelques mots clés, ce qui m'a le plus marqué dans ses réflexions. De la sorte, je vois si je continue l'aventure avec un autre bouquin du même bonhomme ; mais, commencez à répertorier les métonymies, les chiasmes et les écarts de langue, ainsi que les particularités scénaristiques de l'auteur me tueraient l'esprit.
La preuve, je crois que je n'aurais jamais deviné que Victor Hugo était un auteur de l'antithèse si tu ne me l'avais pas écrit ici. Pourtant, j'ai lu tous ses romans et j'ai lu 3/4 de sa poésie.
En bon Germain qui se respecte, j'ai une certaine retenue, voire une éventuelle froideur, qui me pousse à me taire après un repas ou une lecture.
En faire des tonnes m'exaspère.De même que lire lire lire, avoir une belle bibliothèque, être passionné de littérature, s'extasier devant des scénarios romanesques sans jamais écrire une seule page de sa vie est... presque tragique en soi.
*[size=85]Il suffit de regarder l'émission "Bienvenue chez nous" avec les tables d'hôte pour voir que le français de base est bien comme je le décris plus haut : un goûteur qui le fait savoir à ses voisins de table.[/size]
"Tout finira par la canaille."
Nietzsche.